L'Oise Agricole 26 septembre 2022 a 10h00 | Par Leïla Piazzat, Pierre Garcia

Quand les cafés et bistrots redonnent de la vie dans les villages ruraux

Plus de la moitié des habitants des zones rurales considèrent que l'accès aux services publics et aux commerces de proximité s'est dégradé au cours des dernières années. Tout comme l'école, lorsque le dernier café ferme, c'est un peu l'âme du village qui s'éteint. Des élus, associations ou bénévoles ne se résignent pas à cette situation et s'engagent pour réhabiliter des lieux de rencontre et de service pour maintenir le lien social.

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Le nombre de débits de boissons est passé de 45 000 en 2011 à 35 000 en 2018, selon la Française des jeux.
Le nombre de débits de boissons est passé de 45 000 en 2011 à 35 000 en 2018, selon la Française des jeux. - © Pixabay

En France, les communes rurales sont largement majoritaires puisqu'elles représentent 88 % des municipalités et concentrent entre un quart et un tiers de la population française. Toutefois, cette proportion aurait tendance à diminuer. En effet, selon la Banque mondiale qui utilise d'autres critères de définition, la part de la population rurale en France serait passée de 22,6 % en 2006 à 19 % en 2020. Un déclin que l'on retrouve également dans les perceptions.

En effet, une étude de l'Ifop publiée en 2018 pour Familles rurales relève que 59 % des Français estiment que le monde rural est «en déclin». En cause ? Un sentiment d'abandon ressenti par 51 % des ruraux. 58 % d'entre eux considèrent en effet que la situation en matière d'accès aux services publics s'est dégradée au cours des dernières années en milieu rural et 59 % partagent cette opinion concernant les commerces de proximité.

L'accès au commerce de proximité

Si l'accès aux commerces et services semble jouer un rôle primordial dans le dynamisme des zones d'habitation, une étude de 2021 réalisée par l'Insee en Auvergne-Rhône-Alpes est révélatrice des inégalités entre la ville et la campagne en la matière. Alors que la situation de la région semble similaire à la moyenne nationale (avec 35 % de population rurale), l'étude révèle qu'alors que 86 % des urbains de la région accèdent aux équipements du «panier de la vie courante»1 en moins de quatre minutes, les ruraux sont seulement 18 % dans ce cas. Et la situation ne semble pas s'améliorer. En effet, toujours selon l'Insee, la part des communes françaises ne disposant plus d'aucun commerce de proximité est passée de 25 % en 1980 à 59 % en 2017. Sous-dotés en commerces et services, les habitants des campagnes doivent souvent s'éloigner pour aller faire leurs courses, boire un café, manger au restaurant, trouver un bureau de poste et a fortiori accéder à un lieu de culture, laissant des villages entiers dénués de ces lieux de rencontre.

Les commerces alimentaires résistent mieux

Pour comprendre l'ampleur de la désertification des campagnes, un chercheur a observé la densité de commerces rapportée à la population. Résultat : les communes rurales comptent en moyenne 28 magasins pour 10 000 habitants contre 63 magasins pour 10 000 habitants dans les communes urbaines. Toutefois, note Corentin Trieven2, «l'écart rural-urbain est moins prononcé dans certains secteurs de l'alimentaire. Les boulangeries, les petites surfaces alimentaires, les boucheries et les charcuteries sont aussi nombreuses à la campagne qu'en ville, au prorata de la population». On trouve également une densité correcte de pharmacies à la campagne, notamment grâce à la réglementation qui régit l'implantation des officines en fonction de la population. À l'inverse, le secteur des équipements à la personne est particulièrement concerné par les inégalités entre ville et campagne. Les cafés connaîtraient également un net recul, puisque le nombre de débits de boissons est passé de 45 000 en 2011 à 35 000 en 2018, selon la Française des jeux. Les bureaux de tabac sont eux aussi durement touchés, passant de 35 000 en 2002 à 22 000 en 2020, d'après la Confédération des buralistes. Tout comme les bureaux de poste, de plus en plus rares dans les villages (9 300 en 2015 et 7 500 en 2020).

