L'Oise Agricole 17 novembre 2022 a 08h00 | Par Églantine Puel

De l'eau facile à l'eau fragile

Après deux ans de travail, le Ceser (Comité économique, social et environnemental réginal) des Hauts-de-France a rendu son rapport sur l'eau dans la région. Le constat n'est pas bon, ni qualitativement ni quantitativement, notamment après l'été qu'on vient de passer.

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En 10 ans, dans la région, le nombre d'exploitations agricoles a baissé de 10 % dans les zones humides, et la surface agricole utile (SAU) est passée de 13 à 10 %.
En 10 ans, dans la région, le nombre d'exploitations agricoles a baissé de 10 % dans les zones humides, et la surface agricole utile (SAU) est passée de 13 à 10 %. - © © stock.adobe

«C'est sans doute un des rapports les plus complets qui ait pu être fait sur le sujet», affirme Déborah Closset-Kopp, vice-présidente du Ceser des Hauts de France et présidente de la commission environnement de ce dernier. On veut bien la croire.

Après deux ans de travail, de compilation de données éparpillées dans diverses institutions, de recoupages et comparaison de chiffres et d'études de terrain, ce sont plus de 160 pages dédiées à l'eau que l'on peut lire. Malgré sa réputation de région humide, les Hauts-de-France sont en train de se faire rattraper par le dérèglement climatique. Comme le dirait le président du Ceser, Laurent Degroote : «Nous sommes passés de l'eau facile à l'eau fragile.»

Le rapport dresse ainsi 31 scénarios prédictifs et donne 46 préconisations à mettre en place pour éviter qu'ils ne se réalisent.

Un constat en chiffres

Les Hauts-de-France tirent 95 % de leurs besoins en eau potable des eaux souterraines de la région. C'est-à-dire dans les 17.000 km2 de nappes phréatiques qui se trouvent sous nos pieds. «En fait, nous avons assez peu d'eau de surface. Il est aussi intéressant de savoir que ces 17.000 km2 se trouvent sous seulement 53 % de la surface de la région. Cela veut dire que toute l'autre moitié doit faire venir l'eau», explique Déborah Closset-Kopp.

Or, ces nappes se rechargent de plus en plus mal et ce, pour plusieurs raisons : artificialisation des sols, diminution des zones humides et des prairies permanentes, vecteurs de l'eau vers les nappes phréatiques, et, bien sûr, le réchauffement climatique.

Aussi, selon les scénarios, le dérèglement climatique pourrait faire diminuer la recharge annuelle des masses d'eau dans la région de 6 à 46 %. Lors d'une année normale, les précipitations dans la région oscillent entre 630 et 810 mm/an. À savoir que «sur 100 % de pluie, 9 % parviennent à atteindre les nappes quand les sols le permettent», indique Emma Haziza, hydrologue.

Mais là aussi, la région n'est pas au mieux de sa forme : les prairies permanentes n'occupent que 9 % du territoire, les zones à dominante humide 5 %, soit trois fois moins que la moyenne nationale. Dans ces zones, en 10 ans, le nombre d'exploitations agricoles y a baissé de 10 %, et la surface agricole utile (SAU) est passée de 13 à 10 %.

Quid de la consommation d'eau ?

En 2019, 704 millions de m3 d'eau ont été prélevés pour les activités humaines dans les Hautsde-France. Le plus gros poste de consommation est l'alimentation en eau potable avec 393 millions de m3, en baisse de 2 % par rapport en 2012.

Le second consommateur est l'industrie avec 228 millions de m3, en hausse de 16 % en 10 ans. L'agriculture arrive en troisième position, avec 83 millions de m3 prélevés, mais c'est le secteur qui connaît la plus forte hausse par rapport à 2012 : + 181 %.

Qualité en baisse

Voilà pour la quantité. Côté qualité, la situation est tout aussi préoccupante : seules 24 % des masses d'eau régionales sont en bon état écologique (période 2013-2015). En 40 ans, la teneur en nitrates des nappes souterraines s'est dégradée. Elle oscille désormais entre 25 et 50 mg/l, seuil de potabilité de l'eau.

Par ailleurs, les réseaux d'eau potable et d'assainissement sont en piteux état, avec un taux de fuite moyen du réseau d'eau potable de 20 %. De plus, le rapport indique qu'«au taux de renouvellement actuel, le réseau d'eau potable devra résister 160 ans et celui d'assainissement 280 ans en moyenne, ce qui est techniquement impossible compte tenu du fait que la durée de vie moyenne des réseaux est estimée à 70 ans».

Eau et agriculture

Le scénario retenu par le Ceser, si les pratiques agricoles restent les mêmes, n'est pas, lui non plus, réjouissant. Selon ce scénario, l'enjeu pour l'usage agricole de l'eau pourrait être celui de l'adaptation à trois défis simultanés : le changement climatique à l'échelle des Hauts-de-France, le système économique agricole à l'échelle mondiale et à l'évolution locale de la ressource en eau.

De fait, face à cette combinaison, si rien ne change, on constaterait que «sur les territoires de plaines et de plateaux, la surface des parcelles agricoles augmenterait sous l'effet de l'intensification des productions. Les sols se dégraderaient : érosion, assèchement et perte de matière organique». Sur ces espaces, «le besoin en eau augmenterait concomitamment pour maintenir des cultures d'exportation mondiale (type blé, maïs, etc.). (...) Dans les zones géographiques moins propices aux grandes cultures, les prix mondialisés réduiraient la part de l'élevage et fragiliseraient l'ensemble du tissu agricole de ces territoires. Ce phénomène entraînerait une transformation de la destination des terres (...) avec pour certains secteurs la poursuite des retournements des prairies pour produire des céréales ou des pommes de terre sous contrat». Conséquences : de nombreux captages d'eau, même de mauvaise qualité, continueraient à fonctionner pour amener de l'eau non conventionnelle là où elle n'existe pas. Les captages d'eau sur les plateaux, pollués, ne seraient plus raccordés au réseau d'eau potable et les retenues se seraient démultipliées. Les espaces agricoles moins propices aux grandes cultures seraient soutenus financièrement pour leur rôle dans la protection de la qualité de l'eau.

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