L'Oise Agricole 05 mai 2022 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

«Nous sommes rentrés dans un monde très incertain»

Geoffroy d'Evry, président de l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) et délégué au Comité des syndicats européens de transformateurs de pommes de terre féculière (Cespu), a été élu récemment président du NEPG (Groupe des producteurs de pomme de terre du Nord-Ouest européen). Cet isarien nous parle de la situation et de l'actualité de la pomme de terre.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
Geoffroy d'Evry
Geoffroy d'Evry - © D.A.

Vous êtes à la tête du NEPG (association des producteurs nord-européens de pommes de terre) depuis mars dernier. Pouvez-vous nous, en quelques mots, rappeler à nos lecteurs, ce que sont le NEPG et ses missions ?

Le NEPG regroupe les associations de producteurs de 4 pays (Allemagne, Belgique, Pays -Bas et la France), principalement autour de la pomme de terre pour l'industrie. La mission essentielle du NEPG est l'échange d'informations : l'origine de sa création vient du fait que les liens entre industriels européens de la pomme de terre étaient forts, avec des espaces de dialogue organisés face à des producteurs qui, finalement, n'avaient pas de structure adaptée pour échanger sur les problématiques de production et sur la vision des marchés à l'échelle européenne. Aussi, nous nous réunissons 5 à 6 fois chaque année et, à l'issue de chacune de nos rencontres, nous publions un communiqué de presse. Par ailleurs, nous compilons un certain nombre de panels concernant les surfaces ou sur les volumes produits que nous partageons avec nos membres. Il nous semble important que nous ayons une analyse partagée de l'environnement dans lequel nous évoluons, à la fois économique, mais aussi au niveau des orientations politiques agricoles et environnementales. À ce titre, nous réfléchissons à élargir notre champ d'influence afin de pouvoir faire passer la voix des producteurs de pommes de terre au plus près des instances européennes.

Quel est le contexte actuel de la production de pommes de terre en Europe (évolution des surfaces, chantiers, marchés...) ?

Jusqu'en 2021, nous assistions à une crise de l'offre qui était structurellement excédentaire et ce, malgré une demande qui ne cessait d'augmenter. La crise Covid a mis un coup d'arrêt sur l'ensemble des marchés, mais force est de constater que rapidement, la reprise était au rendez-vous, avec en fer de lance le marché de la frite surgelée. Nous savions que les projections de croissance à moyen terme étaient fortes, mais nous ne pensions pas que cela se produirait dans ce pas de temps. Aussi, à date, nous pouvons affirmer que nous sommes dans une crise de l'offre. Les surfaces de pomme de terre sont en baisse et nous analysons les raisons de ce désengagement : le prix est bien entendu une conséquence, mais pas que : les conditions de production se durcissent et les contraintes de plus en plus fortes, ce qui emmène les producteurs dans une situation à risque beaucoup plus marquée.

La crise en Ukraine a-t-elle des impacts sur les coûts de production et sur les marchés ?

La hausse des coûts de production était déjà initiée avant la crise ukrainienne : celle-ci s'est amplifiée et a disrupté la tendance. Nous assistons à une explosion des coûts de production sur l'ensemble du périmètre du NEPG et notre dépendance énergétique va nous coûter très cher et met notre filière en grand danger : nos exploitations vont avoir des besoins en fonds de roulements très importants, au même titre que nos clients industriels. Les hausses de prix sur les contrats 2022 ne permettront pas de compenser cette envolée et les trésoreries vont être très tendues.

Concernant les marchés, la demande à date reste forte, la Russie et l'Ukraine n'étant pas des clients de premier ordre des frites surgelées. Pour autant, nous sommes rentrés dans un monde très incertain où tout peut changer très rapidement : nous sommes confiants, mais méfiants à la fois.

Quels sont les enjeux pour les producteurs ?

Notre plus grand challenge va de pouvoir continuer à satisfaire nos marchés : comment faire en sorte que les producteurs puissent continuer à produire des pommes de terre, alors même que le prix des autres cultures sont à des niveaux très élevés ? Allons-nous avoir accès aux intrants nécessaires à la production ? Comment allons-nous nous intégrer dans une trajectoire environnementale nécessaire, mais extrêmement contraignante pour notre culture ? Les réponses peuvent être différentes en fonction des pays, mais le constat reste le même : la demande est là.

Quels dossiers défendez-vous en priorité au sein du NEPG ?

Nous regardons avec beaucoup d'attention la déclinaison de la Pac dans chaque état-membre et quels pourront être les impacts du Green deal et de Farm to Fork sur la production de la pomme de terre.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,