Le gouvernement assouplit sa position sur le glyphosate
Le 25 septembre, le Premier ministre a exprimé la volonté du gouvernement de «trouver les conditions d’une transition raison-nable vers la sortie du glyphosate».

«Le Premier ministre a demandé au ministère de l’Agriculture et de l’alimentation et au ministère de la Transition écologique et solidaire de lui présenter - avant la fin de l’année et en fonction des conclusions des États généraux de l’alimentation - les conditions d’un plan de sortie du glyphosate, compte tenu de l’état de la recherche et des alternatives disponibles pour les agriculteurs», a fait savoir un communiqué de Matignon, le 25 septembre.
Pour la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, cette communication «décrispe» la position initiale du gouvernement. «Les termes ont légèrement évolué. On parle maintenant de plan de sortie du glyphosate compte tenu de l’état de la recherche et des alternatives.» Elle rappelle que, sans alternative, interdire le glyphosate en France conduirait l’agriculture dans une impasse.
D’autant que les agriculteurs sont déjà engagés dans une réduction de l’usage des produits phytosanitaires, dans le cadre du plan Ecophyto 2 qui prévoit - 25 % des usages en 2020 et - 50 % en 2025.
Nicolas Hulot sur la même ligne
Pour justifier le besoin de visibilité et de transversalité du secteur agricole, la présidente de la FNSEA, qui était reçue le même jour par le ministre de la Transition écologique et solidaire, a rappelé à ce dernier plusieurs incohérences : parler d’interdiction du glyphosate en France, la même semaine où l’accord Union européenne/Canada (Ceta) entre provisoirement en vigueur, laissant la possibilité à quarante-six substances interdites en France d’entrer sur le territoire ; interdire le glyphosate alors que la France fait partie des pays moteurs dans le «4 pour 1 000», qui a besoin de cette molécule pour se passer du labour et stocker davantage de carbone dans les sols ; ou encore confier, en 2014, les autorisations de mise en marché à l’Anses, mais balayer son avis lorsque l’agence juge que le glyphosate n’est pas cancérigène. «Nous allons demander au président de l’Anses de rappeler sa position», a, par ailleurs, indiqué Christiane Lambert.
Cette dernière estime cependant que «Nicolas Hulot a senti qu’une interdiction sèche au 1er janvier 2018 n’est pas tenable». Si cette position convient davantage aux agriculteurs, Christiane Lambert précise ne pas avoir d’informations concernant le calendrier. Le communiqué de Matignon rappelle seulement que «le gouvernement réaffirme son engagement d’obtenir, avant la fin du quinquennat, des progrès significatifs vers l’interdiction de l’usage des substances dangereuses et vers une agriculture moins dépendante aux pesticides».
Avant de se rétracter, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, avait quant à lui déclaré le matin même que la France «veut aller plus loin», évoquant sur BFM TV une sortie avant 2022. Il a par la suite rectifié cette déclaration auprès de l’AFP, s’en tenant aux propos de Matignon. En novembre, la France va ce-pendant voter contre la ré-autorisation pour dix ans du glyphosate, «une durée trop longue compte tenu des incertitudes qui subsistent sur ce produit», indique le communiqué du Premier ministre. Mais, pour Christiane Lambert, «il est hors de question que l’Europe dise oui et que la France dise non ! Emmanuel Macron a dit qu’il n’y aurait pas de distorsion. Nous saurons lui rappeler», a-t-elle ré-affirmé.
La nécessité d’un débat plus raisonné
«Nous évaluons le coût d’une interdiction de cette molécule à 976 millions d’euros pour le seul secteur agricole», indique une note de la Fondation Concorde, publiée en juillet 2017, et étudiant les impacts de l’interdiction du glyphosate. Le 20 septembre, les points clés de cette note ont été présentés par Olivier Babeau, vice-président de la Fondation et coordonnateur de l’étude. Premièrement, le glyphosate s’avère, en l’état actuel des choses, irremplaçable sans surcoût, au niveau financier comme environnemental.
En effet, une seule application de la molécule est nécessaire contre plusieurs pour d’autres désherbants, tous moins performants. Le produit permet également de ne traiter que les mauvaises herbes présentes et développées. L’alternative du désherbage mécanique est, en revanche, coûteuse en temps, en ressources et en émission de CO2, d’autant plus que plusieurs pas-sages sont nécessaires. Par ailleurs, le glyphosate permet de réduire le labour, rappelle la Fondation Concorde. Or, le sans labour limite l’érosion du sol, réduit les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie. Au coût général de la fin du glyphosate pour l’agriculture, chiffré par Arvalis à 976 millions d’euros, s’ajouteraient donc des problèmes de tassement des sols liés à l’augmentation du nombre de passages mécaniques, d’érosion, de bilan carbone, de charge de travail pour l’agriculteur et de perte de compétitivité. Sans compter deux autres risques mentionnés par la Fondation : un recul des surfaces cultivées qui impacterait les paysages et une remise en cause des agences sanitaires qui alimenterait la défiance des citoyens envers la science.
Contexte peu favorable
Pour la Fondation, si malgré l’avis des agences sanitaires, la France devait voter non à la ré-autorisation du glyphosate, c’est aussi parce que le contexte facilite les prises de décisions purement politiques. «Un dernier élément qui alimente la polémique est la regrettable confusion entre danger et risque. Le danger correspond a un effet potentiel, ce qui peut, par exemple, permettre de classer en cancérogène probable ou certain la viande rouge, la charcuterie et l’eau chaude ! Le risque, lui, correspond à la combinaison d’un danger et d’une exposition», rappelle la note. Face à cette situation, la Fondation Concorde préconise de mieux maîtriser la logique de surprotection, de redonner sa place à la science, et de promouvoir dans l’immédiat un encadrement des usages plutôt qu’une interdiction. Au-delà des conséquences liées à l’absence d’alternative, l’inter-diction possible du glyphosate repose la question, récurrente, de la sur-transposition française des normes en agriculture. Enfin, si on parle beaucoup des conséquences pour le secteur agricole, les impacts pour la SNCF seraient également extrêmement importants, sou-ligne la Fondation Concorde. 95 000 hectares de voies sont à désherber. La SNCF estime avoir besoin d’encore cinq ans pour industrialiser et mettre en place ces solutions alternatives.
Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,