L'Oise Agricole 10 novembre 2022 a 08h00 | Par Actuagri

Les éleveurs des viandes AOP consolident leur modèle

Malgré les exigences déjà élevées de leurs cahiers des charges, les éleveurs de viandes sous appellation d'origine réfléchissent à de nouveaux engagements en matière de durabilité pour renforcer un modèle payant du point de vue écologique et économique.

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Pour le porc Kintoa (basque), par exemple, la priorité est de préserver la ressource en eau et de développer l'agroforesterie.
Pour le porc Kintoa (basque), par exemple, la priorité est de préserver la ressource en eau et de développer l'agroforesterie. - © Agence de presse

Les éleveurs rassemblés au sein de la jeune fédération des viandes AOP de France (Fevao) entendent renforcer leur modèle en matière de durabilité économique, sociale et environnementale. «Les crises de ces dernières années, notamment la crise climatique, nous ont amené à réfléchir au moyen de conforter le socle de nos AOP en allant au-delà des exigences actuelles», a expliqué Michel Oçafrain, le président de la Fevao lors de l'assemblée générale de cette fédération qui s'est tenue à Castelnau-Magnoac (Hautes-Pyrénées) en septembre dernier. «Nous répondons aussi en cela à l'appel lancé par l'Inao aux organismes de défense et de gestion (ODG) pour qu'elles engagent collectivement les exploitations dans des démarches environnementales», poursuit le président de l'AOP Kintoa, le porc basque. «L'AOP est en effet une démarche écologique par l'harmonie qu'elle suppose entre l'homme, le produit et le terroir.»

Depuis la création de la Fevao en 2019, les onze AOP adhérentes ont donc longuement débattu des modes de production des uns et des autres afin de dégager des axes de progrès. «Ces échanges très riches nous ont permis de définir une douzaine d'enjeux et 34 objectifs en matière économique, sociale et environnementale avec des actions liées qui restent à définir», précise Sophie Deffis, présidente des éleveurs de porc noir de Bigorre. Ceux-ci vont de la nécessité «d'assurer l'accessibilité du produit à l'échelle locale» à «l'encouragement des pratiques permettant le stockage du carbone» en passant par «la protection des zones humides et des points d'eau», avec la part belle accordée aux objectifs environnementaux, qui comptent pour la moitié du total.

Des cahiers des charges à rouvrir

«Lors de la mise en place de cette feuille de route, nous nous sommes rendu compte que certaines démarches étaient engagées chez les uns mais pas toujours chez les autres», reprend Michel Oçafrain. «L'objectif est que chacun avance dans le domaine prioritaire qu'il s'est fixé. Pour ce qui concerne le porc Kintoa, notre priorité est de trouver les moyens de préserver la ressource en eau et de développer l'agroforesterie pour disposer de zones d'ombre plus importantes pour abriter les cochons élevés en plein air.» La Fevao dit attendre de chacune des organisations adhérentes qu'elle prenne au moins un engagement sur chaque objectif d'ici la prochaine assemblée générale, en 2023. «Ce travail montre que les AOP ne comptent pas rester sur leurs acquis», poursuit Michel Oçafrain. «Basées sur l'observation des cycles naturels, les appellations constituent également une agriculture de précision.»

À cette occasion, les cahiers des charges de certaines AOP viandes pourraient être réouverts, comme ils l'ont été dans les vins ou les produits laitiers. La durabilité n'est pas le seul chantier engagé par la Fevao. La jeune organisation entend en effet développer le travail en commun également sur les terrains économiques, politiques et juridiques. Sur le modèle du Conseil national des appellations d'origine laitières (CNAOL) créé en 2002, «la Fevao entend faire entendre sa voix singulière au niveau national et européen et de mutualiser ses moyens sur la reconnaissance, la promotion et la défense de la notion d'AOP pour les produits de viande, la lutte contre l'usurpation et la contrefaçon et les actions d'information et de promotion», détaille Michel Oçafrain. La Fevao met notamment en avant la bonne santé économique de la plupart des exploitations engagées dans les appellations et les perspectives favorables qu'elles offrent aux jeunes éleveurs. L'appellation Noir de Bigorre, par exemple, compte installer au moins deux éleveurs supplémentaires en 2024. La moyenne d'âge dans l'appellation est d'à peine 45 ans.

Les AOP viande en croissance

Avec sa reconnaissance en juillet 2022 par l'Union européenne, le poulet du Bourbonnais a porté à douze le nombre de viandes françaises bénéficiant d'une AOP, toutes espèces confondues : boeuf, agneau, porc et volaille. Depuis la reconnaissance du poulet et de la dinde de Bresse en 1957, il avait fallu attendre près de quarante ans pour voir une deuxième appellation, le Taureau de Camargue, obtenir son précieux décret en 1996. «Pendant longtemps, personne ou presque ne croyait que les terroirs pouvaient marquer les viandes, ce n'est plus le cas aujourd'hui», se félicite Jean-François Ravault, le président du Boeuf de Charolles AOP. Depuis, le nombre de productions locales bovines, ovines et porcines s'est considérablement étoffé, du mouton de Barèges Gavarnie en 2003 au porc et jambon Kintoa en 2016. Même si les productions adhérentes à la Fevao sont parfois confidentielles, elles représentent tout de même un volume cumulé équivalent à 4 600 t, pour un chiffre d'affaires estimé à 30 MEUR. De quoi faire vivre environ 700 producteurs et entreprises, mais aussi de faire rayonner l'image de ces terroirs bien au-delà de leurs frontières.

Après la sécheresse, dix-neuf nouvelles dérogations pour des produits labellisés

Fromages, haricots, viande d'agneau : 19 produits* sous label d'origine ou de qualité (AOP, IGP, Label rouge) ont obtenu des modifications temporaires de leurs cahiers des charges en raison des conséquences de la sécheresse sur la production, via des arrêtés successifs parus au Journal officiel les 28, 29 et 30 octobre. Pour les 15 produits laitiers sous AOP concernés (fromages et beurre), les dérogations portent sur l'alimentation des troupeaux : abaissement du minimum de jours de pâturage, relèvement du taux maximum d'apport de fourrages extérieurs à l'aire géographique, relèvement du taux maximum d'apport d'aliments complémentaires, etc. Des dispositions qui courent jusqu'au printemps 2023, période de mise à l'herbe des troupeaux. En viande, l'âge maximum d'abattage des agneaux Label rouge et des agneaux du Quercy (IGP) est relevé de 150 à 160 jours. Deux productions de haricots Label rouge sont concernées par les dérogations dans les Hauts-de-France : le lingot et le flageolet vert. Les arrêtés rallongent la date de durabilité minimale (DDM) de 18 à 24 mois après la récolte, ce qui permettra de compter sur la campagne de 2021 pour pallier le déficit de cette année.

* Abondance, beaufort, reblochon, fourme de Montbrison, laguiole, salers, beurre Charentes-Poitou, tome des Bauges, cantal, bleu d'Auvergne, bleu des Causses, brocciu corse, fourme d'Ambert, munster, rigotte de Condrieu, agneau Label rouge, agneau du Quercy, lingot, flageolet vert.

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