L'Oise Agricole 23 avril 2020 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé, Dorian Alinaghi

Mission solidarité pour les soignants réussie

Deuxième semaine de solidarité envers les soignants de l'Oise, l'opération menée par plusieurs institutions agricoles et les restaurateurs pour offrir des repas et des produits locaux aux personnels des établissements de santé.

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Jean-Marie Savalle, président d'Isagri
Jean-Marie Savalle, président d'Isagri - © Isagri

C'est l'histoire d'une situation inédite qui bouleverse notre mode de vie en nous renvoyant tous ou presque dans nos pénates. Et pourtant, malgré tout, de belles initiatives germent chez certains, se développer grâce aux apports d'autres, pour finir par former une véritable chaîne de solidarité au service des soignants, première ligne de front face à l'épidémie de Covid-19.

Dès l'annonce du confinement par le Président Macron, Jean-Marie Savalle, président d'Isagri, a fait comme beaucoup d'entrepreneurs : il n'a pas pris de risques et mis ses salariés en sécurité. La presque totalité des effectifs a pu continuer à travailler en télétravail, mais la commercialisation des produits a pâti du confinement. «On le comprend facilement : difficile de s'équiper de logiciels lorsque personne ne peut venir vous faire de démonstrations sur place et puis, on n'a pas la tête à cela», concède volontiers l'entrepreneur.

Des petites voix se sont ensuite élevées pour se demander ce qu'Isagri et ses collaborateurs pouvaient faire pour aider les soignants. Une cagnotte ? pour quels besoins ? Quelques appels aux établissements de soins de Beauvais ont permis de mieux cerner les besoins : pas de masques ou d'argent mais plutôt des attentions pour le personnel qui, rentrant tard, n'a pas le temps de cuisiner ni de faire des courses. Jean-Marie Savalle contacte alors Charles-Edouard Barbier, représentant des restaurateurs de l'Oise, à l'arrêt comme tous ses collègues. Il est partant pour cuisiner, mais sera vite à cours de produits frais. «Comme je savais par ailleurs que certains producteurs locaux, privés de marchés et de débouchés vers la restauration collective, avaient du mal à écouler leurs stocks, je me suis dit qu'il y avait là une synergie à mettre en place et j'ai alors sollicité les représentants du monde agricole.» JA, FDSEA et Chambre d'agriculture lui réservent le meilleur accueil, rapidement rejoints par le Crédit agricole, Groupama, Agora.

«Depuis le début de la crise liée au Covid, le Crédit agricole Brie-Picardie est mobilisé aux côtés de l'ensemble de ses clients et tout particulièrement de ses clients professionnels. Pour les agriculteurs notamment, des mesures spécifiques ont été mises en place très rapidement visant à rechercher, au cas par cas et avec eux, les solutions adaptées à leur besoin de trésorerie. Nous sommes plus que jamais en lien constant avec les nos partenaires agricoles qui nous ont naturellement sollicités pour apporter une aide financière à cette opération. Dans le même esprit, nous sommes le relai auprès de nos clients d'une initiative portée au niveau national par le groupe Crédit agricole qui vient de lancer la plate-forme Loop (Loop-market.fr) pour soutenir les producteurs. L'objectif est simple : leur permettre de ne pas perdre leurs récoltes et leurs produits transformés, en les vendant en direct sur un site web d'accès gratuit et ouvert au grand public. Cette crise est inédite et chaque jour différent du précédent. Il est encore difficile de se projeter sur l'après-confinement. Nous ferons le point avec les porteurs du projet en temps et en heure pour voir avec eux quelles suites ils souhaitent donner au projet», souligne Sandra Chevalier, chargée du service presse au Crédit agricole Brie-Picardie.

De même, Groupama a répondu présent dès que les Jeunes Agriculteurs de l'Oise et la Chambre d'Agriculture l'a sollicitée. «Cette action correspond aux valeurs de Groupama : mutualisme, solidarité, proximité et responsabilité. Je pense que c'est un geste pour soutenir les soignants durant cette période compliquée, mais aussi aux producteurs pour qu'ils puissent écouler leur production.» explique Denis Pype, président de Groupama dans l'Oise. «On finance 100 repas par semaine pendant quatre semaines. Le groupe a tout de même mis quasiment 400 millions d'euros en soutien à ses sociétaires. Il s'agit d'aides sur les primes, la non prise en compte pendant deux mois sur les assurances des tracteurs, des non-appels à des cotisations pour les personnes en difficulté. Nous essayons au mieux de faire vivre le territoire et le soutenir durant cette situation Covid», poursuit-il.

L'Agglomération du Beauvaisis s'est montrée intéressée pour participer à ce beau mouvement, ainsi que l'entreprise Métro, fournisseur des restaurateurs, contactée par Charles-Édouard Barbier, restaurateur à Heilles. Et puis une Amap, dont la présidente Audrey Legrand, a contacté Jean-Marie Savalle : elle donnera des paniers de produits frais aux soignants.

«Finalement, chacun a trouvé sa place dans cette opération de solidarité : des agriculteurs fragiles qui trouvent des débouchés, des restaurateurs qui peuvent exercer leurs talents, des organisations agricoles et des collectivités qui mettent de l'huile dans les rouages. Résultats : une première livraison à Beauvais le 14 avril et d'autres ont suivi», se félicite Jean-Marie Savalle.

