L'Oise Agricole 21 juillet 2022 a 09h00 | Par YG

L'Anses recommande de réduire les nitrites dans l'alimentation

L'Anses a publié, le 12 juillet, son avis sur les nitrites et nitrates dans l'alimentation, plaidant pour leur réduction, notamment dans la charcuterie. Ce rapport, très attendu et plusieurs fois reporté, doit servir de base à une «trajectoire de baisse» que doit fixer le gouvernement.

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La charcuterie représente entre 42 et 63 % de l'exposition aux nitrites.
La charcuterie représente entre 42 et 63 % de l'exposition aux nitrites. - © Bertrand Nicolas

Dans un avis publié le 12 juillet, l'Anses «préconise de réduire l'exposition de la population aux nitrates et nitrites par des mesures volontaristes en limitant l'exposition par voie alimentaire». Attendu de longue date et plusieurs fois retardé, ce rapport doit servir de base au gouvernement pour fixer une «trajectoire de baisse» de l'utilisations de ces substances. Présents dans l'eau et les fruits et légumes, et utilisés comme additifs dans les charcuteries, les nitrites et nitrates se transforment dans l'organisme en composés nitrosés «préoccupants» pour la santé publique.

Après avoir analysé 187 études, l'Anses confirme une «association positive» entre ces substances et un risque accru de cancer colorectal. D'autres cancers (organes digestifs, sein, vessie, prostate, etc.) font l'objet d'une « association suspectée », autrement dit attestée par une seule étude.

Risque de cancer, mais exposition limitée

En termes d'exposition toutefois, selon les données de l'étude Inca, seuls 1,5 % des adultes dépassent la dose journalière admissible (DJA) en nitrates, et 0,4 % des enfants sont au-delà de celle fixée pour les nitrites. Des dépassements qui disparaîtraient si les recommandations du PNNS étaient appliquées (150 g maximum de charcuterie par semaine pour un adulte). Les additifs présents dans les charcuteries représentent, selon la consommation, entre 42 et 63 % de l'exposition aux nitrites, d'après le rapport.

Supprimer les nitrites dans les produits en contenant le plus (jambon cuit, saucisses et saucissons cuits) permettrait aussi d'éviter tout dépassement de la DJA. Concernant la réduction des nitrites et nitrates comme additifs, l'agence sanitaire «considère qu'elle peut être envisagée moyennant la mise en oeuvre de mesures compensatrices» afin de limiter le risque microbiologique. Ces additifs sont utilisés notamment pour «inhiber la croissance des bactéries pathogènes», rappelle Laurent Guillier, chef de projet scientifique à l'unité d'évaluation des risques liés aux aliments.

Comment compenser la réduction des nitrites et nitrates ? Selon le chercheur de l'Anses, en «travaillant sur la réduction de la DLC (date limite de consommation, NDLR)» pour les jambons cuits, ou sur la maîtrise du procédé pour les jambons secs. Pour les saucissons secs, en revanche, «les leviers sont assez compliqués à trouver pour les industriels», note-t-il, ce qui impliquerait un plan de lutte contre les salmonelles dans les élevages et les abattoirs.

La piste des bouillons riches en nitrates écartée

Une autre piste est, elle, écartée par l'Anses : l'utilisation de bouillons riches en nitrates en remplacement des sels nitrités, dans des jambons estampillés «sans nitrite ajouté». «Cette alternative n'en est sans doute pas une, car les nitrates vont être transformés en nitrites dans l'organisme, explique M. Guillier. Le consommateur reste exposé à des niveaux probablement similaires qu'en consommant un jambon avec additif.»

Au niveau européen, alors que les nitrites et les nitrates font l'objet de deux DJA distinctes, l'Anses propose une «réflexion» sur une DJA commune «prenant en compte la co-exposition». «Ce qui importe, c'est l'effet cumulé des nitrites et des nitrates», explique Matthieu Schuler, le directeur général délégué du pôle Sciences pour l'expertise. Toutefois, en l'absence de DJA commune, l'Anses ne remet pas en cause les DJA actuelles, fixées par l'EFSA(1).

Plan d'actions à l'automne

Réagissant dans un communiqué commun du 12 juillet, la Fict (charcutiers industriels) et la CNCT (artisans charcutiers) soulignent qu'«à aucun moment l'interdiction des nitrites et nitrates dans les charcuteries n'est envisagée» dans l'avis de l'Anses.

«L'usage des nitrates et nitrites aux doses autorisées n'est pas remis en cause par l'Anses», martèle le président de la CNCT Joël Mauvigney, cité dans le communiqué. Et les professionnels d'ajouter qu'ils «respecteront à la lettre comme ils l'ont toujours fait toutes les préconisations des autorités sanitaires et scientifiques officielles».

Alors que l'agence sanitaire recommande de réduire l'utilisation des nitrites et nitrates comme additifs, «les artisans et les entreprises de charcuterie ont déjà volontairement réduit, depuis 2016, de 40 % les quantités maximales», rappellent les deux organisations. De son côté, le gouvernement estime que la situation «ne justifie pas une interdiction stricte de l'utilisation des nitrites», d'après un communiqué des ministères de l'Agriculture et de la Santé. «Compte tenu des habitudes de consommation des Français, 99 % (adultes et enfants) de la population ne dépasse pas les doses journalières admissibles.» Par ailleurs, comme le rappelle Matthieu Schuler, de l'Anses, «c'est la Commission européenne qui est compétente pour autoriser ou non des additifs alimentaires.» Les ministères indiquent qu'ils s'apprêtent à lancer un «plan d'actions coordonné», pour «limiter leur utilisation au strict nécessaire». Une mesure prévue par la proposition de loi sur la réduction des additifs nitrés adoptée début février.

Après une première réunion avec les «acteurs techniques des filières» en juillet, le gouvernement présentera ce plan au Parlement «à l'automne».

 

(1) 3,7 mg par kg de poids corporel et par jour pour les nitrates ; 0,07 mg par kg de poids corporel et par jour pour les nitrates pour les nitrites.

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