Les Safer peuvent préempter sur les parts de société
La proposition de loi de Dominique Potier sur la préservation du foncier agricole vient d’être adoptée par le Sénat avec l’approbation générale de la profession.

La proposition de loi Potier relatif à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles fait suite, selon son auteur, le député Dominique Potier, à la décision du Conseil constitutionnel de supprimer le volet foncier de la loi Sapin 2. Cette démarche est en cours depuis plusieurs années, notamment face aux achats croissants de terres agricoles via des parts sociales pour contourner le droit de préemption des Safer.
En 2015, le volume de surface agricole utile (SAU) acheté de cette façon représentait 13% du marché national, mais 26% de la valeur, explique Emmanuel Hyest, président de la FNSafer. «Nous avons fait une proposition audacieuse: ne peuvent posséder de foncier que des sociétés préemptables, soumises à la visibilité de tous et sur lesquelles la puissance publique peut intervenir», souligne de son côté le député qui a travaillé à la rédaction du texte en collaboration avec les Safer.
«Dans un grand pays, on doit pouvoir dire qui est propriétaire du foncier agricole et donc qui est détenteur de la capacité à produire l’alimentation, c’est ça l’enjeu», ajoute Emmanuel Hyest. Ce qui, plus globalement, touche à la problématique du modèle agricole à préserver, que le président de la FNSafer décrit comme un modèle «familial», c’est-à-dire avec «des agriculteurs maîtres de leurs capitaux et de leurs décisions».
Or, le rachat de terres par des investisseurs ne louant pas la terre favorise le développement du travail à façon, qui va à l’essentiel avec les risques que cela implique en matière de préservation des paysages, de la biodiversité, de la richesse du sol, etc.
Permis d’exploiter et portage du foncier
Pour Hubert Bosse-Platière, professeur de droit rural à l’Université de Bourgogne, la loi proposée par Dominique Potier n’est pas la bonne réponse au problème de financiarisation du foncier agricole. Il ne considère «pas normal que la réponse soit législative et non pas judiciaire» et pointe des failles anticonstitutionnelles dans le dispositif prévu, et préconise, face à ce problème, «un contrôle du permis d’exploiter en amont».
Ce que conteste d’ailleurs Dominique Potier: l’idée que les SCEA (forme juridique qui a permis jusque-là d’acheter du foncier via les parts sociales, sans regard des Safer) aujourd’hui à 15% du marché foncier «soient demain à 20-25% est une alerte suffisante pour avoir besoin de légiférer».
Pour lui, la possibilité d’intervention des Safer constitue ainsi «une menace qui permet d’éviter une démesure». Il faut cependant noter, pour Patrick Ribouton, de l’Asffor (Association des sociétés et groupements fonciers et forestiers), que si le foncier en France est l’un des moins cher d’Europe, c’est aussi parce que «les loyers sont encadrés, d’où un rendement limité».
Et si limiter l’accaparement des terres agricoles est une bonne initiative, elle ne résout pas un autre problème majeur de l’agriculture: le portage du foncier, car les demandes d’investissements sont là, mais les outils à disposition déçoivent.
Les GFA (groupements fonciers agricoles), réglementés à la fois par les législations foncière et financière, sont trop contraignants et trop peu rentables pour les investisseurs. L’accompagnement des rendements serait nécessaire via des avantages fiscaux ou des mécanismes liés à l’investissement socialement responsable.
Des dispositifs déjà en place dans certains pays européens où l’accès à la terre est pourtant plus facile, précise, par ailleurs, Thierry de l’Escaille, de l’association ELO (association de propriétaires fonciers européens) : ainsi, «aux Pays-Bas ou en Belgique, le revenu des propriétaires est multiplié par deux et ils bénéficient d’une défiscalisation très avantageuse quand ils font un bail sur une longue durée».
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