L'Oise Agricole 17 janvier 2019 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

La betterave sous protection

L’institut technique de la betterave (ITB) a organisé une réunion technique au sein du Syndicat betteravier à Estrées-Saint-Denis. Près de 100 personnes étaient présentes afin de voir l’état de santé de la betterave.

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Les priorités de l’ITB en 2019 : la lutte contre la cercosporiose (programme de recherche ITB + Inra + Anses) et la lutte en végétation contre le puceron vert (le produit Teppeki vient d’être homologué sur betteraves ).
Les priorités de l’ITB en 2019 : la lutte contre la cercosporiose (programme de recherche ITB + Inra + Anses) et la lutte en végétation contre le puceron vert (le produit Teppeki vient d’être homologué sur betteraves ). - © Dorian Alinaghi

Philippe Delefosse, délégué régional pour l’institut dans l’Oise et du Val-d’Oise, explique les constats aperçus en 2018.

«L’année s’achève sous la pluie et cette situation se poursuit sur les premiers mois. Les labours sont réalisés début janvier dans d’excellentes conditions. Une période de gel fin février a conduit à un bon hivernage des parcelles. Les quantités d’eau tombées ont fermé les terres et retardé les semis. Les premiers semis ont commencé timidement le 18 mars. Le véritable départ est intervenu lors de la première décade d’avril, jusqu’au 23 avril. Du 18 au 22 avril, le mercure s’affole, laissant penser à tort que le printemps s’installe. Mais les premiers jours de mai, c’est le retour brutal du froid et même de la neige, au moment des premiers désherbages pour les premières levées de betteraves. Certaines variétés ont mal supporté ces amplitudes thermiques, le secteur d’Estrées-Saint-Denis est le plus concerné. 200 hectares sont ressemés dans la précipitation. Des plantules repartent du cœur. Au-dessus de 45.000 pieds, il est économiquement déconseillé de retourner et ressemer une parcelle. Dès la mi-mai, le développement de la betterave s’est accéléré avec le retour de la chaleur, du moins en végétation. Les racines dans l’humidité et les feuilles au soleil ont favorisé l’apparition de la fonte de semis (pieds noirs et pythium) comme en 2016, mais sur des plantes moins développées. Les conditions sèches du début d’été ont stoppé l’extension de l’aphanomycès. Les symptômes sont visibles jusqu’à la récolte. Mi-juin, beaucoup de parcelles sont à couverture. Le Résobet-Fongi a permis de suivre l’apparition des maladies de feuillage. L’oïdium est rapidement dépassé par la cercosporiose qui continue son extension.»

Le manque de pluie a réduit la croissance des betteraves. Les rendements sont impactés. La récolte a débuté vers le 20 septembre, les écarts sont importants d’une parcelle à l’autre. La progression constatée habituellement tout au long de la campagne a été faible. Seule la richesse élevée, supérieure à 19, apporte une satisfaction. Les rendements moyens s’établissent entre 80 et 82 tonnes.

Surveiller la betterave

Depuis le 1er septembre, l’utilisation des néonicotinoïdes est interdite en France. Seule la téfluthrine peut être utilisée en traitement de semences ou en microgaunlés (Force 1,5 G). «Un essai implanté à Therdonne dans une parcelle infestée par les blaniules a permis de mesurer l’efficacité de la téflutrhine. Des pièges à taupins et blaniules (pot enterré contenant des grains de maïs humidifiés) ont été mis en place en février. Ces pièges ont été relevés avant la préparation du sol, début avril.» souligne Philippe Delefosse. L’essai a été semé le 12 avril à 110.000 graines/ha. Les comptages définitifs réalisés le 28 mai montrent que : seuls 32 % pieds ont résisté au traitement standard, sans aucune protection. Le Force en traitement de semences a permis de conserver 58 % des plantes. Le Force 1,5G en microgranulés a préservé 65 % des betteraves. La matière active n’est pas systémique : les betteraves ne sont pas protégées une fois levées. L’ITB conseille, en l’absence de risque ou en faible infestatio,n choisir le Force 8 g en traitement de semences ou le Force 1,5G associé aux graines standards. Dans les parcelles où le parasite a été observé, privilégiez l’association traitement de semences 8 g et le Force 1,5 G en microgranulés à 7 kg/ha.

