L'Oise Agricole 01 octobre 2020 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

Jaunisse : les agriculteurs ne demandent pas un chèque en blanc

À l’initiative du Syndicat betteravier de l’Oise, alors que le projet de dérogation d’utilisation des néonicotinoïdes va arriver à l’Assemblée nationale, les parlementaires étaient conviés chez Vincent Cavrois, à Estrées-Saint-Denis.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
Devant des betteraves plus ou moins grosses selon qu’elles sont atteintes ou non par la jaunisse. De gauche à droite : Alexis Hache, Vincent Cavrois, Agnès Cochu et Claude Souiller, Grégoire Langlois-Meurinne, Thierry Bourbier et Régis Desrumaux, Louis Bricout, Olivier Paccaud et Pierre Vatin.
Devant des betteraves plus ou moins grosses selon qu’elles sont atteintes ou non par la jaunisse. De gauche à droite : Alexis Hache, Vincent Cavrois, Agnès Cochu et Claude Souiller, Grégoire Langlois-Meurinne, Thierry Bourbier et Régis Desrumaux, Louis Bricout, Olivier Paccaud et Pierre Vatin. - © Dominique Lapeyre-Cave

La présentation des arguments des betteraviers s’est réalisée en deux temps, d’abord pour Olivier Paccaud, sénateur, et Pierre Vatin, député de la 5e circonscription, puis pour Pascal Bois et Carole Bureau-Bonnard, députés respectivement des 3e et 6e circonscriptions, leurs emplois du temps ne leur permettant pas d’être tous à 14 heures sur place le vendredi 25 septembre. Pour les accueillir, Alexis Hache, du Syndicat betteravier de l’Oise, accompagné de Louis Bricout, de Grégoire Langlois-Meurinne, représentant les planteurs Tereos de Chevrières, Didier Ledent, entrepreneur de travaux agricoles, Thierry Bourbier, de la Chambre d’agriculture, et Régis Desrumaux pour la FDSEA de l’Oise. Agnès Cochu et Claude Souiller, de la DDT, Emmanuel Pigeon et Henri Faes, du Syndicat betteravier, et Thomas Nuytten, nouveau directeur betteravier de Saint Louis Sucre, complétaient les présents.

Alexis Hache l’affirme d’entrée de jeu : «Le problème n’est pas les pucerons, mais bien les virus de la jaunisse qui sont portés par ces derniers. Cette année, en plus des levées hétérogènes et de l’impact de la sécheresse, c’est bien la jaunisse qui va être le premier facteur limitant du rendement. En témoignent ces betteraves que nous venons d’arracher dans la parcelle : on voit tout de suite que celles qui ont la jaunisse sont deux fois plus petites. On peut estimer la perte à 50 %, soit 1.000 €/ha de chiffre d’affaires en moins», se désole-t-il.

Cette mauvaise année risque d’avoir des conséquences sur les emblavements 2021, des producteurs pouvant réduire leurs surfaces, voire ne plus semer de betteraves. Et là, c’est toute la filière qui peut s’effondrer en une année : des entrepreneurs qui ont des chantiers d’arrachage en moins, des semenciers qui vendent moins de graines, et des usines qui tournent moins longtemps alors que la suppression des quotas visait à augmenter leur rentabilité en augmentant la durée de campagne.

Une filière en danger

Déjà, cette année, les industriels ont démarré leurs usines plus tard et ils s’attendent à arrêter plus tôt faute de volumes à traiter. «Cela peut aller très vite et nos industriels sucriers peuvent ne pas se remettre d’une telle situation. Et quand une usine ferme, c’est pour toujours», insistent les agriculteurs devant les parlementaires. Sans compter l’impact sur l’élevage qu’aurait la baisse de la production betteravière : moins de betteraves, moins de sucre et moins de pulpes, aliment indispensable à de nombreux troupeaux.

