L'Oise Agricole 10 mars 2022 a 09h00 | Par I.L., JCD

Massification et structuration de l’offre carbone se mettent en place

Les annonces autour du carbone se sont succédé tout au long du Salon de l’agriculture pour massifier et structurer l’offre carbone, en droite ligne de la réunion informelle des ministres européens à Strasbourg début février.

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France Carbone Agri devrait lancer son troisième appel à projets en 2022, avec au moins 1 Mt de crédits issus de toutes
les filières.
France Carbone Agri devrait lancer son troisième appel à projets en 2022, avec au moins 1 Mt de crédits issus de toutes les filières. - © Patrick C

Après les allusions début février, la nouvelle a été confirmée le 3 mars au Salon de l’agriculture. Dans les prochains mois, l’ensemble des associations spécialisées créeront, avec les chambres, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs, un guichet carbone unique sous forme de SAS pour rassembler l’offre en crédits de toutes les filières. Créée autour de l’association France Carbone Agri (FCAA), jusque-là centrée sur l’élevage, la société devrait lancer son troisième appel à projet d’ici le milieu de l’année 2022, «pour un volume de crédit supérieur à celui des appels à projets précédents», confirme Marie-Thérèse Bonneau, présidente de FCAA, évoquant au moins 1 Mt de crédits issus de toutes les filières.

Une étape de plus dans le développement de France Carbon Agri, qui a déposé le même jour son deuxième appel à projet pour près de 600 000 t de carbone. Parallèlement, confirment plusieurs sources, les ventes se multiplient, elles aussi, de toute part. «Entre 2019 et 2021, les choses étaient compliquées, mais le dernier rapport du Giec a vraiment débloqué la demande des entreprises», estime Vincent Brack, directeur de la FNPL. En plus des achats annoncés par le Crédit agricole et la Caisse des dépôts, respectivement pour 25 000 et 20 000 t, FC2A aurait également convaincu Andros de signer pour 17 000 t, en plus d’une autre entreprise qui pourrait prochainement se porter acquéreur de 60 000 t.

«Des organisations commencent à s’intéresser à de gros volumes, la demande évolue», se félicite Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement à l’Institut de l’élevage (Idele). À la veille de ces contrats, la moitié des 137 000 t du premier appel à projet sont déjà vendues, et tous les acteurs paraissent optimistes pour la commercialisation des 600 000 t supplémentaires.

La concurrence se développe

Aux crédits de la future SAS s’ajouteront encore ceux de l’Apad (Association pour la promotion d’une agriculture durable), qui a annoncé être mandatée pour vendre 200 000 t de carbone le 28 février. Un projet rassemblant «plus de 350 agriculteurs, représentant 230 fermes sur 40 000 ha», selon François Mandin, président de l’Apad. Alors que certaines compagnies aériennes trouvent déjà les crédits de FC2A trop onéreux, l’Apad propose de son côté un prix plancher de 60 E/t aux agriculteurs. L’initiative prévoit même une indexation chaque année, pour «prendre en compte les différentes parties», à savoir la production agricole, le marché du carbone.

Le groupe InVivo, actuellement en discussion avec France Carbone Agri, a également annoncé au salon, le 2 mars, le lancement d’une marque ingrédient au service de la décarbonation. «Good food, good planet» sera destinée à «offrir aux industriels de l’agroalimentaire des matières premières agricoles bas carbone», explique le directeur général de la coopérative Thierry Blandinières. D’ici deux ans, InVivo espère atteindre 500 000 t d’orge basserie bas carbone (face à un potentiel de 2 Mt pour la ferme France), 2 Mt de blé (6 Mt), et 500 000 t de maïs (2 Mt). Racheté en décembre, le négociant Soufflet utilisait déjà depuis 2020 un calculateur GES (gaz à effet de serre), permettant aux agriculteurs de mieux valoriser leur colza auprès des triturateurs.

Le ministère veille au grain

Face à ce bouillonnement d’annonces et de projets, le ministère de la Transition écologique tient à assurer la cohérence du label bas-carbone français. Dans un arrêté publié au Journal officiel le 2 mars, le ministère a ainsi précisé le cadre du label, en autorisant officiellement les intermédiaires financiers, mais également en renforçant les exigences en matière de contrôle et de transparence. Le texte prévoit ainsi qu’un «intermédiaire» puisse assurer au nom des bénéficiaires la mise en relation ou l’agrégation «des fonds provenant de plusieurs personnes physiques ou morales qui souhaitent participer au financement du projet».

L’arrêté renforce par ailleurs le cadre de vérification, tout d’abord en incitant les méthodes à définir une liste d’auditeurs, ainsi qu’une fréquence de contrôle. Les méthodes devront ainsi prévoir «un tableau de calcul automatisé des réductions d’émissions», ainsi qu’un modèle de rapport de suivi, «accessible à tout public et notamment aux financeurs éventuels» une fois les émissions vérifiées. Par ailleurs, les critères de vérifications sont explicités pour les auditeurs, dont le risque de réversibilité et la réalité des co-bénéfices. Une nouvelle instance d’expertise sera enfin créée par une décision à paraître au bulletin officiel du ministère de la Transition : le «Groupe scientifique et technique du label bas-carbone».

Tout un effort de cadrage essentiel pour asseoir la position de la France à Bruxelles. Car pour le label bas-carbone français, «les discussions européennes dans les mois à venir seront stratégiques», prévient Baptiste Soenen, ingénieur de recherche Arvalis et l’un des auteurs de la méthode bas-carbone en grandes cultures. Par crainte du «Greenwashing», rappelle-t-il, les discussions européennes tendraient aujourd’hui à séparer le stockage de la réduction d’émissions dans un éventuel système du carbone volontaire européen. Or, rappelle Baptiste Soenen, «dans le label bas-carbone français, stockage et émissions sont comptées en même temps».

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