Pour la troisième année consécutive, la cercosporiose s’est fortement développée. Avec les conditions chaudes de l’année, la maladie est apparue en juillet et a atteint le seuil d’intervention le 20 juillet. Les T1 (schéma ci dessous) se sont étalés jusqu’au 13 août. Malgré les conditions climatiques particulières et les traitements aux bons seuils, beaucoup de T3 sont réalisés pour les récoltes tardives. Des variétés avec des sensibilités différentes sur la cercosporiose ont été semées et suivies jusqu’à la récolte. L’ITB conseille de choisir une variété tolérante à la cercosporiose dans les situations à risque et de réaliser toutes les semaines un prélèvement de 100 feuilles (méthode IPM), début juillet, et de traiter au seuil.

Concernant le rhizoctone brun, cette maladie des racines est présente ponctuellement dans de nombreuses parcelles et les premiers symptômes peuvent apparaître dès juin sur une variété classique. Dans certaines exploitations, le risque de rhizoctone brun est plus développé, ce qui nécessite d’utiliser des variétés spécifiques, dites doubles tolérantes. La maladie peut être traitée par l’association azoxystrobine et cyproconazole qui se nomme Zakeo Xtra. Le produit est homologué à 1 litre/ha. L’ITB conseille d’utiliser des variétés doubles tolérantes dans les parcelles touchées par le rhizoctone brun et d’appliquer Zakeo Xtra sur les premiers symptômes de rhizoctone brun afin de limiter son développement.

Pour la jaunisse, iI existe quatre principaux virus de la jaunisse affectant la betterave cultivée Beta vulgaris. Trois espèces virales appartiennent au genre des polérovirus et sont responsables des symptômes de la jaunisse modérée : le virus de la jaunisse modérée (BMYV), le virus de la jaunisse occidentale (BWYV) et le Beet chlorosis virus (BChV). Le virus de la jaunisse grave (BYV), responsable de la maladie du même nom, est une espèce plus éloignée qui appartient au genre des clostérovirus. Ils sont tous transmis par des pucerons vecteurs sur le mode non-propagatif, ce qui signifie que le virus ne peut être transmis à la descendance des pucerons virulifères. En revanche, les beet-polerovirus sont transmis sur le mode persistant alors que le BYV est transmis sur le mode semi-persistant. Les pucerons, principaux vecteurs de la maladie, sont des insectes de la famille des Aphididae. Ils passent l’essentiel de l’année sous un mode de reproduction asexué. Les larves deviennent adultes en moins de 15 jours entre 15 et 20°C, ce qui fait qu’une quinzaine de générations se succèdent entre le printemps et l’automne. Ce type de reproduction s’effectue sur les hôtes secondaires des pucerons, principalement des plantes herbacées dont les fabacées et les chénopodiacées. À l’automne, la baisse de la photopériode induit un second mode de reproduction sexué qui permet un brassage génétique au sein de l’espèce et donne naissance à des œufs capables de survivre tout l’hiver. Les deu principales espèces vectrices de la jaunisse sur betterave sont le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) et le puceron noir de la fève (Aphis fabae). D’autres espèces de pucerons tels Aulacorthum solani, Aphis craccivora, Aphis gossypii, Brevicoryne brassicae, Brachycaudus helichrysi, Macrosiphum euphorbiae, Myzus ascolonicus, Myzus certus, Myzus ornatus et Phorodon humuli sont des vecteurs secondaires.

Il existe à l’heure actuelle très peu de produits de biocontrôle homologués sur betterave, et aucun en usage sur les pucerons vecteurs de jaunisses. L’ITB teste depuis 2017, dans des essais en conditions contrôlées et en plein champ, l’efficacité sur pucerons verts et noirs d’une dizaine de produits non encore homologués sur betterave en France. Ces produits sont principalement des substances naturelles (huiles minérales ou végétales) et des champignons entomopathogènes. Les premiers résultats sont attendus en 2019. La résistance génétique constitue l’alternative la plus prometteuse pour contrôler les pucerons et les jaunisses virales. Cependant, les programmes de sélection sont longs et les premières variétés résistantes ne seront pas commercialisées avant plusieurs années.

Les variétés conseillées en 2019 sont à retrouver sur http://www.itbfr.org

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