L'Oise Agricole 26 mars 2023 a 09h00 | Par Sophie Sabot

Élise Levasseur : la pépiniériste qui met du local dans vos haies

En 2020, Élise Levasseur a créé la pépinière «Graines voyageuses» à Saillans dans la Drôme. Elle assure la production de A à Z d’essences locales pour l’implantation de haies, depuis la récolte des graines jusqu’à la vente des plants dont une majorité bénéficie de la certification «Végétal local».

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Élise Levasseur propose des plants en godets forestiers. Étroits et profonds, ils évitent le chignonage des racines.
Élise Levasseur propose des plants en godets forestiers. Étroits et profonds, ils évitent le chignonage des racines. - © Sophie Sabot

«Depuis longtemps, j’avais le projet de m’installer en agriculture, mais je n’avais pas trouvé la production et le modèle agricole qui me convenaient», confie Élise Levasseur, 37 ans, pépiniériste en arbres et arbustes d’origine locale. Jusqu’à sa découverte de la marque «Végétal local» (lire ci-dessous) alors qu’elle enseigne l’agroforesterie au CFPPA de Die (26). «Cette marque et sa démarche donnaient enfin du sens à mon projet, d’autant que, localement, il n’y avait pas d’offre de plants de haies champêtres», poursuit la pépiniériste.

Installée en 2020, elle vient de clore sa deuxième année de production, soit 18.000 plants issus de sa pépinière, avec l’objectif d’en produire 30.000 par an. «À 70 %, ils sont destinés à des agriculteurs, essentiellement via des commandes groupées avec l’Association drômoise d’agroforesterie, la Chambre d’agriculture, la Fédération des chasseurs de la Drôme...», précise-t-elle. Les parcs naturels régionaux, l’ONF, des collectivités ou particuliers font aussi partie de ses clients.

Tendance durable

Si l’objectif est bien de vivre de cette production voire de créer un second emploi, produire des plants destinés aux haies champêtres n’a rien d’un effet d’aubaine pour Élise Levasseur. Certes, le programme «Plantons des haies», lancé en 2021 par le gouvernement dans le cadre du plan de relance, a accentué la demande des agriculteurs. Tout comme les dispositifs réglementaires de la Pac 2023 qui, eux aussi, incitent à la plantation de haies. «On parle de plus en plus d’agroforesterie, reconnaît la pépiniériste. Je pense réellement que nous entrons dans une tendance durable avec une vraie prise de conscience du rôle des haies face aux problèmes de fertilité ou d’érosion des sols. L’intérêt pour l’agriculteur est à la fois écologique, agronomique et donc économique.» Elle a aussi acquis la conviction que de tels systèmes ne peuvent fonctionner que si le végétal implanté est adapté à son environnement. «Souvent, on me demande s’il faut planter des essences méditerranéennes en prévision du changement climatique, signale-t-elle. Pourquoi pas en introduire un peu, mais le végétal local reste souvent le plus adapté et dispose d’une certaine résilience. Il est important de ne pas regarder uniquement le paramètre de résistance à la sécheresse, mais aussi tous les autres comme la résistance au gel, à l’altitude… Avant un projet de plantation, il est intéressant de commencer par analyser la végétation déjà présente localement.» Les 80 essences qu’Élise Levasseur propose à la vente répondent à ce critère local.

Diversité génétique

«Je récolte sur une centaine de sites autour de chez moi des fruits de végétaux sauvages. Pour préserver la diversité génétique, je garantis pour chaque essence que les graines proviennent d’au moins trente individus différents, sans sélection, c’est-à-dire que je n’écarte pas les arbres chétifs. C’est peut-être eux demain qui survivront...», explique la pépiniériste. Ces récoltes ont lieu en général en fin d’été et durant l’automne. Vient ensuite l’étape de dépulpage pour extraire les graines, puis la stratification pour lever leur dormance. Cette stratification alterne, selon les essences, des passages au froid dans une armoire frigorifique et/ou au chaud dans un caisson conçu par Élise Levasseur. «C’est un savoir-faire qui s’est perdu, souligne la jeune femme. J’apprends beaucoup sur le tas, j’expérimente. Je m’appuie aussi sur les référentiels établis dans le cadre de la marque Végétal local. Si besoin, je contacte d’autres pépiniéristes.»

Dès février, elle débute ses semis. Le repiquage s’étale ensuite jusqu’au mois de juin. La moitié des plants est vendue en godets forestiers. Étroits et profonds, ils évitent le chignonage des racines. L’autre moitié est vendue en racines nues.

Traçabilité garantie

La majorité de ses plants est certifiée «Végétal local» et tous sont labellisés agriculture biologique (AB). «Pour chaque essence produite, je dois garantir la traçabilité de la graine, de son lieu de récolte jusqu’à la commercialisation du plant. L’objectif est que ces plants soient utilisés dans la même zone géographique pour davantage de résilience, mais aussi parce que le végétal local fleurit au bon moment pour la faune sauvage. Les insectes ne vont pas s’épuiser à chercher du nectar», souligne Élise Levasseur. À noter, sa pépinière se situe à la frontière de trois des onze aires géographiques définies par la marque Végétal local : les Alpes, la zone méditerranéenne et le bassin Rhône-Saône-Jura.

6.000 m² de terrain pour s’installer

Élise Levasseur s’appuie sur un parcours étudiant* et professionnel qui l’a menée en Afrique, Asie, Amérique du Sud... Elle a notamment travaillé en Guyane sur les pratiques en arboriculture et maraîchage. «L’agroforesterie fait partie des systèmes agricoles guyanais. C’est là-bas que j’ai commencé à me passionner pour ce sujet», se souvient la jeune femme. De retour dans l’Hexagone, elle occupe durant six ans un poste de formatrice en agroécologie et agro-foresterie au CFPPA de Die (26). En 2019, grâce au bouche-à-oreille, elle déniche 4.000 m² de terrain à acheter et 2.000 m² à louer, non loin de chez elle à Saillans (26). Elle s’installe en 2020 et bénéficie de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). La parcelle dont elle est propriétaire est destinée à la production de plants en godets forestiers, la parcelle louée aux plants plein champ vendus en racines nues. «Pour l’instant, j’ai fini mes plus gros investissements : une serre de 200 m², un système d’irrigation par micro-aspersion, un local d’une trentaine de m², des équipements dont l’armoire frigorifique pour le travail des graines et pas mal d’outils dont une arracheuse mécanique», détaille la pépiniériste.

Une marque de l’office français de la biodiversité (OFB)

Créée en 2015 par un collectif d’acteurs de l’environnement en réponse à un appel à projet du ministère de l’Écologie, «Végétal local» est une marque collective de l’OFB. Chaque plant ou semence bénéficiant de la marque est porteur d’une traçabilité indiquant de quelle région écologique il est issu parmi les onze qui constituent la trame de la marque Végétal local. Les végétaux sont ainsi «porteurs d’adaptations génétiques locales développées depuis des millénaires par une co-évolution avec les plantes et animaux de leur milieu, ce qui leur confèrent une meilleure adaptabilité vis-à-vis des changements globaux, maladies et parasites», assurent les responsables de la marque.

Avant de préciser : «Ces végétaux sont produits par des semenciers et pépiniéristes dont l’activité économique n’est pas délocalisable». 91 pépiniéristes en France ont déjà rejoint la démarche et proposent plus de 700 essences. En savoir plus : www.vegetal-local.fr

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