L'Oise Agricole 30 novembre 2017 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

Une charte de bon voisinage pour «le bien vivre ensemble»

Après plusieurs concertations, la charte de bon voisinage a enfin été signée. Ce texte va permettre d'éviter aux agriculteurs des conflits de voisinage dans les communes rurales.

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La charte vise à faire connaître la périodicité des travaux agricoles aux habitants.
La charte vise à faire connaître la périodicité des travaux agricoles aux habitants. - © Stéphane Leitenberger

«Mieux se connaitre, c'est mieux se comprendre et mieux se respecter», c'est le mot d'ordre de cette charte de bon voisinage. En effet, le département de l'Oise se caractérise par la diversité de son territoire et de ses activités. La campagne est considérée bien souvent comme un lieu plein de promesse, d'une vie plus agréable et paisible en cohésion avec la nature et l'environnement. Mais la campagne est avant tout un espace dédié aux activités agricoles. À travers ces deux visions, l'alchimie n'est pas souvent au beau fixe. De nombreux conflits s'immiscent entre les agriculteurs et les ruraux.

L'objectif de cette charte permet alors de rappeler les engagements mutuels afin de respecter, non seulement l'activité agricole qui représente un poids économique et culturel important, mais aussi le besoin de tranquillité des nouveaux habitants qui sont à la recherche d'espace, d'un cadre et d'une meilleure qualité de vie.

Après de nombreux mois, la Chambre d'agriculture de l'Oise, le Conseil départemental de l'Oise, Familles rurales, la préfecture, l'Union des maires de l'Oise, la FDSEA60, le Groupement de gendarmerie, les jeunes agricultures et le regroupement des organismes de sauvegarde ont enfin signé ce texte le 21 novembre dernier. L'Oise se dirige de plus en plus vers le «bien vivre ensemble».

Selon Isabelle Barthe, maire de Cernoy, «il est un peu tôt pour dire si la charte sera profitable car il reste maintenant à voir comment nous allons diffuser cette charte et comment nous allons communiquer pour la faire connaître. Cette charte a la vertu de rappeler les règles fondamentales du bien-vivre ensemble dans les communes. Il s'agit de réaffirmer haut et fort par écrit ce qui existe déjà sur le mode de fonctionnement et la bonne conduite que doivent respecter les agriculteurs, les habitants et les maires. L'impact de cette charte sera intimement lié à sa diffusion et la communication qui en sera donnée. Je reste très attentive sur ce point.»

Du côté d'Emmanuelle Delahaye, DDT de l'Oise, «cette charte est une excellente initiative car le constat est général que les nouveaux habitants du monde rural méconnaissent le milieu dans lequel ils vont s'installer et notamment ceux qui y travaillent, les agriculteurs. Ils sont parfois surpris du rythme saisonnier des travaux. Cette charte a le mérite de poser les bases d'un dialogue entre les agriculteurs, les maires et les habitants. Elle permettra une meilleure intégration des nouveaux habitants.»

Quant à Freddy Lalanne, avocat au cabinet SELARL Christophe de Langlade à Compiègne, il ajoute que «la Chambre d'agriculture de l'Oise a bien voulu convier notre cabinet, très impliqué sur les domaines du droit des activités agricoles et de l'espace rural, à participer à des rencontres de réflexion avec des représentants de la société rurale dans toutes ses composantes, afin de participer à la rédaction de cette charte et d'y apporter notre expérience et une approche juridique. Le groupe constitué, avec toute sa diversité, s'est impliqué avec assiduité pour dresser un état des lieux des difficultés du quotidien des relations entre occupants et acteurs du milieu rural. La charte et ses engagements sont issus de cette collaboration : elle se veut un commencement de solution par un partage d'expériences et une mise en perspective des a priori de chacun avec les réalités vécues. Cette charte n'est pas contraignante d'un point de vue juridique mais elle demeure importante. Elle se veut un outil simple et de proximité pour sensibiliser les acteurs du milieu rural à la relation à l'autre et au vivre ensemble. Agriculteurs, mairies et habitants ont normalement conscience des efforts à réaliser et des comportements à tenir pour que le quotidien de chacun soit le plus paisible possible. Toutefois, un rappel ne fait jamais de mal. Tous les moyens facilitant le dialogue, proposant aux personnes des solutions simples et permettant à chacun de prendre du recul sur une situation conflictuelle sont à multiplier. A ce titre, l'Oise est maintenant pourvue d'un instrument de plus et nous pouvons nous en féliciter. L'enjeu maintenant est de communiquer autour de cette charte et je suis ravi de cette publication dans votre journal. La réussite de cette communication est le prochain défi à relever. Je ne suis pas certain qu'il y ait plus de conflits qu'autrefois entre les agriculteurs et les voisins de leurs parcelles. Néanmoins, l'intensité de ces litiges est plus criante et la résolution de ces conflits est différente : ils finissent plus que par le passé par le dépôt d'une plainte ou le passage devant le Tribunal. Il y a certes des difficultés entre agriculteurs et particuliers mais il convient de souligner que les litiges entre agriculteurs et mairies (mobilier urbain qui empêche les matériels agricoles de passer, suppression de chemin...) existent aussi. Les occupants du milieu rural dans leur ensemble ont une plus grande méconnaissance des activités agricoles, des avantages et des nuisances qu'elles peuvent procurer. Cette ignorance n'aide pas à l'apaisement dans les relations quotidiennes : la charte est un remède alors bienvenu et opportun.»

