L'Oise Agricole 20 novembre 2025 a 09h00 | Par Charlotte Bayon

Bio : le Danemark, un modèle européen cohérent

Avec plus de 11 % de produits bio dans l'alimentation et une croissance soutenue en restauration hors domicile, le Danemark s'impose comme une référence européenne en la matière. Un statut soutenu par une politique transpartisane et durable dans laquelle les politiques publiques et les filières marchent main dans la main.

Abonnez-vous Reagir Imprimer
Clément Lepeule, consultant et associé chez AND International.
Clément Lepeule, consultant et associé chez AND International. - © Clément Lepeulle

Alors que la France peine à atteindre les objectifs de la loi Égalim, certains pays européens prouvent que la restauration hors domicile, notamment la restauration collective, peut être un moteur de développement du bio. Clément Lepeule est consultant associé chez AND International, un bureau d'études spécialisé dans l'économie des filières agricoles, alimentaires et de la pêche, qui travaille également pour le compte de l'Agence bio. Depuis quinze ans, il étudie les dynamiques européennes du marché biologique. Selon les données d'AND International, la valeur de la consommation bio dans l'Union européenne a triplé en treize ans, pour atteindre 46,5 milliards d'euros (MdEUR) en 2023. L'Allemagne reste la locomotive européenne, avec 17 MdEUR de ventes, devant la France (12 MdEUR). Mais le Danemark se distingue par la plus forte part de marché du bio en Europe : 11,6 % des achats alimentaires sont issus de l'agriculture biologique. Le pays incarne donc un modèle stable et solide. La restauration hors domicile, notamment la restauration collective, est l'une des composantes principales de cette consommation en bio.

«Pas de controverse sur le bio»

Au Danemark, la restauration collective joue un rôle central : en 2024, la consommation de produits biologiques dans la restauration hors domicile a progressé de 13 %. «L'agriculture biologique fait partie de l'identité danoise depuis longtemps, avec un soutien transpartisan très fort», assure Clément Lepeule. «Il n'y a pas de controverse sur le bio, il est associé à la santé humaine et environnementale.» Une stabilité politique qui s'associe également à une organisation efficace entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Le bio représente 14 % des produits alimentaires consommés en restauration, publique comme privée. En France, ces parts restent modestes : environ 6 % en restauration collective et 1 % en restauration commerciale. Pour Clément Lepeule, la restauration collective constitue «un levier majeur, car elle se trouve entre les mains de la puissance publique» : un canal qui permet de lier les politiques de soutien aux agriculteurs bio à la consommation finale. En France, la restauration collective représente près de 60 % de la valeur des achats de produits bio en restauration, soit environ 850 millions d'euros. «Mais encore faut-il que la politique soit suivie d'effets. La puissance publique peut agir sur l'ensemble de la chaîne, mais cela nécessite une vraie cohérence et une mise en oeuvre concrète», explique-t-il.

Soutenir les producteurs bio

En France, la loi Égalim impose 20 % de produits bio dans les repas servis par la restauration collective. Mais dans les faits, la moyenne avoisine les 6 à 8 %. «Il faut un meilleur alignement des politiques à tous les niveaux, ce qui passe par un renforcement de cette loi dans un premier temps», estime Clément Lepeule. Selon lui, le millefeuille territorial, composé de communes, départements et régions, complexifie, lui aussi, les décisions nationales et les approvisionnements. Le panel européen en matière de restauration collective invite à un autre constat : «La France est l'un des seuls pays à ne pas avoir maintenu de soutien spécifique au maintien de la culture biologique», rappelle-t-il. La disparition de cette aide dans la nouvelle Pac a ainsi fragilisé de nombreux producteurs, pour lesquels les dispositifs de compensation n'ont pas suffi. «Cela crée une distorsion avec nos voisins européens, qui soutiennent davantage leurs filières biologiques.» Pour le consultant, la relance du bio en France passera par le renforcement de la production et la structuration des débouchés collectifs. «Sans marchés stables, les conversions ralentissent. Mais sans producteurs soutenus, l'offre locale se réduit. C'est tout l'enjeu de cohérence qu'incarne aujourd'hui le modèle danois», conclut-il.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,