«Quand on s'installe en ruralité, on épouse la ruralité !»
À l'occasion des 7es rencontres de l'Oise rurale, Nadège Lefebvre, présidente du Conseil départemental, a présenté l'action du Département «Sauvons notre ruralité !» en présence de maître Timothée Dufour, avocat spécialisé dans le monde rural et agricole.

«Que peut-on faire à l'échelle d'un département pour soutenir la ruralité ?» C'est en ces termes que Timothée Dufour résume la mission de la Task force à laquelle il participe depuis quelques mois avec des élus de zones rurales et des agriculteurs. «L'opération Sauvons notre ruralité naît d'un contexte d'urbanisation galopante et de l'arrivée d'une nouvelle génération d'habitants. Des conflits viennent des odeurs ou des bruits des activités agricoles, mais aussi artisanales, que certains ne supportent plus. Les contentieux se multiplient avec le concours d'associations qui se structurent, notamment pour ce qu'ils considèrent comme des troubles du voisinage», explique l'avocat de 33 ans.
L'objectif de la mission, née dans la foulée des manifestations agricoles du début d'année, est donc clair : protéger l'activité agricole mais aussi, plus largement la ruralité. Comment ? Celui qui a défendu Vincent Verschuere, cet éleveur du Pays de Bray condamné à des dommages et intérêts pour nuisances sonores et olfactives après une dizaine d'années de procédure, propose quatre pistes de travail : «Réfléchissons à la rédaction d'un document qui reprendrait les spécificités de la ruralité dans l'Oise.» Le juriste envisage aussi une refonte de la charte de bon voisinage, pourtant récente - elle date de 2017 - car, estime-t-il, «elle manque d'efficacité et d'opposabilité. La société se judiciarise et il faut prévenir les contentieux.» Plus concrètement, que dans le cadre d'un permis de construire, il y ait une prise de connaissance, voire une association de la charte.
Troisième axe de défense du monde rural : donner chair à la loi sur le patrimoine sensoriel de 2021. «Cette loi, qui réclame que l'on cartographie le patrimoine rural et l'activité agricole, reste inappliquée. Personne n'a mené à bien ce travail de recensement. Un travail long, fastidieux mais que nous avons dans l'Oise enclenché et que nous souhaitons poursuivre de concert avec la Drac (Direction régionale des affaires culturelles, ndlr) et la Région.»
Timothée Dufour souhaite également faire de l'Oise un département pilote dans l'imposition d'une clause notariée, insérée dans les contrats, et «qui précise qu'une activité économique, et pas uniquement agricole, était là avant la signature et l'achat du bien.» Avec cette clause, il entend ainsi protéger le dynamisme des exploitations agricoles «qui sont amenées à évoluer, à croître.»
Si elle estime la ruralité en danger, Nadège Lefebvre ne veut pas pour autant opposer les urbains et les ruraux. «La ruralité est toujours le dernier maillon, loin des milliards dévolus aux politiques de la ville. On demande qu'il y ait au moins une réflexion sur le sujet et qu'on comprenne bien qu'on ne peut pas transposer la ville dans les campagnes. Quand on s'installe en ruralité, on épouse la ruralité !»
Timothée Dufour partage la volonté de la présidente de ne pas systématiquement placer le rural et l'urbain en face à face. «Dès qu'on parle de ruralité, on est face à des intérêts divergents qu'il s'agit de concilier, afin que chacun puisse trouver sa place et cohabiter. Le rôle de l'élu local est justement de permettre ce dialogue.» Et l'avocat de conclure : «Gardons à l'esprit qu'en cas de conflits, les responsabilités sont souvent partagées et s'enracinent parfois dans des rancunes ancestrales. Chacun doit être prêt à faire des concessions. Les uns doivent comprendre que la ruralité et l'agriculture ne sont pas des décors de carte postale et, en retour, aux Chambres d'agriculture et aux syndicats de savoir raisonner les agriculteurs.»
La dotation aux communes maintenue
Autre façon de soutenir la ruralité, les aides allouées aux communes par le Département. Dans l'Oise, depuis 2015, ce sont ainsi 435 millions d'euros qui ont ainsi été octroyés. «1 EUR de subvention du Département génère 4 EUR de travaux pour nos entreprises. L'effet levier dans les territoires et sur l'emploi est indéniable car la plupart des travaux communaux sont effectués par des entreprises de l'Oise», explique la présidente du Conseil départemental. «L'Oise fait le choix de maintenir l'aide aux communes au plus haut niveau possible. Il s'agit d'une politique, certes non obligatoire, mais pour autant indispensable pour nos communes tout particulièrement les plus rurales, qui souffrent le plus du désengagement de l'État. Qui d'autre que le Département pour être à leurs côtés ?» D'autres départements ont eux décidé de réduire voire de suspendre leurs dotations, à l'image de la Marne, de la Loire-Atlantiques ou des Yvelines, face à la dégradations de leurs finances.
Dans sa présentation, Nadège Lefebvre a en effet rappelé l'état des finances publiques nationales et ses conséquences pour les collectivités territoriales. Le déficit public devrait dépasser les 6 % cette année et les perspectives du Trésor restent pessimistes d'ici 2027. «L'État a souhaité dans ce contexte contraindre les collectivités sur leur niveau de dépenses avec l'objectif de réduction de 0,5 % de dépenses de fonctionnement.»
Mais c'est la charge de Bruno Le Maire contre les collectivités territoriales, selon lui responsables du dérapage des dépenses publiques, qui fait bondir l'élue. «C'est injuste car l'État porte l'essentiel de la responsabilité de la dette, martèle-t-elle, chiffres à l'appui. Les collectivités ne portent que 8,1 % de la dette totale ! Les accusations honteuses et malhonnêtes de Monsieur Le Maire ne servent qu'à détourner l'attention de son bilan de 7 ans à la tête de Bercy.»
Si on ajoute les effets de l'inflation, de l'augmentation des dépenses imposées (point d'indice de la fonction publique, Ségur de la santé...) et du poids des normes, les collectivités craignent d'être rattrapées par l'effet ciseau, à savoir une baisse des recettes conjuguées à une hausse des dépenses sociales. «La situation nous oblige à nous adapter.» Bien qu'il ait fait le choix de continuer à soutenir les travaux des communes, le Département attend néanmoins d'elles davantage de rigueur dans la constitution de leur dossier : délai de dépôt des dossier plus court, arrêt des délivrances automatiques des dérogations pour commencement anticipé des travaux et fin des régularisations d'opérations démarrées sans accord préalable de financement.
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