L'Oise Agricole 01 septembre 2021 a 17h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

Inondations: imaginer un dispositif d’indemnisation des exploitants

À l’initiative de la FDSEA 60 qui l’avait alertée début juillet, Corinne Orzechowski, préfète de l’Oise, a provoqué une réunion de concertation à Babœuf, suite à la crue de l’Oise qui a détruit de nombreuses parcelles de fourrages fin juillet.

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- © Christophe Demeester

Y étaient conviés les représentants de la profession agricole (FDSEA, Chambre d’agriculture, JA, MSA, CER, AS60) et les agriculteurs touchés mais aussi VNF, l’Entente Aisne-Oise, le Syndicat mixte Oise-Moyenne, le Département, la Région, banques et assureurs, le Conservatoire des Espaces naturels des Hauts-de-France et les représentants des services de l’Etat, DDT en tête.
La préfète l’annonçe d’emblée: il s’agit de comprendre le phénomène de cette crue du 24 juillet, exceptionnelle en été, d’en déterminer les causes, de mesurer les dégâts sur les exploitations agricoles du secteur et de voir ce qui peut être fait. Elle assure à ce sujet avoir sensibilisé le ministère de l’Agriculture dès le mois de juillet.
Les agriculteurs font alors part de leur vécu pendant cette inondation et notamment Éric Labarre, responsable FDSEA de l’arrondissement de Compiègne. Des parcelles totalement inondées, photos impressionnantes à l’appui, des fourrages perdus ou même non récoltés, des animaux qu’il a fallu rentrer en pleine moisson, des cultures inondées et puis des inquiétudes sur la future pousse des pâtures qui n’ont pas été fauchées et, plus largement sur la répétition de tels événements climatiques.
Sans compter que certains éleveurs ont dû acheter des fourrages en prévision de l’hiver et que beaucoup s’interrogent sur les éventuelles pollutions qu’a pu apporter cette crue.
Régis Desrumaux, président de la FDSEA 60, s’interroge tout haut quant à la gestion des cours d’eau, les agriculteurs ayant l’impression d’être sacrifiés pour éviter que des villes en aval ne soient inondées.
Hervé Ancellin, président de la Chambre d’agriculture de l’Oise, rappelle que ce secteur de l’Oise est fragile, essentiellement tourné vers l’élevage bovin, lait ou viande, déjà malmené. Il pointe le fort engagement des agriculteurs dans les mesures agro-environnementales qui leur sont proposées, avec un effet bénéfique pour la biodiversité et l’entretien des zones humides. «Mais ces mesures les ont aussi pénalisés car elles incluent des fauches tardives qui, du coup, n’ont pas pu être réalisées. Vu la récurrence de ces inondations, il va falloir trouver des indemnisations pour les agriculteurs touchés si on ne veut pas que ce secteur retourne à la friche.»

Mille hectares inondés
Agnès Cochu, responsable du service économie de la DDT, explique que le débit relevé le 29 juillet entre Condren et Noyon sur l’Oise moyenne correspond à celui d’une crue décennale et que la hauteur d’eau est celle d’une crue moyenne hivernale. L’exception vient de la période à laquelle ces phénomènes interviennent, c’est-à-dire en plein été ! La DDT a pu appliquer une modélisation de crue hivernale à 4 m pour évaluer le parcellaire inondé : environ 80 exploitations touchées et plus de 1.000 ha touchés, dont de nombreuses parcelles d’herbages engagées dans une MAE.
Cette approche a été complétée par une enquête réalisée par la FDSEA auprès de ses adhérents. Environ 540 ha déclarés, sans doute sous-estimés car tous les agriculteurs n’ont pas répondu. Éric Labarre estime que ce sont sans doute 800 ha qui sont impactés. «Déjà, fin juin, les parcelles étaient dans l’eau et, avec cet épisode de pluie en juillet qui a entraîné cette crue, nous avons le sentiment d’être abandonnés alors que nous rendons par ailleurs service à la société : dans les MAE, nous réduisons nos intrants, nous fauchons plus tardivement et, au final, nous perdons du revenu avec cette crue que nous avons subie pour ne sans doute pas inonder des habitations. Nous estimons qu’il y a un manque de transparence dans la gestion des niveaux d’eau entre VNF et l’Entente Aisne-Oise. Et puis nous ne demandons pas les calamités agricoles car elles ne déclenchent jamais !»
La préfète dit comprendre le sentiment de délaissement des exploitants et les difficultés dans lesquelles ils ont été plongés et tient à les rassurer: «soyez sûrs que je ne vous abandonne pas!»

