L'Oise Agricole 23 décembre 2021 a 09h00 | Par I. L.

Chambres d'agriculture et entreprises plaident pour la réutilisation

Dans le cadre du Varenne agricole, chambres d'agriculture et entreprises de l'eau affichent un front commun sur la réutilisation de l'eau. Une idée qui pourrait répondre, selon le Cerema, à l'ensemble des besoins d'irrigation, tout en créant de nouvelles ressources du côté des entreprises, et en abaissant les coûts pour les producteurs.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
L'utilisation des eaux usées retraitées pour irriguer au lieu de leur rejet dans les milieux naturels représenterait un potentiel de 1,6 milliard de m3 par an, soit la moitié des 3,2 milliards de m3 prélevés chaque année pour l'agriculture.
L'utilisation des eaux usées retraitées pour irriguer au lieu de leur rejet dans les milieux naturels représenterait un potentiel de 1,6 milliard de m3 par an, soit la moitié des 3,2 milliards de m3 prélevés chaque année pour l'agriculture. - © Pixabay

L'idée n'est pas neuve, mais le contexte incite à la ressortir des cartons. Alors que le climat changeant devrait augmenter les besoins en eau dans de nombreuses filières, et que les projets de retenues peinent à aboutir partout en France, la réutilisation ouvre de nouveaux horizons. Et loin d'être anecdotique, selon un rapport publié en juin par le Cerema, l'utilisation des eaux usées retraitées pour irriguer au lieu de leur rejet dans les milieux naturels représenterait un potentiel de 1,6 milliard de m3 par an, soit la moitié des 3,2 milliards de m3 prélevés chaque année pour l'agriculture (données 2016, OIEEau). Pourtant, les dispositions actuelles, tant européennes que françaises, ne facilitent pas la réutilisation, regrettent la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) et l'APCA (chambres d'agriculture). Le Varenne serait donc l'occasion, pour ces organisations, de faciliter la mise en oeuvre sur le terrain de la réutilisation, au travers de plusieurs adaptations. «Nous avons demandé que tous les PTGE (projets de territoire pour la gestion de l'eau, ndlr) intègrent le sujet de la réutilisation», indique Maximilien Pellegrini, président de FP2E à l'occasion d'une conférence de presse le 9 décembre.

Autre exigence : «La réglementation sur la réutilisation doit permettre d'adapter la qualité aux usages», poursuit Maxime Pellegrini. Pour l'heure, détaille-t-il, seules les eaux répondant aux critères de catégorie A, définis par un arrêté de 2014, peuvent être utilisées pour l'irrigation agricole. Un niveau de qualité représentant une eau «quasiment potable», selon Maximilien Pellegrini. Or, un règlement européen de 2020 prévoit qu'une eau de qualité inférieure peut servir à l'irrigation «en utilisant, à un stade ultérieur, plusieurs solutions de traitement».

Trente-deux projets agricoles en cours

Selon le Cerema, près de 63 projets de réutilisations seraient en cours en France, dont 32 serviraient à l'irrigation agricole. Au-delà de l'exemple emblématique des pommes de terre de Noirmoutier ou de l'Île de Ré, des eaux réutilisées irrigueraient également des parcelles expérimentales de vigne et d'oliviers de l'Inrae, des pépinières en Maine-et-Loire, ou même des prairies dans la Manche. Autant de projets qui nécessitent un retraitement des eaux en sortie de station d'épuration, soit par un simple lagunage, soit par des procédés plus complexes recourant aux UV ou à la filtration membranaire. Les collectivités devront donc mettre la main à la poche pour assurer ces traitements complémentaires, soit directement, soit en ajoutant des clauses complémentaires aux marchés publics détenus par les mêmes entreprises de l'eau. Des frais qui, selon Maximilien Pellegrini, pourraient être aussi amortis par «une tarification progressive» de l'eau en fonction de sa qualité.

«Aujourd'hui, l'eau agricole a un coût», acquiesce le vice-président de l'APCA André Bernard. Alors que les agriculteurs payent des redevances de 1 à 4 centimes d'euros par m3 en fonction des bassins, l'enveloppe pourrait même s'élever à plusieurs milliers d'euros pour ceux qui irriguent de grandes surfaces. Pourtant, reconnaît André Bernard, même si des volumes significatifs et des économies sont à la clé, «on ne traitera pas le problème de l'eau uniquement avec la réutilisation, certaines pratiques devront changer». En 2015, Xavier Beulin avait déjà noué un partenariat avec Veolia, qui visait, en plus du développement de la méthanisation, à mener des expériences pilotes pour valoriser «les eaux usées recyclées».

Sans «travail de la justice», la concertation «ne sert à rien»

Irrigants de France, dont est membre l'AGPM (producteurs de maïs), réclame l'application du droit face à «des actes violents» sur l'utilisation de l'eau alors qu'«un travail de concertation exemplaire» est mené avec le Varenne agricole, selon un communiqué le 15 décembre. «Le sabotage de matériel d'irrigation, les insultes et autres menaces, deviennent monnaie courante», dénonce l'organisation. De tels «actes violents» doivent être condamnés, réclame-t-elle. «Sans le travail de la justice, la concertation ne sert à rien», estime Irrigants de France en faisant référence au Varenne agricole de l'eau et du changement climatique. «Lancé par le président de la République, ce Varenne est un bel exemple de concertation, parfaitement orchestré par l'action conjointe des ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique, aux côtés de la profession agricole, des instituts techniques et des ONG», selon le communiqué, ne précisant pas que FNE refuse d'y participer. Irrigants de France souhaite qu'il permette «de sécuriser l'accès à l'eau, d'assurer sa gestion collective dans le temps et de développer les ressources à travers le stockage».

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,