L'Oise Agricole 21 avril 2016 a 08h00 | Par Bernard Leduc

«La proposition de Saint-Louis Sucre est mauvaise»

La suppression des quotas dès la prochaine campagne a amené les groupes sucriers à élaborer des contrats qu’ils proposent à leurs planteurs. Saint-Louis Sucre a fait une proposition, très critiquée par la CGB.

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- © Bernard Leduc

Par groupements d’usines, des réunions de planteurs sont organisées par les syndicats betteraviers. Il en est ainsi dans notre région pour les usines de Roye et d’Étrépagny. En ouvrant l’une de ces réunions dans l’Oise, vendredi dernier 15 avril à Noyers-Saint-Martin, Gilles Bollé, président du Syndicat betteravier de l’Oise, disait qu’après presque 50 ans de quotas betteraviers, les planteurs vont connaître «une révolution betteravière».

"Les groupes sucriers, qu’ils soient privés ou coopératifs, s’organisent et il est de l’intérêt des planteurs de maintenir la puissance de ces groupes, disait Gilles Bollé, en précisant cependant qu’il faut «répartir les marges» : les planteurs doivent, eux aussi, tirer un profit légitime de leur travail et de la culture de la betterave en particulier.

Dominique Fiévez, président de la commission mixte pour l’usine de Roye, et Roland Cuni, de la CGB, ont présenté le partenariat recherché avec Saint-Louis Sucre. Mais «il ne se présente pas bien», disait Dominique Fiévez, puisque «la proposition est mauvaise» ; celle-ci a été dévoilée par le groupe fin mars dernier, après une négociation qui a duré un an et demi et il est demandé aux planteurs de répondre pour fin avril à ce qui est présenté, tantôt comme un engagement de contractualisation, tantôt comme une enquête, sur des volumes à partir de 2017. Car, comme les autres groupes, Saint-Louis Sucre - ou plutôt la maison mère, le groupe allemand Südzucker - cherche à se positionner sur le marché, qui sera désormais totalement ouvert.

«Tous les groupes industriels veulent plus de betteraves», disait Gilles Bollé, et les planteurs sont courtisés pour souscrire davantage de surfaces : Südzucker cherche pour sa filiale française environ 20 % de volumes supplémentaires afin d’optimiser le fonctionnement de ses usines, dont la durée moyenne de campagne va passer à 120 jours, ce qui est déjà presque le cas pour les usines SLS de notre région.

Mais les planteurs ont besoin de prix rémunérateurs et de garanties, au moins d’une campagne sur l’autre. Ce qui n’est pas le cas avec la proposition présentée par Saint-Louis Sucre : si le prix des betteraves a été fixé, comme le souhaitaient les représentants des planteurs, en corrélation avec celui du marché du sucre, le calage de la grille ne répond pas du tout à leurs attentes, expliquait Roland Cuni qui disait que «Saint-Louis Sucre veut tondre les planteurs». Dans cette première proposition de contrat présentée aux planteurs, la grille part d’un prix du sucre de 450 €/t, qui correspondrait à un prix payé aux planteurs de 25,57 €/t de betteraves à 16, pulpes comprises. Ce qui est en retrait des prix antérieurs.

La CGB a calculé, en fonction des prix moyens de vente du sucre par ce groupe sur les campagnes précédentes, soit 362 €/t en 2014-2015 et 485 €/t en 2013-2014, que l’application de cette grille par rapport aux conditions actuelles ferait perdre aux planteurs respectivement 392 et 214 €/ha, sur la base d’un rendement de 89 t/ha.

«Où ira l’argent ? demandait Roland Cuni, avant de répondre : dans les poches des actionnaires de Südzucker», lesquels actionnaires sont majoritairement les planteurs allemands qui bénéficient déjà de nets avantages compétitifs par rapport à leurs collègues français.

Et rien ne permet de prévoir que le prix du sucre sera à 450 €/t, le risque étant d’ailleurs qu’il soit plus bas puisque l’offre sera probablement plus abondante du fait de la volonté des groupes d’être en position de force sur le marché. Donc le prix de la betterave descendrait, par exemple à 23 €/t, toujours pulpes comprises, si le marché du sucre affiche 400 €/t (qui équivaut aux cours constatés en 2014-2015). Cependant, si le marché permet une valorisation du sucre à plus de 450 €, un supplément de prix est annoncé, mais sans être défini.

Saint-Louis Sucre fait sa proposition sur un volume de base qui correspond pour chaque planteur aux trois meilleures des cinq dernières années de production. Par ailleurs, il est proposé à chacun de produire des betteraves additionnelles, à un prix augmenté de 4 €/t par rapport à la grille.

Mais cette augmentation correspondrait seulement à un peu plus que le coût des transports qui viendrait à la charge des planteurs sur ces betteraves additionnelles. Cette disposition agace les planteurs autant que celle incluant la valorisation des pulpes dans le prix des betteraves, puisqu’elle porte le germe de l’introduction d’une participation des planteurs aux frais de transport sur l’ensemble des betteraves produites. Une première en France…

 

Solidarité des planteurs

Les planteurs sont invités à répondre à Saint-Louis Sucre, avant le 30 avril, en s’engageant pour une, deux ou trois campagnes à partir de celle de 2017 incluse, sur des volumes à produire. Sur la base de ces explications, une proposition faite par le Syndicat betteravier a été validée à la quasi-unanimité : à chaque planteur de ne s’engager qu’a minima, en n’acceptant, pour un an seulement, que la troisième proposition sur ce courrier SLS, pour un contrat de betteraves 2017 à hauteur de sa surface de base, sans tonnage de betteraves additionnelles, chacun étant invité à ajouter une note supplémentaire: «Si la proposition de prix reste en l’état, je me réserve le droit de diminuer ce volume de betteraves de base».

Cette enquête retournée à Saint-Louis Sucre et dont le syndicat betteravier demande à avoir une copie ne vaudra de toute façon pas engagement contractuel. Le groupe cherche seulement à estimer ses possibilités de production et fera peut-être d’autres propositions aux planteurs, avec des aménagements locaux ou personnalisés. Mais la base des prix et les conditions proposées devraient inciter les agriculteurs à la prudence.

Ces explications ont en effet suscité nombre de réactions de la part des planteurs, certains estimant le gel des volumes insuffisant, en se prononçant pour une baisse du volume de base de 20 ou 30 %. Ces volumes de base, dans ce groupe, correspondent à peu près aux quotas actuels puisque Saint Louis Sucre avait développé peu de contrats SNA et la rémunération des betteraves était en retrait sensible par rapport à celle versée par Tereos ou Cristal Union.

«Nous sommes dans une année charnière et c’est cette année qu’il faut bouger» disait Dominique Fiévez, qui fait appel à la solidarité des planteurs pour ne pas s’engager pour une augmentation de leurs surfaces - ils peuvent aussi les réduire, d’autant que la rentabilité des betteraves est compromise si les niveaux de prix de sont pas améliorés - et pour forcer Saint-Louis Sucre à revenir à la table des négociations.

 

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