Le conflit ukrainien pèse sur les cours
L'Association française de journalistes agricoles (AFJA) et le Réseau des communicants agricoles (Syrpa) ont récemment organisé une rencontre-débat autour de deux thèmes, en particulier l'évolution du cours de matières premières (sucre, engrais et alimentation animale) au regard du conflit ukrainien.

Le diable se niche parfois dans le détail et c'est bien sous cet angle qu'est notamment inter-venu Timothé Masson, expert marché à la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). Bien que ni la Russie ni l'Ukraine ne soient de gros producteurs et encore moins de gros exportateurs de sucre, le conflit qui fait s'affronter les deux pays a un impact indirect mais important sur le marché du sucre, notamment à partir du Brésil.
En effet, la guerre a entraîné une hausse du prix du pétrole qui rend l'éthanol plus rentable et donc plus attractif. Or, le Brésil est un grand producteur de ce biocarburant réalisé à partir de canne à sucre.
Concurrence entre cultures
À la veille de l'ouverture de la campagne sucrière brésilienne, les experts craignent qu'une grande partie de cette production ne soit affectée au débouché éthanol. «Or, 1 % de canne de canne à sucre vers l'éthanol, c'est un million de tonnes de sucre en moins sur le marché mondial», a expliqué Timothé Masson.
Cette demande en éthanol, dont 10 % provient du maïs, pourrait être fournie par cette céréale dont le cours est passé de 269 EUR/t le 24 février à près de 350 EUR/t fin avril, soit une augmentation de 25 %. Ce qui encourage certains producteurs d'éthanol à plus privilégier la canne à sucre. Mais le Brésil réussira-t-il à assurer ses prévisions de récolte ? «Ce pays dépend de la Russie pour ses engrais», a souligné l'expert de la CGB : «20 % pour ses engrais azotés, 15 % pour ses engrais phosphatés et 26 % pour ses engrais potassiques».
Bien que le sucre soit encadré par des contrats annuels à prix fixe (autour de 425 EUR/t ac-tuellement), le cours hors contrat «pourrait atteindre sur le marché libre entre 750 et 800 EUR/t». Mais il faudra défalquer les coûts industriels qui augmentent de 35 à 45 % du fait du prix du gaz et les coûts agricoles en hausse de 15 à 20 % du fait du prix des engrais et du fuel. «En Europe, les planteurs pourraient se tourner vers d'autres cultures», a-t-il ajouté.
Blé fourrager: +80%
Côté engrais, Florence Nys, déléguée générale de l'Union nationale des industries de la fertilisation agricole (Unifa), confirme que la multiplication par quatre du prix du gaz sur un an a fait exploser le prix de l'engrais de l'ordre de + 105 % sur les dix derniers mois.
En conséquence, les livraisons de phosphate baisseraient de 40 % sur un an et celles de potasse de 37,4 % sur la même période. Elle s'attend cependant à une baisse des prix, dans le courant de l'année 2022 et 2023 «mais rien ne dit que c'est ce scénario que se produira», a-t-elle ajouté.
Les tendances sont identiques pour l'alimentation animale. Non seulement le secteur dépend de nombreux facteurs, dont l'énergie pour la transformation et les transports, mais il est également tributaire des deux pays belligérants. Tant la Russie que l'Ukraine ont vu leurs productions exploser lors de la dernière décennie, en réponse «au besoin croissant de débouché à l'export», a indiqué Gautier Le Molgat directeur général adjoint d'Agritel.
C'est le cas pour le blé tendre, le maïs et le tournesol. L'Ukraine est le n°1 mondial des pays producteurs et exportateurs en tournesol. La Russie, le deuxième. À eux deux, ils concentrent 80 % des exports en huiles du monde. Il résulte du conflit une hausse de + 80 % du prix du blé fourrager et de 55 % de celui du maïs.
Face aux problèmes d'approvisionnement, des arbitrages pourraient se mettre en place. Autrement dit, l'Europe pourrait se retourner vers les États-Unis, le Canada et l'Amérique du Sud pour importer plus de canola, de maïs et de tourteaux de soja, à destination de l'alimentation animale. Cette dépendance pourtant réelle.
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