L'Oise Agricole 02 mars 2024 a 07h00 | Par Vincent Fermon

Les céréaliers attendent le passage des paroles aux actes

Les annonces gouvernementales suite à la mobilisation des agriculteurs des dernières semaines ont occupé une large part des débats d'un forum régional organisé par l'AGPB dans les Hauts-de-France.

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Le forum régional de l'AGPB a fait étape à Nesle en présence d'Éric Thirouin (AGPB), Simon Ammeux (FRSEA Hauts-de-France) et Christophe Grison (Valfrance) avec la participation d'une trentaine d'agriculteurs.
Le forum régional de l'AGPB a fait étape à Nesle en présence d'Éric Thirouin (AGPB), Simon Ammeux (FRSEA Hauts-de-France) et Christophe Grison (Valfrance) avec la participation d'une trentaine d'agriculteurs. - © vf

En amont de son congrès qui aura lieu les 29 et 30 mai prochains au Parlement européen de Stras-bourg - tout un symbole -, l'AGPB organise sa traditionnelle tournée des régions. Pour les Hauts-de-France, la réunion s'est tenue le 22 février à Nesle avec une trentaine de participants. Thème central de cette rencontre ? Les annonces gouvernementales suite à la mobilisation des agriculteurs des dernières semaines, auxquelles les céréaliers ont aussi pris part. À l'heure de résumer ces annonces, le président de l'AGPB, Éric Thirouin se montre mitigé : «On a obtenu un changement de logiciel de la part de l'État, mais maintenant, il faut entrer dans le concret. On a be-soin d'avancées tangibles.» La suite du propos sera l'explication d'une longue liste de revendications ; certaines ayant été exaucées quand d'autres restent en stand-by. Parmi les «victoires», on peut citer les mesures concernant le gazole non routier (GNR), le changement d'indicateur de suivi des plans Ecophyto, l'abandon de l'obligation des 4 % de jachère obligatoire, la mise sous tutelle des préfets de l'Office français de la biodiversité, l'élaboration d'un projet de loi d'orientation agricole «d'ici la fin du mois de juin...» «En décembre, on ne pensait pas que nous obtiendrions autant», a souligné M. Thirouin, pour autant sur sa faim. «C'est parce que nous n'avons rien lâché que nous avons obtenu ces avancées, mais ce n'est pas terminé... Il reste des choses à aller chercher.» Et de citer par exemple le dossier des compensations environnementales ou la concurrence avec d'autres pays qu'il juge «déloyale».

Concurrence déloyale et pédagogie

«Quand on sait qu'en France, nous avons à notre disposition une centaine de matières actives de moins que d'autres pays voisins, il y a de quoi s'énerver», a réagi Christophe Grison, agriculteur dans l'Oise et président de la coopérative Valfrance. Autre sujet de crispation : la séparation vente/conseil pour les produits phytosanitaires. «Mise en place en 2019, cette séparation est un échec. Il faut rapidement revenir dessus», a défendu M. Grison, lors d'une table ronde à laquelle participait également Simon Ammeux, agriculteur dans le Nord et président de la FRSEA Hauts-de-France. «La séparation vente/conseil, on ne peut pas vraiment dire que cela a facilité la vie des paysans...», a-t-il souligné. Dans les défis qui attendent les céréaliers, on peut noter celui de la communication : «On doit à tout prix montrer que nous avons changé nos pratiques», assure Christophe Grison. Mais pour Simon Ammeux, au-delà de l'intention, les choses ne sont pas si simples : «Avec le sujet des phytos, c'est toujours compliqué d'être pédagogue...»

La responsabilité du politique

S'il est bien un sujet qui met tout le monde d'accord, c'est le rôle joué par l'Anses et sa «toute-puissance». Pour Éric Thirouin, l'annonce du Premier ministre Gabriel Attal de mieux encadrer le rôle et le fonctionnement de l'Anses n'est pas encore suffisant : «Ce qu'il faudrait, a défendu le président de l'AGPB, c'est que l'on ait la possibilité de faire des recours contre les décisions de l'Anses. À un moment donné, c'est au politique de trancher...» Sans surprise, le sujet de l'Ukraine et de ses exportations de céréales s'est aussi invité dans les discussions. Avec l'abandon des droits de douane imposés aux céréales ukrainiennes, les volumes de ces céréales pouvant être exportées librement ont littéralement «explosé» selon l'AGPB qui demande la mise en place de contingents. Pour Jean-Yves Bricout (Aisne), «ce n'est pas l'aide à l'Ukraine qui doit être remise en cause, mais le souci, c'est que ce n'est pas à l'agriculture de payer l'effort de guerre de l'Ukraine en lui permettant d'exporter chez nous avec un effet négatif sur les cours.»

Congrès national en mai

À quelques jours des élections européennes, le congrès de l'AGPB devrait placer l'Europe au coeur de ses débats. Aussi, a expliqué Éric Thirouin, le congrès des céréaliers français pourrait être le prétexte à une réunion des syndicats de céréaliers d'autres pays européens dans le but de créer un syndicat européen des grandes cultures. S'agissant du Copa, «ce sera complémentaire», assure M. Thirouin. «Bien sûr, a-t-il encore ajouté, on est préoccupé par les cours des céréales, mais il n'y a pas que cela...

Sécuriser le revenu avec la contractualisation, pas si simple

«Un des enjeux auxquels on se doit de répondre, c’est celui du renouvellement des générations. Mais si on ne change pas de modèle économique, on n’y arrivera pas…» En quelques mots, Christophe Grison vient de poser les bases d’un débat sur la sécurisation du revenu des céréaliers, essentiel selon lui pour l’avenir. La solution ? C’est Éric Thirouin qui l’évoque : la contractualisation. Le problème, «c’est que l’on a déjà envisagé des choses, et ça n’a pas fonctionné…» Pas question pour autant de mettre le sujet sous le tapis. Éric Thirouin veut continuer d’y croire : «La contractualisation, il faut continuer à la défendre, y compris de manière pluriannuelle.» Enfin, toujours selon le président de l’AGPB, elle doit concerner «aussi bien les acheteurs nationaux qu’étrangers». En matière de commercialisation, Philippe Heusèle, le secrétaire général de l’AGPB, a réaffirmé sa «confiance» envers «ceux dont c’est le métier». «On peut spéculer quand les écarts sont de quelques euros, mais quand cela atteint des niveaux comme on les connait depuis quelques années, cela devient dangereux», a prévenu Éric Thirouin.

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