Une diversification à pas de velours
Pierre Meyer élève huit mères et leur suite à Dessenheim (Haut-Rhin). Ce céréalier a choisi une diversification originale : les chats de race ! Et pas n'importe lesquels : des maine coon, de grands félins à poils mi-longs, aussi affectueux que des chiens. Le retour sur investissement n'est pas pour tout de suite, certes, mais «on ne possède pas un chat, c'est lui qui vous possède » !
«Nous sommes chez eux et non l'inverse», annonce Pierre Meyer, lorsque l'on franchit le seuil de la chatterie extérieure, une spacieuse «cage à chats» entourée de verdure, prolongeant le bâtiment d'élevage. Les six femelles, jeunes et adultes qui n'ont pas de portée, sont là, perchées ou cachées, à l'affût, curieuses, en train de renifler, telles de petits lynx. Rien à craindre. Les maine coon aiment la présence humaine et le contact. Ils sont incroyablement confiants par nature.
À la chatterie de la Plaine du Maine, à Dessenheim, près de Neuf-Brisach (Haut-Rhin), les huit femelles et le mâle qu'élève Pierre le sont d'autant plus qu'il vit parmi eux, les nourrit, les abreuve, les soigne, les choie, les brosse, joue, leur parle, les rassure, notamment lorsque les mères mettent bas. Lors des naissances, il les aide, coupe le cordon. Il pèse ensuite chaque jour les chatons. Pour les félins, Pierre est un repère.
Montrer patte blanche
Céréalier depuis 2013, producteur de maïs et de tournesol semences sur 72 ha, le gérant de l'EARL Centre Hardt s'est lancé dans l'élevage de maine coon. Il y a deux ans, il a eu un coup de coeur pour la race lors d'une exposition féline. «J'avais déjà le statut d'agriculteur, indispensable, alors je me suis dit, pourquoi pas moi ? Je n'ai pas demandé d'aides à la Chambre. J'étais pressé», se souvient-il. Sa formation de trois jours au lycée agricole de Rouffach passée (soit 300 EUR), Pierre acquiert deux félins dans la région. Pour qu'un éleveur accepte de lui vendre des chats entiers, non stérilisés (entre 1.500 et 4.000 EUR, selon le félin et, surtout, sa couleur qui fait grimper le prix, si elle est à la mode), il a dû montrer patte blanche. Gagner la confiance des autres éleveurs de la race est plus difficile que capter celle des maine coon ! «Une lignée, ce sont plusieurs générations. Aucun éleveur n'a envie qu'un autre fasse n'importe quoi. Ce serait dommageable pour tous. Tout est inscrit dans le pedigree», adhère Pierre.
Les concours de beauté l'ont aidé à intégrer un réseau. L'Alsace ne compte guère plus d'une dizaine d'élevages, suppute le jeune homme. Il ne les connaît pas tous. Pour «chercher du sang neuf», il est rapidement allé à Athènes, en Grèce, à Milan en Italie, et a fait venir une chatte de Russie. Deux reproducteurs sont en pension chez sa belle-mère.
L'an passé, il a gardé trois chats, deux femelles et un mâle, des deux premières portées de son élevage, pour assurer sa rotation. Il a vendu les dix autres, 1.200 EUR TTC le chaton, un prix indicatif qui peut varier selon l'animal.
Luxe, calme et volupté
«Qu'on ne pense pas que je me roule sur l'or, comme on dit, s'exclame Pierre, en riant. Il y a déjà 20 % de TVA sur la vente, donc je ne rentre que 1.000 EUR par chaton. Ensuite, entre l'achat des parents (1.700 EUR en moyenne/chat), le déplacement, leur transport, les tests génétiques et les échographies - pour vérifier qu'ils sont indemnes de maladies du coeur ou des reins -, leur entretien, l'alimentation (25 EUR/mois/chat), les vaccinations (plus de 100 EUR/chaton), les stérilisations ou les castrations des petits (100 EUR/chaton) et leur nourriture à partir d'un mois, je rentre juste dans mes frais.»
Quand un chaton quitte la chatterie de la Plaine du Maine, ses acquéreurs sont tranquilles pendant un an. «Sur un chaton, je gagne 300 EUR mais c'est sans compter ce que coûtent les infrastructures», a calculé Pierre. Et puis, il faut faire face aux imprévus. Une chatte a subi une césarienne, récemment : 400 EUR. Une autre, une entorse, un dimanche, il y a quelque temps : 400 EUR. «Ça monte vite, remarque Pierre. Sur les premières portées, l'année dernière, je n'ai rien gagné.» Il dit avoir dépensé plus que prévu, à tous les niveaux. Rien que la litière à nettoyage automatique a coûté environ 500 EUR ; un investissement qu'il ne regrette pas ! Il faudra un certain nombre d'années pour amortir l'équipement, dont, entre autres aussi, des plateformes, arbres, passerelles, et une fontaine - sinon ces chats, qui aiment l'eau, pataugent dans les écuelles. Les conditions d'élevage à la chatterie de la Plaine du Maine attirent les clients, qui s'informent via Facebook ou le bouche-à-oreille.
Pas d'élevage intensif
L'élevage de Pierre est loin d'être intensif. Les femelles ne font qu'une portée par an, contre deux dans la nature. Il ne veut pas les surexploiter car elles mettent du temps à se remettre. Aussi, au bout de deux à trois portées, pour leur assurer une belle et longue retraite, il cherchera des familles d'adoption à qui il les vendra à prix d'ami. La première retraitée s'en ira bientôt. Les chatons, eux, partent au bout de trois à quatre mois, quand ils sont «sociabilisés».
Légalement, Pierre pourrait les vendre à deux mois, dès qu'ils sont sevrés, mais il préfère qu'ils soient «confrontés à des adultes, pour qu'ils les canalisent, quand ils jouent ; pour qu'ils les éduquent. Les chatons sont élevés à la dure par leur mère : s'ils sont trop excités, ils s'en prennent une. Les autres chats aussi les calment. À tous les coups, un chat destructeur, qui griffe, a été enlevé trop tôt à sa mère», souligne Pierre qui garde un point de vigilance sur le bien-être de ses maine coon. Jusqu'à présent, il a eu de la chance : les portées ont toujours compté de trois à sept petits. «L'objectif serait de vendre vingt chatons par an. Cela couvrirait les charges. Cet élevage sera une diversification, avec le temps.»
* Citation de Françoise Giroud (1916-2003), journaliste, écrivaine et femme politique française.
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