Le congé reprise par le propriétaire
Le droit de reprise du bailleur est une prérogative que la loi lui accorde pour rompre le bail ou faire obstacle à son renouvellement.

La reprise ne peut être exercée que pour des motifs strictement définis par le Code rural et de la pêche maritime.
Le droit de reprise est un droit qui appartient personnellement au bailleur.
En cas de démembrement de propriété, le congé est délivré par l'usufruitier agissant seul même s'il reprend au bénéfice d'un descendant. Le consentement du nu-propriétaire n'est pas requis.
Une incertitude subsiste sur l'exigence d'une décision unanime pour la délivrance d'un congé qui peut s'analyser en un simple acte d'administration.
Bénéficiaire de la reprise
Le bailleur peut reprendre le bien loué pour son compte personnel s'il n'a pas atteint, à la date prévue pour la reprise, l'âge de la retraite ou qu'il ne bénéficie pas d'une retraite excédant un certain montant.
Cependant, le bailleur atteint par la limite d'âge conserve la possibilité d'exercer la reprise pour constituer une exploitation dite de "subsistance", exploitation limitée aux 2/5 de la SMA.
La reprise peut également être exercée au profit du conjoint ou du partenaire de PACS du bailleur dès lors qu'il remplit toutes les conditions légales pour en bénéficier (âge, compétence, exploitation personnelle et habitation, en règle avec le contrôle des structures).
La reprise peut aussi être invoquée en faveur d'enfant (ou petits-enfants) du bailleur. En revanche, elle n'est pas possible au profit du gendre ou de la bru du bailleur.
Par ailleurs, le bien loué peut être repris indivisément dans son entier au profit de plusieurs enfants «devant exploiter conjointement».
Forme et délai
Le bailleur qui a l'intention d'exercer son droit de reprise doit notifier sa décision au preneur par acte de commissaire de justice (ancien huissier de justice).
Le congé notifié par simple lettre recommandée avec accusé de réception est nul.
Lorsque la reprise a lieu en fin de bail, le congé doit être notifié au preneur 18 mois au moins avant la date d'expiration du bail.
En cas d'insertion au bail d'une clause de reprise et lorsque la reprise a lieu en cours de bail, le congé doit être notifié au preneur 2 ans au moins avant le terme de la période triennale ou sexennale.
Un congé tardif est nul.
Lorsque le bail a été consenti à des copreneurs, le congé doit être notifié à chacun d'eux. En cas de congé délivré à un seul copreneur, celui-ci est valable à son égard mais inopposable à l'autre copreneur.
Contenu du congé reprise
Comme tout congé rural, il est important de se faire conseiller pour sa rédaction auprès d'un juriste puisqu'il est soumis à un formalisme rigoureux.
Il doit indiquer un certain nombre de mentions obligatoires telles que les nom, prénoms, âge, domicile et profession du bénéficiaire devant exploiter le bien repris ainsi que son habitation qu'il occupera après la reprise.
Le congé doit également reproduire les termes de certains articles du Code rural et de la pêche maritime.
Conditions de la reprise
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent telles que l'exploitation personnelle, ses ressources, son habitation mais encore sa compétence professionnelle et le bénéfice d'une autorisation d'exploiter. Il doit justifier qu'il se trouve dans les conditions permettant une exploitation effective du fonds et qu'il exploitera personnellement le bien repris.
En cas de contestation devant le tribunal paritaire des baux ruraux, ces éléments sont appréciés souverainement par les juges du fond.
Contestation du congé
En cas de contestation du congé, le preneur en place dispose d'un délai de 4 mois à compter de la signification du congé pour saisir le tribunal paritaire des baux ruraux.
A noter que le tribunal apprécie les conditions formelles du congé ainsi que la capacité de son auteur à la date de la délivrance du congé.
En revanche, pour apprécier si le bénéficiaire du congé remplit les conditions de fond de la reprise, le juge se place à la date d'effet du congé. Si vous recevez un congé aux fins de reprise, il est primordial de vous tourner vers un juriste spécialisé en droit rural qui saura vous conseiller au mieux sur la procédure à suivre.
Sanction d'une reprise abusive
Le Code rural prévoit un système de contrôle a posteriori de la légitimité de la reprise afin de pouvoir sanctionner le non-respect par le bénéficiaire de ses obligations après reprise. Sans limitation de délai, le preneur évincé dispose d'une action lui permettant de démonter le caractère frauduleux de la reprise (défaut d'exploitation du bénéficiaire après l'exercice de la reprise). Et ce, peu importe que ce dernier ne se soit pas opposé au congé. Le juge dispose encore d'un pouvoir souverain quant aux choix de la sanction : dommages-intérêts ou réintégration du preneur évincé sur le fonds. A titre d'exemple, les sanctions de la reprise abusives peuvent être encourues par le bénéficiaire de la reprise s'il fait exécuter les travaux agricoles par un tiers sans aucun lien de dépendance avec lui.
Camille Gourguechon, juriste FDSEA de l'Oise
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