Les éleveurs de porcs veulent retrouver du lien
Avec une conjoncture économique favorable, les éleveurs porcins, réunis en assemblée générale le 14 juin, dans les Côtes d’Armor, semblent retrouver la confiance, sans pour autant baisser la garde sur les dossiers clés.
Si la période actuelle est plutôt favorable aux éleveurs porcins, c’est une situation économique dont il faut profiter pour «se préparer, s’armer, se muscler pour que demain on soit en capacité de résister», rappelle Guillaume Roué, président d’Inaporc. La filière n’a, en effet, pas été épargnée ces dernières années par les prix très bas, et il reste un décalage de l’ordre de 15 centimes d’euros de moins par kilo par rapport aux autres pays producteurs européens. Cependant, la hausse des cours, portés par l’augmentation de la demande chinoise liée à la peste porcine africaine, est une bonne nouvelle pour les éleveurs, d’autant que la France reste, pour l’instant, indemne de la maladie, en dépit de la proximité géographique.
Présent à l’assemblée générale de la Fédération nationale porcine, le 14 juin, à Saint-Quay-Portrieux (Côtes d’Armor), le ministre de l’Agriculture a d’ailleurs été félicité sur la gestion de la crise. «La zone blanche était la solution», insiste Paul Auffray, président de la FNP. Didier Guillaume a, de son côté, rappelé que la France restait mobilisée auprès de la Belgique sur ce dossier sensible, puisqu’un seul cas de peste porcine africaine détecté en France aurait pour conséquence immédiate la fermeture des frontières chinoises aux exportations françaises. «Nous pensons que nous avons obtenu la régionalisation de la part de la Chine», a cependant précisé le ministre, exhortant les producteurs porcins à mieux saisir les opportunités d’export que leurs «cousins producteurs de viande bovine».
Sur le sujet de l’aide aux investissements, demandés par les éleveurs, dans le cadre du décret biosécurité, qui entraîne des aménagements à mettre en place avant le 1er janvier 2021, ainsi que sur les demandes concernant l’aide à la modernisation nécessaire des exploitations (par exemple, sous la forme de suramortissement), Didier Guillaume ne s’est pas davantage engagé et a incité les Régions à prendre leur part dans l’accompagnement financier.
Revenant, par ailleurs, sur les Etats généraux de l’alimentation, le ministre a estimé, comme les producteurs, que «le compte n’y est pas. Cette répartition de la valeur, on la fera à marche forcée, avec le pieu dans le dos, mais on y arrivera», s’est-il engagé. L’enjeu est important car, pour la filière, le marché national reste essentiel. «Nous devons mettre un terme à ces négociations commerciales d’un autre âge», souhaite Paul Auffray, qui demande un fonctionnement multipartite. «La contractualisation est une partie de la solution», a précisé le président de la FNP.
Agribashing
Une grande partie des discussions a cependant tourné autour de l’agribashing et de sa dernière déclinaison, les intrusions dans les élevages, à l’exemple de celle du député Bastien Lachaud (La France Insoumise) dans une exploitation porcine bretonne.
Au-delà de l’image négative que ces événements véhiculent, les éleveurs dénoncent aussi l’impact psychologique très fort de ce qui est vécu comme une agression, mais reste peu sanctionné par la loi. «Il y a un gros vide juridique sur la qualité de zone privée des exploitations agricoles», explique Mickaël Guilloux, secrétaire général de la FNP, d’autant que les éleveurs n’ont pas l’habitude de tout verrouiller. Il faut pourtant «mettre un terme à ces provocations avant que ne s’installe un climat insurrectionnel dans nos campagnes», alerte Paul Auffray.
La situation est en effet vécue comme une injustice profonde pour les éleveurs, qui font le maximum pour s’adapter aux attentes sociétales, alors que l’on oublie que «le pas de temps nécessaire pour gérer toutes ces évolutions dans nos métiers, c’est une génération», indique le président de la FNP.
En attendant, face aux attaques, «on a fait notre maximum pour éviter les dérapages», précise de son côté Etienne Gangneron, vice-président de la FNSEA, qui estime que les éleveurs doivent aussi prendre la parole pour témoigner de la réalité de leur métier. «Il faut que l’on aille dans les écoles. Ce sont les consommateurs de demain», ajoute Mickaël Guilloux, même si ce n’est pas toujours possible. Car «dans les écoles, même en milieu rural, il y a des profs végans qui veulent faire passer leurs messages», témoigne Carole Joliff, secrétaire générale adjointe de la FNP.
«A notre niveau, il faut faire des alliances avec les associations environnementales, les associations pour la bien-traitance animale, même si on a des approches différentes. Le chemin est encore long, mais on doit recréer du lien», estime Etienne Gangneron. Et si le travail est, pour l’instant, peu gratifiant, il n’en est pas moins indispensable au regard des évolutions sociétales. «En 1970, 70 % des hommes de 40-59 ans étaient fils d’agriculteurs. Aujourd’hui, c’est 3 %», précise Eric Birlouez, sociologue de l’alimentation, évoquant «une amnésie générationnelle agricole».
Le chercheur reste cependant optimiste. Pour lui, quand on parle aux gens les yeux dans les yeux, ils sont prêts à écouter. «Il faut une communication locale de circuit ultra court, une communication directe de l’agriculteur auprès de ses proches, de ses voisins, et là, on arrive à des basculements de représentation», ajoute-t-il. «Il va falloir qu’on reste à l’écoute, et que nous, les agriculteurs, travaillions ensemble pour en tenir compte et le traduire dans nos pratiques de tous les jours. Nous avons vraiment besoin de travailler de façon transversale», conclut ainsi Paul Auffray.
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