L'Oise Agricole 06 avril 2024 a 08h00 | Par Eglantine Puel

La consommation de bio en cinq questions

En 2020, l'association A Pro Bio réalisait une «enquête consommateurs» auprès des habitants des Hauts-de-France. Elle a renouvelé l'opération en 2023 pour observer l'évolution des habitudes de consommation bio et une chose est claire : l'inflation a fait du mal.

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La filière le répète depuis plusieurs mois : la consommation de bio est en berne. L'association A Pro Bio, qui avait réalisé une «enquête consommateur» en 2020 auprès d'un échantillon représentatif d'habitants des Hauts-de-France, renouvelle cette enquête en 2023.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le contexte inflationniste a eu de réels effets sur la consommation de bio pour les habitants des Hauts-de-France. Si quatre habitants sur cinq consomment des produits alimentaires biologiques, au moins occasionnellement, on note une baisse drastique de cette consommation. Ainsi, en 2020, 6 % des répondants déclaraient ne pas consommer de bio contre 15,7 % en 2023. Parallèlement, le pourcentage de personnes indiquant consommer du bio tous les jours passe de 29 % à 11,3 %.

Qui mange bio ?

Selon l'étude, les consommateurs bios sont surreprésentés parmi les catégories socioprofessionnelles supérieures. En effet, parmi les cadres, 21 % déclarent consommer bio tous les jours et 51,4 % au moins une fois par mois. Au total, ce sont donc 72,4 % des cadres qui consommeraient bio au moins une fois par semaine, contre 56,8 % en moyenne dans la région.

A contrario, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise sont 29,2 % à dire qu'ils ne consomment jamais bio. La catégorie avec la part de consommation de produits bio la plus faible est celle des inactifs, avec 20,9 % d'entre eux indiquant ne jamais consommer bio. Cela dit, 14 % des étudiants déclarent manger des produits bios tous les jours et seuls 5 % d'entre eux disent ne jamais en consommer, et ce malgré un pouvoir d'achat faible.

Aussi, la consommation est globalement la même selon l'âge, même si on note une fréquence de consommation plus importante chez les plus jeunes. Par exemple, 13 % des 25-34 ans consommeraient du bio tous les jours contre 8 % des 65 ans et plus.

Si l'on regarde ensuite «l'ancienneté de consommation bio», on constate qu'un tiers des habitants des Hauts-de-France consommeraient des produits bios depuis 2-3 ans. Pour Raphaël Faucheux, directeur du magasin Harmonie nature à Lille, «cette majorité d'ancienneté de 2-3 ans est inquiétante car c'est jeune ! Cela veut dire, soit, qu'on a perdu des clients, soit qu'il y a un manque de renouvellement des clients ou alors une forte volatilité».

Où mange-t-on bio ?

Ensuite, si l'on regarde par départements, on mangerait un peu plus fréquemment des produits bios dans l'Oise (64,2 % au moins une fois par semaine) que dans l'Aisne (40,9 %). Pour le Nord et le Pas-de-Calais, on tourne autour de 60 % d'habitants qui consomment bio au moins une fois par semaine et ce pourcentage s'élève à environ 50 % pour la Somme.

Quant aux lieux où les consommateurs achètent bio, les hypers et supermarchés restent en tête du classement, quel que soit le type de produit.

Que mange-t-on bio ?

Mais justement, en fonction des produits, les consommateurs vont plus ou moins privilégier le bio et parfois même lui préférer le local. Cela dit, les acheteurs bios sont aussi ceux qui accordent le plus d'importance à l'achat de produits locaux. Si on résume : ils ont tendance à acheter le plus possible bio et local. Alors que pour les acheteurs non-bios, le local l'emporte.

Les oeufs, les légumes et les fruits sont plébiscités en bio tandis que le pain frais ou les plats préparés pas vraiment. Mais, si on demande au consommateur quelle importance il accorde au local selon les produits, certes les oeufs et les légumes arrivent en tête, mais le pain arrive juste derrière. «Cela peut s'expliquer par le fait que lorsqu'on achète du pain frais, on va aller chez son boulanger de quartier, même s'il n'est pas bio», avance Annabel Atger, chargée de mission chez A Pro Bio.

Pourquoi ne mange-t-on pas bio ?

Sans surprise, le principal frein à l'achat de bio est le prix (voir infographie). Entre 2020 et 2023, le pourcentage de personnes indiquant que le prix est «souvent» un frein à l'achat de bio est passé de 32 à 45 % (54 % pour les familles avec un enfant). Quant à ceux pour qui le prix n'est pas un frein, ils étaient 12 % en 2020 contre 5 % en 2023.

La principale raison avancée est la non-possibilité d'augmenter son budget alimentaire (passé de 45 à 58 %). Ensuite, une part non négligeable des répondants indique ne pas vouloir augmenter ce poste de dépenses (de 25 à 31 %). Mais à côté de cela, si en 2020, 45 % des répondants (pour cette partie, ce sont les personnes n'achetant pas bio qui ont été interrogées) invoquaient ne pas être prêts à mettre un tel prix pour certains produits bios, ils ne sont plus que 20 % en 2023. Autrement dit «ils comprennent mieux pourquoi le bio est plus cher mais ils ne peuvent/veulent plus se le permettre», résume Raphaël Faucheux.

L'étude montre un report des dépenses alimentaires vers les produits locaux. Ainsi, le budget alloué aux produits locaux a augmenté pour plus de la moitié des répondants. Il a également augmenté pour les produits bios, mais de manière moins importante.

Autre frein, les consommateurs doutent que les produits soient complètement bios. La faute à la multiplicité des labels ? À la non-transparence de certaines filières ? Une chose rassurante pour la bio, le label AB est celui qui remporte le plus la confiance auprès des répondants. Les marques régionales des Hauts-de-France ont aussi un franc succès. «Il semble qu'il y ait parfois une confusion entre local et bio», avance néanmoins Élodie Spenninck, responsable des achats de l'entreprise Spenninck, grossiste spécialisé en bio.

Quel avenir pour la bio ?

Face à ces différents constats, une question s'impose pour la filière bio : comment redonner du souffle à nos produits ? Ça tombe bien, les répondants ont des idées. La première chose à mettre en place selon eux est la multiplication de paniers solidaires. Ensuite, ils plébiscitent plus de vente directe, plus de transparence sur les prix, plus de saisonnalité, plus de vrac et enfin une plus large gamme de produits en région.

Les habitants réclament aussi de voir plus de bio dans la restauration, aussi bien collective que dans les restaurants. «En fait, on voit ici que l'alimentation est perçue comme une nécessité, voire une contrainte», soupire Élodie Spenninck. Pour Raphaël Faucheux, il faut que la filière bio revienne sur ses fondamentaux : «Goût, santé, écologie et il ne faut pas les dissocier. C'est comme ça qu'on arrivera à reconquérir des consommateurs.»

Cette enquête a été réalisée entre le 27 avril et le 12 mai 2023, sur un échantillon représentatif de 1.000 habitants des Hauts-de-France âgés de 18 ans et plus.

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