Tereos paiera la campagne à venir «au moins autant que les concurrents»
Ce 9 juin, comme chaque année, la coopérative sucrière Tereos conviait les journalistes à une conférence de presse annuelle, fière d’annoncer qu’elle est sur la bonne voie d’une meilleure compétitivité. Bilan, perspectives et prix payés aux coopérateurs ont été abordés.
«Nous ne voulons pas vendre de rêve en avançant des prix pour la campagne à venir. Il y a un an, nous n’aurions jamais osé annoncer 28,27 €/t de betteraves à 16° pour la campagne 2021-2022», répond Gérard Clay, président du conseil de surveillance de Tereos, à la question de la rémunération des betteraves qui seront arrachées dès cet automne. Néanmoins, les planteurs coopérateurs peuvent se faire une idée de ce qui leur sera reversé. «Nous pouvons assurer que nous paierons au moins autant que nos concurrents français, sinon plus.» Pour rappel, Saint Louis sucre a annoncé un prix moyen de la betterave contractée d'au moins 33 €/t à 16° betteraves entières pulpes et indemnités incluses, soit un équivalent de 35,50 €/t à 16° minimum en forfait collet. Cristal Union, qui avait d’abord tablé sur 30 €/t à 16°, a finalement rectifié que ce serait «certainement bien plus».
Ce 9 juin, en conférence de presse à Paris, le groupe affiche sa confiance en l’avenir. «Les premiers effets positifs du virage stratégique que nous avons engagé en décembre 2020 se font clairement sentir», se félicite Gwenaël Elies, en charge des finances du groupe. + 18 % de chiffres d’affaires, avec plus de 5 Md€ au compteur, un EBE en progression de 47 %, un résultat net positif de 172 M€ «solidement ancré dans le vert», et une dette en baisse, à 2,39 milliards, contre 2,53 milliards un an plus tôt. Voilà pour les principaux chiffres. Les efforts ne s’arrêteront pas là. «Nous voulons bâtir une culture de la performance», répète à plusieurs reprise Ludwig de Mot, nouveau président du directoire. Objectif réduction de la dette à moins de 2 milliards d'euros en 2024 oblige.
Du ménage
Ces meilleurs résultats sont dus à un gros travail de «réorganisation», dont l’objectif annoncé à terme est double : restaurer la solidité financière du groupe, et mieux rémunérer ses coopérateurs. Un plan stratégique est défini jusqu’en 2024. Il s’agira après cette date d’un retour à la croissance. Tereos a tout d’abord changé de stratégie, en ne misant plus sur le volume mais sur la valeur. Le groupe s’est ensuite séparé de ses «activités non stratégiques». Trois sites sont cédés : un site d’amidon en Chine à son partenaire NKA, un site de sucre au Mozambique, et un autre est sur le point de l’être en Roumanie. «L’État roumain étudie sérieusement la reprise.» De telles fermetures pourraient-elles être envisagées en France ? «Toutes les options sont ouvertes. On ne peut pas se refuser des sites industriels s’ils ne sont pas performants», acquiesce Gwenaël Elies. «En bon père de famille, il nous faut envisager toutes les options», ajoute Gérard Clay. Aucune annonce précise cependant.
Un nouveau mode de gouvernance
Pour cette gestion, Tereos mise aussi sur son nouveau mode de gouvernance. «Le monde coopératif n’a pas été assez innovant pour s’adapter au contexte. Aujourd’hui, nous proposons des pistes d’évolution», note Gérard Clay. Fini, donc, le conseil de surveillance pour gérer l’ensemble entreprise-coopérateurs. Ces deux entités sont désormais scindées : un conseil d’administration constitué de neuf membres, épaulé par deux membres indépendants pour la gestion de l’entreprise, et un conseil coopératif composé de quinze à dix-huit membres, «qui s’appuiera sur les conseils de région pour assurer le lien avec les coopérateurs».
Pour Tereos, l’action environnementale tient une place importante dans son plan stratégique. «Nos planteurs sont les premiers concernés par le réchauffement climatique», avoue Ludwig de Mot. Parmi ses «ambitions de développement durable d’ici à 2030», figurent la décarbonation des sites industriels, l’optimisation de leur consommation d’eau, la certification «durable» des matières premières… Les planteurs sont pleinement intégrés à ces objectifs en dotant 100 % des filiales d’un projet de biodiversité. Sur la base du volontariat, chacun est invité à réaliser un diagnostic carbone de son exploitation. Les betteraves bio et HVE dans tout cela ? «Nous étions à 750 ha de betteraves bio en 2021, et 1 000 ha ont été emblavés en 2022.» La filière manque cruellement de demandes. Les betteraves HVE, elles, progressent encore plus lentement. «Dans les deux cas, les clients ne sont pas au rendez-vous.»
Un contexte instable
Dans son objectif d’amélioration de ses chiffres, Tereos doit naviguer dans un contexte «très instable» avec une «forte volatilité des prix». «Ceux de l’énergie – principalement du gaz – ont été multiplié par quatre ou cinq. Nous devons aussi encaisser une hausse des coûts du blé, du maïs et des transports qui ont un effet direct sur celui de l’amidon», précise Gérard Clay.
Pour les coopérateurs, les charges d’intrants sont aussi de plus en plus lourdes. La multiplication avec l’inflation générale, et les ménages qui font de plus en plus attention à leurs dépenses, n’arrange rien. Enfin, le contexte betteravier est lui aussi incertain. Le changement climatique, la concurrence d’autres cultures, et l’interdiction des NNI qui rapproche, même si la betterave dispose d’une dérogation, poussent des planteurs à réduire leurs surfaces. «Une enquête menée auprès de nos coopérateurs sur leurs intentions révèle que leur nombre doit rester stable, mais les surfaces pourraient diminuer de 10 %. Au moins, nous savons où nous allons.»
Des catégories «à fortes valeurs» développées
Se séparer des sites qui coûtent de l’argent, et miser sur ceux qui pourraient en rapporter bien plus. Telle est la stratégie de Tereos. «Nous misons notamment sur deux catégories à fortes valeurs que sont les bioplastiques recyclables et les protéines végétales», présente Ludwig de Mot, président du directoire. Pour les bioplastiques, Tereos est devenu fournisseur exclusif d’Avantium, précurseur dans le domaine de la chimie renouvelable, en sirop à haute teneur en fructose à partir de blé européen. L’usine de Delfzijl (Pays-Bas) est dédié à la production de FDCA (acide furane dicarboxylique), principal composant du PEF (polyéthylène furanoate), matière plastique recyclable 100 % végétal. «La croissance du marché des plastiques biosourcés est soutenue. Le potentiel des applications PEF représente plus de 200 Md$ par an.» Le marché des protéines végétales est aussi à «haut potentiel, soit 140 Md$ à dix ans». Et Tereos se dit bien positionné sur ce secteur. Ce moins de juin, l’agroindustriel a d’ailleurs lancé sa gamme «Ensemble», des produits protéinés certifiés véganes destinés à la restauration collective et commerciale, ainsi qu’à la GMS et à l’industrie agroalimentaire.
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