L’interdiction des néonicotinoïdes, présentés comme des «tueurs d’abeilles», n’a pas de sens sur une culture comme la betterave qui, justement, n’a pas fleurs. Et c’est dans l’enrobage que le produit était mis jusqu’à maintenant, avec une demi-vie de 100 jours et une disparition totale au bout de 2 ans. «Il faut arrêter de présenter le dossier de façon trompeuse comme on l’entend parfois. Non, il n’y a pas d’abeilles dans les champs de betteraves ! Non, on ne fait pas de monoculture de betteraves et oui, des recherches d’alternatives aux néonicotinoïdes sont en cours depuis de nombreuses années, notamment par la création de variétés résistantes à la jaunisse», clament les responsables agricoles. D’ailleurs, les apiculteurs professionnels pointent le varroa, le manque de nourriture l’hiver et les mauvais soins aux colonies comme les principales causes de la mortalité des abeilles, avant les produits phytosanitaires.

Les agriculteurs sont bien conscients de la situation et ne demandent pas un chèque en blanc avec la dérogation à l’interdiction. Juste le temps que la recherche trouve les solutions. Si 75 à 80 % des semences de betteraves sont traitées, cela assurera la protection de toutes les surfaces. De toute façon, cette dérogation ne porterait que jusque 2022, le temps peut-être de trouver d’autres solutions, ce à quoi les agriculteurs sont prêts à s’engager. «Nous sommes d’accord pour ne pas implanter de plantes mellifères derrières les betteraves, pour réduire les phytos, ce que nous faisons déjà»

Une désorganisation des marchés

Si la filière betteraves venait à s’effondrer, c’est une remise en cause des équilibres entre production qui se produirait. Vers quelles autres cultures se reporteraient les producteurs ? En terme d’outils industriels, quelle casse sociale face à des usines de moins en moins rentables ? Et puis, quel sucre serait importé pour compenser la baisse de production française ? Et cela alors que d’autres pays européens accordent des dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes à leurs producteurs. Une vraie distorsion de concurrence au sein-même de l’Union européenne.

Ce qui est sûr, c’est qu’il faut que cette dérogation soit signée avant le 15 décembre si les semenciers veulent avoir le temps d’enrober les graines pour les semis de mars 2021. Une course contre la montre est engagée dont sont conscients les parlementaires de l’Oise présents à la journée. Ils affirment avoir bien compris les risques de voir maintenue l’interdiction des néonicotinoïdes et ses conséquences sur la filière betteraves, essentielle pour nos régions et pour l’autonomie sucrière de la France.

Sans oublier que la filière est inscrite dans le plan de relance économique puisqu’elle produit du bio-éthanol, indispensable à la transition énergétique, et du gel hydroalcoolique, bien apprécié en cette période de crise sanitaire et de respect des gestes barrière. Une dérogation temporaire plus que nécessaire.

Une application pour recenser les parcelles de betteraves

La CGB est pleinement mobilisée pour trouver des solutions aux conséquences de la crise sanitaire de la jaunisse : dérogation législative pour l’utilisation de semences enrobées, financement de programme de recherche sur les solutions alternatives et indemnisation des pertes sur la récolte 2020.

Avec l’appui de la start-up MyEasyFarm, la CGB et les autres membres de l’AIBS (interprofession) ont créé un outil numérique afin de collecter des photos de toutes les parcelles de betteraves 2020, qu’elles montrent la présence de jaunisse, de sécheresse ou qu’elles soient saines.

Ces photos prises sur le terrain vont permettre dans un premier temps de géolocaliser toutes les parcelles et de récupérer dans un deuxième temps les images satellites de la parcelle entière grâce à la géolocalisation. Cette démarche est très importante pour la conduite du dossier au niveau national.

Cet outil, conçu pour être simple et rapide, est accessible via le lien Internet suivant : https://aibs.myeasyfarm.com de préférence avec un smartphone ou bien avec un ordinateur.

Contact : info-adherent@cgb-france.fr

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,