Le lait bio cherche toujours son équilibre
Entre d'importants volumes en fin de conversion et une consommation paresseuse, le marché du lait bio français connaît toujours de tenaces difficultés.
Auprès des pouvoirs publics, le bio continue d'avoir le vent en poupe. Pour preuve, l'Union européenne s'est encore récemment engagée à consacrer au moins le quart de ses terres agricoles à l'agriculture biologique d'ici 2030. Au congrès mondial de la bio début septembre à Rennes, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique appelait l'assistance à ce que «demain la bio ne soit plus une exception, mais une norme». Et en marge du congrès, l'institut de recherche hexagonal Inrae se demandait déjà «comment passer à une production mondiale bio à 50 %, voire plus demain ?». Mais sur le terrain, la réalité du marché est parfois retorse, notamment dans la filière laitière, où l'offre et la demande ne parviennent pas à trouver d'équilibre. Non pas que la croissance de la production ne suive pas le mot d'ordre donné par les pouvoirs publics. Au contraire, la collecte de lait bio est passée de 488 millions de litres en 2013 à 1,1 milliard de litres en 2020. Rien qu'au premier semestre 2021, la production de lait bio a augmenté de 11 % par rapport à la même période l'année précédente, indique l'Institut de l'élevage dans sa note de conjoncture Tendances de septembre.
Un tsunami de nouveaux convertis
«Cette croissance trouve d'abord sa source dans le nombre très important de nouvelles conversions intervenues cette année (environ 300 entre juin 2020 et 2021, soit une hausse de 7%)», décrypte l'Idèle. Ces nouvelles conversions sont le fait d'exploitations de taille plus importante que la moyenne des fermes bio : près de 450 000 l annuels par livreur contre 285 000 l pour les exploitations déjà converties en juin 2020, selon les données de l'interprofession laitière, le Cniel. Mécaniquement, elles apportent plus de lait sur le marché.
Pour la suite, le Cniel estime que les élevages dont la conversion doit s'achever entre mai 2021 et octobre 2022 devraient amener près de 170 millions de litres supplémentaires chaque année, soit une augmentation de 14 % de la production totale française. Pour Damien Lacombe, président de la Coopération agricole laitière, ce chiffre pourrait être plus important. «Il y aura 240 millions de litres de lait bio en plus dans les dix-huit prochains mois», assurait-il le 7 septembre, lors de sa conférence de presse de rentrée. Le problème, c'est qu'en face, la consommation n'est plus au rendez-vous. Les ventes de produits laitiers bio ont reculé, selon l'Idèle, sur toutes les gammes lors du premier semestre 2021 : - 10 % en volume par rapport à 2020 pour le lait liquide, - 5 % pour les fromages, - 4 % pour les yaourts, - 5 % pour le beurre, - 12 % pour la crème. Alors, pour faire face à la situation, la filière tente de se mettre en ordre de marche. Les deux leaders français Lactalis et Sodiaal ont, d'ores et déjà, stoppé les conversions. Il en est de même pour Biolait qui n'accepte plus que les installations.
«Il faut se développer, mais en restant en adéquation avec le marché», résume Samuel Bulot, vice-président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) en charge du dossier bio. Le syndicat central ne dit pas autre chose dans son communiqué du 21 septembre. «La conjoncture actuelle de certains marchés (lait, oeufs...) doit nous amener à interpréter la demande réelle des consommateurs en matière de bio. Dans un objectif de meilleure structuration du marché de la bio, l'offre doit répondre à la réelle demande des consommateurs. C'est un élément primordial pour assurer une rémunération décente pour les producteurs engagés», y défend la FNSEA.
Faire passer le message
«Les pouvoirs publics doivent être prudents dans leurs annonces», prévient Damien Lacombe. «C'est le marché qui rémunère les producteurs, pas les paroles», renchérit celui qui est également président de Sodiaal. Contrainte de déclasser d'importants volumes de lait bio, la coopérative a annoncé cet été une baisse de son prix. «Nous avions une niche qui fonctionnait», regrette Daniel Perrin, secrétaire général de la FNPL blâmant une certaine «idéologie politique».
Une commission extraordinaire s'est tenue au Cniel le 1er septembre. L'objet : établir un plan d'action afin d'éviter que la situation du marché ne se dégrade encore plus. «Il y avait une situation d'urgence à parler de la filière», explique Samuel Bulot de la FNPL. Parmi les actions que la trentaine de participants à la réunion ont retenu figure «une campagne de communication à destination du grand public». Une «incitation à maîtriser les volumes et limiter les demandes de conversion», a également été évoquée. L'ensemble des propositions de cette commission bio sera soumis au vote du conseil d'administration du Cniel dont la prochaine réunion était prévue le 28 septembre. «Le sujet sera encore prégnant pour un ou deux ans. L'absorption des volumes se fera dans les années à venir», rassure toutefois Damien Lacombe.
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