L'Oise Agricole 06 juin 2021 a 15h00 | Par G.T.

Néonicotinoïdes : pas d'interdiction sans alternative efficace

A l'invitation de Julien Dive, député de l'Aisne, les membres du conseil de surveillance des néonicotinoïdes se sont retrouvés à Barenton-Bugny sur le pôle betteravier du Griffon le 25 mai pour faire un point sur les avancées expérimentales en betteraves.

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De gauche à droite : Grégory Besson-Moreau, Julien Dive et Henri Havard, unanimes pour dire que «la logique du ministre et de beaucoup de parlementaires c'est de n'avoir aucune interdiction sans solution. Et c'est la logique maîtresse des prochaines années, de notre vision de l'agriculture et de l'accompagnement de la transition écologique».
De gauche à droite : Grégory Besson-Moreau, Julien Dive et Henri Havard, unanimes pour dire que «la logique du ministre et de beaucoup de parlementaires c'est de n'avoir aucune interdiction sans solution. Et c'est la logique maîtresse des prochaines années, de notre vision de l'agriculture et de l'accompagnement de la transition écologique». - © G.T.

Il l'avait annoncé dans l'Hémicycle à la création du conseil de surveillance des néonicotinoïdes, «une réunion sur deux se fera sur le terrain». C'est chose faite. Pour leur deuxième rendez-vous et à l'invitation de Julien Dive, député de l'Aisne, Grégory Besson-Moreau, président du conseil de surveillance et les membres du Conseil de surveillance ont découvert les avancées sur le puceron et la jaunisse qui ont ravagé les betteraves en 2020. Il veut mettre la pression sur les filières afin qu'elles trouvent une alternative aux néonicotinoïdes, «la pression dans le tube» a-t'il insisté, reprenant les termes de Julien Denormandie, ministre de l'agriculture. «Ce texte c'est la fin assurée des néonicotinoides en agriculture, les 8 % restants étant utilisés en betteraves. Nous avions deux choix : baisser les bras et tuer toute une filière, ou investir et trouver une alternative. Nous avons opté pour la deuxième solution». Dans le cadre du PNRI (plan national de recherche et d'innovation) un budget a été fixé et bénéficie d'un financement public de 7 millions d'euros sur 3 ans, pour un montant global supérieur à 20 MEUR avec les co-financements INRAE, ITB et des semenciers.

Il permet de coordonner un effort de recherche sans précédent focalisé sur la jaunisse de la betterave sucrière pour apporter des solutions opérationnelles aux agriculteurs. «Je suis satisfait de voir l'engouement de toute la filière pour trouver une alternative» s'est félicité le président du Conseil de surveillance. Mais il faut accélérer le mouvement, et il invite la filière à continuer ses investissements «car le temps presse» avant l'interdiction totale des néonicotinoïdes. L'enjeu de ces trois prochaines années est évidemment basé sur la recherche. «Nous sommes en relation constante avec l'Institut technique de la betterave (ITB) et avec l'INRAE pour trouver des alternatives efficaces. Mais le temps de la recherche n'est pas celui de l'agriculture et trois années restent un délai très court pour trouver des solutions pérennes».

Mettre la pression

Pour les membres du Conseil de surveillance et pour les chercheurs, il n'y a pas une seule solution, mais plutôt un mix qui servira d'alternatives aux néonicotinoïdes. Des alternatives comme le biocontrôle, l'évolution des méthodes culturales, la rotation, comme l'a expliqué Julien Dive, ou encore la génétique. Et pour éviter l'amalgame des consommateurs entre génétique et OGM, «il est important d'avoir cet outil de travail avec le conseil de surveillance pour remettre la science au coeur des débats. Nous avons les éclairages des scientifiques, des labos, des chercheurs et je crois que sur la génétique, les semenciers s'investissement énormément. Il nous faut trouver le point d'équilibre entre tous les acteurs». C'est pourquoi le Conseil de surveillance entend mettre la pression, rester attentif, analyser, vérifier et éviter tous points de blocage pour que la recherche avance, et vite car la dérogation de ré-autorisation des NNI est faite pour trois fois 1 an renouvelable.

Des tests grandeur nature

Améliorer la compréhension de la situation sanitaire, suivre et anticiper la pression en pucerons et en jaunisse, tels sont les objectifs de l'INRAE et de l'ITB. Sur la base du réseau d'observations Vigibet, mis en oeuvre depuis 2010 par l'ITB et particulièrement densifié depuis 2019, le plan d'action mettra en oeuvre 4 leviers basés sur l'analyse de données massives : augmenter le nombre de données collectées sur un plus grand nombre de parcelles, et notamment les parcelles en agriculture biologique, enrichir la gamme de données collectées en ajoutant à celles sur la culture elle-même des informations sur la parcelle et son environnement, intégrer les données historiques, s'appuyant notamment sur les jeux de données collectées avant la généralisation des NNI, mobiliser les approches big data et de modélisation pour une analyse plus fine de ces données.

