L'Oise Agricole 09 février 2023 a 09h00 | Par Christophe Soulard

Une manifestation pour obtenir «le droit de travailler»

A l’appel de la FNSEA et JA du grand bassin parisien, plus de 600 tracteurs et entre 2500 et 3000 agriculteurs ont convergé vers Paris mercredi 6 février pour exprimer leur colère devant l’inertie du Gouvernement face aux nombreuses contraintes qui pèsent sur la profession d’agriculteur.

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- © Virginie Charpenet

Mercredi matin, sur le parvis de l’Hôtel des Invalides, les premiers tracteurs sont arrivés à destination vers 10 h 15 et les derniers vers 11 h 30. Au total, ce sont plus de 600 tracteurs et environ 3 000 manifestants qui se sont retrouvés au rond-point du Bleuet de France. Le lieu n’a pas été choisi par hasard car c’est ici que repose Napoléon 1er.

C’est en effet à l’empereur que l’on doit l’introduction de la betterave en France (qu’il a rapportée de Pologne), à la base du déclenchement du mécontentement des agriculteurs depuis l’interdiction par la Cour de justice de l’Union européenne le 19 janvier dernier, d’utiliser des néonicotinoïdes. «C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», ont soutenu, tour à tour, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA et Damien Greffin, président de la FNSEA Grand bassin parisien.

Besoin de courage politique

Tous les agriculteurs, agricultrices, jeunes et moins jeunes, venus de plus «de 30 départements», a précisé ce dernier, ont exprimé leur «ras-le-bol» des interdictions, des réglementations et des surtranspositions qui pénalisent les exploitations. Ainsi Alain Huchet, producteur de pommes de terre en Normandie et éleveur de 200 vaches allaitantes, s’étonne-t-il que la quasi-totalité de sa production de pommes de terre parte à l’exportation et que les hausses de charges de l’an dernier lui ait fait perdre plus 40 000 euros «uniquement sur troupeau allaitant. Je ne peux pas me permettre ça une année supplémentaire», nous a-t-il confié. «On n’en peut plus de ne plus pouvoir produire des betteraves, des cerises, des pommes de terre, etc.», s’est emporté Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA.

Comme les autres orateurs, il a harangué les nombreux politiques présents de tous bords à défendre le savoir-faire agricole français : «Laissez-nous produire», leur a-t-il lancé, très applaudi par les manifestants. Dans le prolongement de ce discours, Christiane Lambert a souligné le besoin de courage dont les politiques devraient avoir besoin pour rectifier le tir. «Faire croire que l’on peut produire sans produits phytopharmaceutiques, sans chimie, c’est une mascarade», a-t-elle affirmé mettant en évidence la contradiction suivante : «La France est le premier pays au monde consommateur de médicaments humains, et il ne faudrait pas que nous traitions nos plantes et nos animaux malades ?».

Indemnisation totale

Ce qu’ont demandé les dirigeants agricoles qui se sont succédé à la tribune (*) c’est que les politiques arrêtent de faire preuve de «naïveté face aux opposants qui détruisent l’agriculture française», selon les mots de Franck Laborde, président de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM). Un thème repris par Christiane Lambert qui ne veut pas reproduire en agriculture les coups de boutoirs qui ont conduit l’industrie française et le nucléaire à la décroissance. Ce que Louise Piercourt (JA) appelle «la liquidation organisée des moyens de production». «Nous manifestons pour avoir le droit de travailler (…) alors même qu’on fout en l’air l’agriculture française», a, pour sa part, invectivé Éric Thirouin, président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB). Un avis partagé par Arnaud Rousseau, président de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP) qui demande de la cohérence aux politiques. «La primauté du politique doit prévaloir», a-t-il insisté. Il faut dire que pendant que les tracteurs se dirigeaient vers les Invalides, une délégation d’agriculteurs, conduite par la FNSEA, a été reçue par le ministre de l’Agriculture. «Le ministre s’est engagé à ce que l’intégralité des pertes sur les betteraves soient prises en charge par l’État, sans franchise et sans plafond. L’indemnisation sera totale», a indiqué Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). «Un rendez-vous très moyen», a estimé de son côté Damien Greffin qui demande que le Gouvernement se réveille pour qu’il «nous redonne vision et perspectives».

Bien que chahutés dans leur ensemble, quelques élus ont profité de la manifestation pour témoigner de leur soutien aux agriculteurs. On a ainsi pu remarquer la présence de Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, de François Baroin (maire de Troyes), de Stéphane Travert député (Renaissance, Manche) et ancien ministre de l’Agriculture, ainsi que de nombreux maires et conseillers régionaux et départementaux. Quelques députés et sénateurs étaient également présents. Au nom des sénateurs présents, Pierre Cuypers (LR, Seine-et-Marne) a déclaré que «le Sénat est ici pour vous appuyer, pour éviter que le pays ne sombre dans la médiocrité et la dépendance». «On a besoin de vous garder», a ajouté Xavier Bertrand. «On ne lâchera pas notre soutien au agriculteurs», a, pour sa part, assuré la député Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale.

(*) Damien Greffin (FNSEA GBP), Geoffroy d’Evry (UNPT- pommes de terres), François Roch (FNPFruits), Éric Thirouin (AGPB), Philippe Bréhon (Union des endiviers), Louise Piercourt (JA), Franck Laborde (AGPM), Franck Sander (CGB), Arnaud Rousseau (FOP-oléoprotéagineux)

- © Agence de presse

Alexis Hache, président de la CGB Oise

Qu’on nous donne des moyens de production

La manifestation du jour est un succès : une forte mobilisation avec 2500 agriculteurs et 500 tracteurs, dans le calme, sans débordements et des messages passés aux politiques. Ce que nous voulons, ce sont des moyens de production avec des alternatives fiables et durables. Aucune interdiction de produits phytosanitaires ne doit se faire sans étude d’impact au préalable avec les examens des conséquences, que ce soit en terme technique, écologique et économique. Il s’agit de ne pas remplacer nos productions par d’autres, venues de pays moins-disants au point de vue écologique. Nous avons rendez-vous demain, jeudi 8 février, avec le ministre, Marc Fesneau mais nous avons peur que ses propositions ne soient que financières. Une jaunisse forte, c’est 500 millions d’euros de pertes pour les planteurs et 500 millions pour les industriels. L’État français n’est pas en mesure de mettre sur la table de telles sommes pendant plusieurs années. La solution ne peut donc être que technique si nous voulons garder la production en France et notre souveraineté alimentaire. Je tiens à remercier les participants à la manifestation et me réjouis de la bonne organisation entre la CGB 60, la FDSEA 60 et les Jeunes Agriculteurs de l’Oise.

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