Trop de pluie
Jean-Michel Cornet, directeur de l’Entente Aisne-Oise, intervient alors pour apporter des données chiffrées sur l’épisode estival de 2021. Entre le 13 et le 16 juillet, soit en trois jours et 6 heures, sont tombés 120 mm de pluies. De telles quantités se produisent plutôt en hiver (entre novembre et mars, on a relevé 16 épisodes de 120 mm depuis 1910 !) et sur des durées plus longues (128 mm en mars 1956 sur 6 jours). En cela, cet épisode est rarissime et ne devrait théoriquement pas se renouveler de sitôt.
Le directeur explique ensuite que le temps de réponse est variable selon le bassin et d’autant plus court que le bassin est petit. L’onde de crue se propage ainsi plus ou moins vite. Au-delà d’un débit de 70 m3/s, cela déborde ! En l’occurrence, en juillet, il y a eu une crue car la pente est faible et cela ne coule pas à cause de la végétation dense. «En aucun cas, la gestion de l’eau à Venette par VNF pour assurer la navigabilité aux péniches n’est responsable de la crue en amont», assure-t-il. Le phénomène subi en juillet est naturel (faible pente, végétation, précipitations abondantes et denses).
Bien sûr, il reconnaît qu’un manque d’entretien du lit des rivières et leur envasement accélère le débordement de l’eau. Mais le curage appelle le curage et, surtout, pour curer, ce qui n’est pas interdit, il faut demander une autorisation et avoir une bonne raison de le faire.
Bernadette Bréhon pointe le manque de curage de l’Oise dont la dernière opération a eu lieu en 1950 : «la rivière est beaucoup moins profonde et déborde aussi plus facilement.» Jean-Michel Cornet explique que lorsque des digues sont créées pour protéger des habitations et qu’elles vont entraîner des inondations agricoles, des protocoles sont signés, qui prévoient des indemnisations pour les exploitants. Dans le cas de cette crue, ce n’est pas le cas car ce ne sont pas des interventions humaines qui les ont causées.
Comment indemniser alors? Corinne Orzechowski souhaite mettre ce point à l’ordre du jour d’une réunion prévue le 1er octobre à l’occasion de la venue dans l’Oise du préfet de Région. «Il nous faut réfléchir entre l’Aisne et l’Oise et associer les Agences de l’eau, les Chambres d’agriculture, les gestionnaires de l’eau, les Départements et la Région pour imaginer des dispositifs d’indemnisation.»

Denis Pype, conseiller régional, annonce que le président de Région Xavier Bertrand est dans la même optique et souhaite mettre autour de la table tous les intervenants sur ce sujet. En attendant, la Région pourrait renouveler une aide qu’elle avait mise en place pour les semis de prairies.

Benoît Biberon, conseiller départemental en charge de l’agriculture, lui emboîte le pas et assure que le Département participera à une telle réflexion.
En attendant, des dispositifs classiques existent, qui seront mis en œuvre : dossier pour pourvoir déroger aux obligations liées aux MAE (dossier monté collectivement puis demandes individuelles en cas d’acceptation, dégrèvement TFNB, calamités agricoles, aménagements auprès des partenaires financiers, aides de la MSA (échéancier, report de cotisations), mais aussi cellule d’accompagnement des agriculteurs en difficulté. La panoplie habituelle en pareille situation. Pas sûr qu’elle suffise à calmer des exploitants désabusés qui n’y voient que «des queues de cerises».

- © FDSEA 60

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