«Il y a plein de bonnes idées et on les applique ici (au pôle du Griffon - NDLR)» a annoncé Julien Dive. «Prévu au départ à 500, le nombre d'hectares dans les fermes pilotes a été multiplié et passera d'ici trois ans à 1500 ha» en conventionnel comme en bio. L'objectif : tout tester en conditions réelles, ce qui permettra aussi de casser certaines idées reçues... «Je pense qu'on est vraiment sur l'exemple concret d'une transition agricole intelligente. La loi de 2016 a interdit les NNI au travers d'un amendement en laissant les exploitants dans des situations d'impasse. Aucune étude d'impact n'avait été réalisée. Interdire et voir ce qui se passera dans trois ans, ce n'est pas la bonne logique. Aujourd'hui, nous travaillons tous ensemble, nous discutons tous autour de la table pour trouver des solutions. Nous sommes sur une démarche d'accompagnement de la recherche, des agriculteurs. Aujourd'hui, c'est valable pour la betterave avec les NNI, demain ça pourra l'être avec d'autres cultures et d'autres solutions» a réagi Julien Dive se félicitant par ailleurs du travail réalisé avec Henri Havard, délégué interministériel qui met en relation les différentes administrations. «Le travail du délégué est de faire en sortie que les arbitrages se prennent, qu'ils soient connus de tous, c'est un travail d'ensemblier».

Abonder un fonds pour passer les crises

La crise de la filière betteraves de ces dernières années restera marquée avec la fin des quotas et la jaunisse de 2020 avec l'interdiction des néonicotinoïdes. Au-delà des alternatives agronomiques et des solutions de biocontrôle, Grégory Besson-Moreau réfléchit sur la possibilité un fonds abondé par l'Etat et les filières qui permette de passer les crises se rapprochant des calamités. Par ailleurs, il souhaite que le sucre soit mieux rémunéré. «Est-ce que sur notre équilibre financier français on ne pourrait pas travailler à une meilleure rémunération du sucre français, vendu sur le marché français. Je travaille sur un projet de loi qui sera défendu dans l'hémicycle au mois de juin. Est-ce que la filière sucre entrera à nouveau dans les Egalim, la betterave entrera dans les Egalim, je ne sais pas, mais c'est pour moi aussi une issue de secours» a insisté le président du Conseil de surveillance, rappelant que l'important dans la recherche d'alternatives, «c'est garder un équilibre financier dans les exploitations agricoles».

Zoom sur le Conseil de surveillance

Le conseil de surveillance, instauré par la loi du 14 décembre 2020, est chargé d'émettre un avis sur ces autorisations temporaires et d'assurer le suivi et l'évaluation de leurs conséquences, notamment sur l'environnement, et de leur incidence économique sur la situation de la filière. Un plan national de recherche et d'innovation doté de 7 millions d'euros, pour un montant global supérieur à 20 MEUR avec les co-financements de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), de l'Institut technique de la betterave (ITB) et des semenciers, permet également de coordonner un effort de recherche sans précédent focalisé sur la jaunisse de la betterave sucrière pour apporter des solutions opérationnelles aux agriculteurs d'ici 3 ans. Il s'articule autour de 4 axes : l'amélioration de la compréhension de la situation sanitaire, l'identification et la démonstration des solutions à l'échelle de la culture, l'identification et la démonstration des solutions de régulations à l'échelle de l'environnement des plantes, des cultures et des paysages et enfin, la transition vers un modèle économique durable. Le conseil de surveillance est également chargé du suivi de cette recherche d'alternatives et de l'état d'avancement du plan de prévention proposé par la filière de la betterave à sucre, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d'exploitation. Le conseil de surveillance, qui se réunit une fois par trimestre, est aidé dans toutes ses fonctions par Henri Havard, délégué interministériel nommé par Emmanuel Macron dont le rôle est de faire le lien entre les ministères et le Premier ministre. Ce conseil doit également remettre chaque année un rapport au Parlement et au gouvernement et suivre l'avancement du plan de prévention mis en oeuvre par la filière de production betteravière. Ce dispositif est applicable depuis le 15 décembre 2020. À l'initiative des sénateurs, pour lutter contre les importations déloyales, le gouvernement peut désormais dans certains cas, en l'absence de mesures européennes, suspendre les importations ou interdire la mise sur le marché français de denrées alimentaires ou produits agricoles qui contreviennent aux règles européennes, notamment sur l'usage de produits phytosanitaires interdits.

 

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