Quand ce sont les haies qui vous plantent !
Henri Haquin n'est pas le seul dans ce cas, mais cela n'a rien de rassurant. Après avoir planté des haies et engagé des frais, l'exploitant ne reçoit pas les subventions pourtant accordées par la Direction départementale des territoires de l'Oise. Pire : aucune date de versement n'est annoncée. De quoi être totalement démotivé.
Et c'est bien l'état d'esprit d'Henri Haquin, 43 ans, agriculteur à Brégy, dans le Valois, en limite de Seine-et-Marne. Il a repris l'exploitation de grandes cultures de son père il y a sept ans, avant d'y ajouter celle de son oncle il y a deux ans.
Depuis, ses convictions environnementales l'ont porté à modifier le mode d'exploitation de la ferme. Il s'est lancé dans l'agriculture de conservation des sols et s'intéresse à tout ce qui touche à l'environnement. «J'ai planté 11 hectares de noisetiers il y a deux ans, 2 hectares de miscanthus qui alimentent une chaudière biomasse et j'ai investi, avec trois autres agriculteurs, dans un méthaniseur. Alors qu'il n'y a jamais eu de haies dans notre secteur, je me suis lancé dans un vaste programme de plantation de haies intra-parcellaires», témoigne-t-il.
Henri Haquin souhaite en effet recréer des corridors de biodiversité dans ses parcelles et il a réfléchi à installer des haies double rang, tous les 72 mètres, au sein de ses parcelles. «Pour prétendre à une subvention dans le cadre du plan de relance, il y avait un cahier des charges que j'ai entièrement respecté pour faire ma demande de subvention et rentrer dans les clous», ajoute-t-il.
Pour cela, il a choisi les essences préconisées, des basses et moyennes tiges, mais peu de hautes tiges qui développent de grandes racines et font de l'ombre aux cultures. Aubépines, lierres, cornouillers, pruneliers, houx, mais aussi pruniers, cerisiers, pommiers et sorbiers des oiseleurs ont été plantés en janvier 2023 par un pépiniériste qui a fourni les plants et effectué les plantations sur textile géochanvre comme exigé dans le cahier des charges. «Au total, 10 haies doubles, sur des longueurs de 3 à 500 mètres, soit 11 km en tout, ce n'est pas rien. J'avais déposé ma demande de subvention en octobre 2022 et reçu un avis favorable de la DDT en décembre.»
Aujourd'hui, Henri Haquin a payé la totalité du chantier, un tiers à la commande comme habituellement en pareil cas, et le solde à l'issue de la plantation, en février.
Des avances de trésorerie
Depuis, malgré ses relances auprès de la DDT, il attend que l'État honore son engagement, à savoir le versement des 73.000 euros promis. «La DDT affirme ne rien pouvoir faire, le traitement administratif ne peut pas se faire car la convention du plan de relance entre l'Etat et la Région ne serait pas signée. Aucun délai n'est annoncé, c'est l'impasse», se désole-t-il.
Côté Chambre d'agriculture de l'Oise où l'on accompagne des exploitants dans la démarche et dans d'autres, même son de cloche : des dossiers en souffrance, des agriculteurs qui attendent le versement de subventions alors qu'ils ont engagé des sommes importantes, notamment dans le cadre du PCAE (Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations).
Interrogé à ce sujet le lundi 6 novembre, Denis Pype, agriculteur dans l'Oise et conseiller régional président de la commission 10 agriculture et agroalimentaire, nous précise que les aides «Plantons des haies» sont financées sur les fonds «Plan de relance» et intégralement gérées par l'État sur un dispositif adossé au Plan de développement rural 2014-2021.
Dossiers débloqués ?
Suite à un accord entre la Région et l'État, la gestion de la fin de ce dispositif sera assurée par les agents des DDT. Pour ce faire, la convention afférente a bien été signée par le président de Région, l'ASP (Agence de services et de paiements) et le Préfet de région. Par contre, les cinq arrêtés de délégation nécessaires à son application, un par département et donc par la DDT, ont été signés seulement ce 6 novembre 2023, par Xavier Bertrand.
«Dès maintenant, l'État peut reprendre la mise en paiement des aides «Plantons des haies». Les aides seront ensuite versées par l'ASP», ajoute le conseiller régional.
Il semble que toutes les signatures requises au bon traitement administratif des demandes d'aides soient effectives, depuis peu il est vrai. Les dossiers devraient donc pouvoir être débloqués et traités au fur et à mesure.
Les agriculteurs concernés vont pouvoir reprendre contact d'ici quelques temps avec leur DDT afin de s'assurer que le traitement administratif reprend bien son cours. Dans la négative, qu'ils n'hésitent pas à se faire connaître de la Chambre d'agriculture ou de la FDSEA de l'Oise s'ils sont adhérents. La vigilance reste de mise, d'autant plus que d'autres demandes de subventions restent en souffrance, notamment celles liées au PCAE, dont le traitement est beaucoup plus long, de l'aveu même de Denis Pype.
Comme évoqué par Henri Haquin, «ces longueurs ne sont pas de nature à motiver les agriculteurs à se lancer dans des démarches agro-écologiques. Moi, je l'ai fait car je suis persuadé de l'intérêt de ces dispositifs pour ma ferme mais comment convaincre d'autres agriculteurs si les subventions arrivent bien trop tardivement ? L'État ne peut pas faire d'un côté la promotion de l'évolution des pratiques agricoles et, de l'autre, faire traîner les dossiers de demandes de subventions.» Les agriculteurs veilleront encore à ne plus être plantés.
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