Pour Valérie Draczuk, Familles rurales, «cette charte est très importante afin que les agriculteurs et les ruraux puissent mieux réussir à communiquer. Suite à des accumulations de problèmes, chacun a des mauvaises images de l'autre. À côté de ma profession (je suis coach et formatrice), je m'intéresse beaucoup à l'humain et à la perception de chacun. Il y a parfois une incompréhension autour de ces deux mondes même quand chacun essaye de faire de son mieux. Pour exemple, certains problèmes peuvent être liés à des différences de perception du vocabulaire (pro vs novices). Les mots, les expressions peuvent être compris d'une différente manière. Je donne un exemple au hasard : le mot «tanto» dans l'ouest de la France signifie «à cet après-midi», alors qu'ici il est employé pour dire «à tout à l'heure». Lorsqu'une discussion est lancée entre un agriculteur et une personne lambda, le quiproquo peut très vite s'installer sur des termes mal compris et si chacun reste campé sur ses certitudes. Il y a également le langage non verbal qui peut être mal perçu. Je perçois chez les agriculteurs une grande douleur, ils vivent assez mal qu'on les prenne pour les pollueurs de notre planète alors que depuis plusieurs dizaines d'années, les différents gouvernements les incitaient à produire toujours plus. De leur côté, les néo-ruraux ont souvent un rêve de la campagne assez idéalisé et se retrouvent face à une réalité inattendue.Je pense donc que cette charte va permettre d'atténuer tous ces conflits et surtout être un outil propice à l'instauration d'une communication parfois rompue depuis longtemps. Les maires pourront y avoir recours pour créer du lien et avoir des pistes de solution, car ils sont au centre des conflits. Parfois, ils connaissent le milieu agricole ou non donc la balance pour pencher vers l'une des personnes. Avec ce texte, cela sera plus compréhensible. Mais cela doit marcher dans les deux sens, il faut que l'agriculteur et le citadin fassent chacun un pas l'un vers l'autre. Pour ma part, cette charte est un premier pas primordial, mais ne va pas régler tous les problèmes, comme par magie. C'est un début au dialogue, à la communication afin d'améliorer la vie de chacun. Il faudra donc la retravailler régulièrement pour corriger et perfectionner cette charte. Et pourquoi pas, créer dans l'avenir une application numérique dans le même principe ? Sur la base du volontariat, l'agriculteur ou le maire pourrait ainsi émettre une notification afin de donner l'endroit et l'heure de son activité pour permettre aux personnes concernées de prendre les précautions nécessaires. En tout cas, je tiens à remercier la chambre d'Agriculture pour cette initiative qui amorce un vrai changement dans les rapports entre agriculteurs et les riverains ruraux récents ou de plus longue date.»

Pour Régis Desrumaux, il faut passer par la communication «depuis des années, on constate un changement considérable dans nos campagnes. On est de moins en moins d’agriculteurs, d’éleveurs et de plus en plus de personnes choisissent de s’installer dans les campagnes pour trouver une tranquillité de vie ou bien c’est en fonction des prix des logements. Mais ces derniers oublient notre manière de travailler. Il faut savoir que l’activité principale dans les campagnes est l’agriculture. C’est une économie importante, connue et surtout primordiale. Dès lors, cette charte explique très bien notre travail agricole. Et il est vrai qu’il faut instaurer un dialogue entre nous, les agriculteurs, et les ruraux, mais également les maires. Car cette charte est aussi un outil de négociation, en effet, elle va permettre d’éclairer les personnes et les élus sur notre activité et cela va se conclure par moins d’arrêtés municipaux parfois inutiles. On est loin d’être contre et on est conscient de l’utilité de cette charte. Même s’il n’y avait aucun représentant ou institution agricole, ce texte aurait existé. Il est nécessaire et il va permettre d’entamer le dialogue afin que l’on puisse mieux se comprendre et mieux vivre.»

 

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