Christian Hautecloche, chef du Restaurant de l'abbaye à Saint-Martin-aux-Bois, prépare une trentaine de repas tous les deux ou trois jours pour l'hopital de Clermont. Cette opération est une nécessité, que ce soit durant et après la pandémie «Je suis un enfant de la Ddass, on m'a aidé tout au long de ma vie, il faut savoir redonner. C'est une chance dans la vie de pouvoir donner du bon temps aux personnes en difficultés. Je menais déjà ce genre d'actions avant cette opération. Je trouve très bien que l'on puisse se rassembler et fournir de la joie et des repas chauds aux personnels soignants. Ce lien de générosité impacte dans le bon sens tous les milieux professionnels.» déclare-t-il.

Même son de cloche pour Michaël Ejzenbaum, chef restaurateur au Vertugadain à Chantilly. Ce dernier ne cherche aucunement les remerciements ou les félicitations car ce genre d'opération devrait être monnaie courante. «Au bout de deux semaines de confinement, je me sentais mal, sans rien faire avec mes fourneaux fermés alors qu'il y a des personnes qui luttent durant ces temps difficiles. Avec mon outil de travail, il devait y avoir un moyen d'aider, je ne pouvais pas rester inactif. Charles-Édouard Barbier avait besoin de mon aide pour le secteur de Chantilly et Creil. Je l'ai fait sans hésiter. J'ai deux ou trois cuisiniers qui travaillent bénévolement ainsi qu'une personne de notre entourage qui donne un coup de main, tout en respectant bien évidemment les normes sanitaires. On prépare à peu près 500 repas par semaine. On livre à tous les Ehpad de Chantilly, la clinique des jockeys et l'hôpital de Creil. De temps en temps, on produit pour Charles Edouard Barbier car il est seul» explique le restaurateur. Pour cet utopiste, cette action permet de créer un lien avec les professions qui ne sont pas reconnues en France. «Les gens qui nous éduquent, qui nous font manger ou qui nous soignent sont mis à l'écart. Je ne comprends que des personnes ne mettent pas 20 centimes supplémentaires pour acheter de bons produits alimentaires mais, par contre, n'hésitent pas à acheter cher le téléphone dernier cri. Pour moi, cette action permet de mettre en avant des personnes que l'on oublie toujours, mais aussi de faire plaisir, gustativement parlant vu ma profession. Tout le monde est gagnant avec cette opération. Cela ressemble un peu à du troc (rire) : l'un fait pousser les légumes, l'autre les cuisine et les repas sont servis pour les travailleurs. Cela peut sembler idéaliste, mais chacun est à sa place dans cette chaîne de valeurs. On se sent utile et ça nous remonte le moral.»

Chaque repas fournit coûte un peu plus de 5 euros, financés par une cagnotte à laquelle chacun peut abonder. Cela permet d'acheter les ingrédients pour les plats élaborés par les restaurateurs. «Je pense que cette opération fonctionne et qu'elle durera jusqu'à la fin du confinement car elle a un sens pour chacun. C'est concret, cela réconforte directement les soignants. Nous sommes prêts à aller plus loin en nous adaptant aux besoins», conclut Jean-Marie Savalle, qui se voit comme le lien entre toutes les bonnes volontés.

Caroline Cayeux, maire de Beauvais.
Caroline Cayeux, maire de Beauvais. - © agglomeration du beauvaisis

«C'est normal de participer»

Thierry Dupont, président de la coopérative Agora, trouve «bien normal de participer à une opération de solidarité de la sorte.» Déjà, la coopérative avait donné des masques à l'hôpital de Compiègne au début de la crise. «Les membres du bureau de la coopérative ont été d'accord pour participer à hauteur de 1 euro par repas à cet élan de solidarité. Cela permet à des agriculteurs en maraîchage d'écouler des invendus, c'est un coup de pouce pour eux et cela permet d'être solidaires, ce qui n'est pas évident pour nous qui sommes dans les productions de grandes masses. Nous visons à l'être dans la durée et ferons le point avec nos partenaires fin avril», détaille Thierry Dupont. Amandine Bannery, chargée de communication, fait le lien avec les adhérents et, comme la plupart sont céréaliers, il leur est proposé de participer à l'opération, en abondant la cagnotte.

C'est sans la moindre hésitation que Caroline Cayeux, sa présidente, a souhaité que la Communauté d'Agglomération du Beauvaisis puisse apporter son soutien financier à l'opération. L'Agglomération du Beauvaisis va verser, dans le cadre de son Contrat local de santé, une subvention de 12.000 EUR à Reagir, l'association en charge de la gestion budgétaire du projet afin de soutenir le personnel soignant du Centre Hospitalier Simone-Veil de Beauvais, en contribuant au financement de ces repas. Cette somme correspond à une aide d'un montant de 2 EUR par repas sur la base de 1.000 repas par semaine, soit un montant hebdomadaire de 2.000 EUR pour une période estimée à 6 semaines. «C'est une très belle action et je suis fière et heureuse que l'Agglomération y apporte sa contribution. C'est ainsi, dans l'unité et la solidarité, que nous parviendrons à surmonter la crise épidémique sans précédent que nous traversons actuellement», se réjouit Caroline Cayeux.

Tout le monde peut participer

Plusieurs cagnottes en ligne peuvent offrir des repas issus de produits locaux, re?mune?re?s au juste prix aux producteurs, au personnel soignant de l'ensemble des ho?pitaux de l'Oise. On trouve le site https://www.leetchi.com/fr/c/wmW7bMqr mais aussi https://www.lepotcommun.fr/pot/xljo5j8c mené par les salariés d'Isagri qui ont aussi créé leur cagnotte.

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