L'influence urbaine

Si les campagnes font face à un déclin massif de leurs commerces et services de proximité, les situations ne sont pas les mêmes partout. En effet, la proximité d'une ville conditionne fortement le niveau d'équipement d'une commune. «Les communes rurales périurbaines regroupent plus de 90 % de la population rurale. Elles sont aussi les moins bien équipées en commerces avec 22 points de vente pour 10 000 habitants, contre 55 dans les communes rurales hors de l'influence d'une ville», nuance ainsi Corentin Trevien. Avant de détailler : «Le nombre de points de vente par habitant est similaire dans les communes urbaines et dans les communes rurales les plus éloignées des villes. À l'inverse, dans les communes rurales périurbaines, le nombre de magasins par habitant est très inférieur à celui des communes urbaines.» La raison ? Les ruraux travaillant en ville auraient également tendance à y faire leurs achats, rendant inutile l'implantation d'un certain nombre de commerces dans leur commune d'habitation. Au risque, cependant, de voir se créer des villages dortoirs.

1- «Le panier de la vie courante» regroupe des commerces (boulangeries, supermarchés...), des établissements d'enseignement (écoles, collèges, lycées), des services de soins de première nécessité et des services pour les personnes âgées ou les jeunes enfants.

2 - Corentin Trieven : «Commerces et inégalités territoriales» Étude de l'Insee «Les entreprises en France» en 2017.

«Petites villes de demain», un choc pour l'attractivité

Quelque mille-six-cents communes de moins de vingt-mille habitants sont aujourd'hui engagées dans le programme «Petites villes de demain» lancé par le gouvernement le 1er octobre 2020. Portant sur la période 2020-2026 et impulsé par la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, ce programme doit permettre d'accompagner les communes dans leur revitalisation en lien avec l'écologie, la compétitivité et la cohésion sociale. Au total, trois milliards d'euros sont consacrés à «Petites villes de demain» pour améliorer les conditions de vie des habitants dans les communes rurales. Au niveau national, ces crédits proviennent majoritairement des ministères de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, de la Transition écologique et du Logement. Ce montant pourrait être complété par la mobilisation des collectivités partenaires et par les crédits du plan France Relance. «Si les petites centralités font face à de nombreuses difficultés, elles sont également le lieu d'innovations et ont démontré durant la crise sanitaire de la Covid-19 leur attractivité, leur capacité à inventer des modalités de vie et à créer de la valeur. Grâce à ce programme cousu main pour ces villes et les territoires ruraux qui les environnent, «Petites villes de demain» s'inscrit dans la droite ligne du plan de relance, en concrétisant la nouvelle donne territoriale et ses deux piliers : la transition écologique et la résilience», confiait en octobre 2020 Jacqueline Gourault.

225 communes en Auvergne-Rhône-Alpes

Destiné à relancer les communes rurales, «Petites villes de demain» a été pensé pour permettre aux villes et à leurs intercommunalités de moins de vingt-mille habitants de concrétiser leurs projets de territoire. Ce vaste projet de relance initié par le gouvernement est piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, au plus près du terrain et des habitants grâce à ses délégués territoriaux et au travail des préfets de département. S'inscrivant dans le cadre de l'Agenda rural, le programme peut par ailleurs compter sur le soutien de nombreux partenaires financiers comme la Banque des territoires, l'Anah, le Cerema et l'Ademe, et l'appui d'un large collectif comprenant notamment l'Association des petites villes de France (APVF). Pour bien articuler «Petites villes de demain» avec les initiatives déjà lancées dans différentes régions et départements, les modalités de sélection des villes ont été adaptées par région, et pilotées par les préfets lors du second semestre 2020. Ces derniers se sont notamment appuyés sur les résultats des travaux menés par l'ANCT et l'Inrae Dijon en 2019-2020, qui ont mis en évidence les différents niveaux de centralité des communes françaises. Au total, 225 communes sont concernées en région Auvergne-Rhône-Alpes.

 

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