L'Oise Agricole 16 octobre 2025 a 07h00 | Par Stéphane Lefever

Résiliation du bail rural par le bailleur

Le bail rural est un contrat soumis obligatoirement au statut du fermage qui prévoit une durée de neuf ans minimum, renouvelable tacitement. Résilier n’est pas une simple formalité. Quels sont les règles que le bailleur doit respecter pour mettre fin au bail avant son échéance ?

Abonnez-vous Reagir Imprimer
- © AAp

Comme le preneur, le bailleur ne peut pas mettre fin seul au bail rural avant son échéance, sauf – et toujours sous conditions – s’il justifie de l’un des motifs suivants énumérés à l’article L. 411-31 du Code rural : défaut de paiement du fermage, cession de bail sans accord du bailleur, sous-location, agissements compromettant la bonne exploitation du fonds, échanges de jouissance de parcelles non notifiés, absence d’information du bailleur en cas de mise en société, ou encore non-respect des pratiques culturales prévues au bail.
Autant de situations dans lesquelles le bailleur peut demander la résiliation du bail.
En revanche, les deux parties peuvent décider d’un commun accord de mettre fin au bail rural à tout moment, sans devoir invoquer de motif particulier : il s’agit d’une résiliation amiable.
Le bailleur a également la possibilité de reprendre ses biens loués au profit de son conjoint ou de ses descendants, afin qu’ils puissent les exploiter. Deux types de droits de reprise existent.


Reprise par le bailleur
Il peut s’agir d’un non-renouvellement du contrat. En effet, la loi permet au bailleur de s’opposer au renouvellement d’un bail rural, totalement ou partiellement, selon les motifs évoqués ci-dessus.
Le renouvellement peut aussi être refusé si le preneur a atteint l’âge de la retraite et exploite une surface excédant la parcelle de subsistance.
Le bailleur peut reprendre les terres pour lui-même, ses descendants, son conjoint ou son partenaire de Pacs. Dans ce cas, il doit délivrer au fermier un congé pour reprise au moins dix-huit mois avant l’expiration du bail, sous la forme d’un acte extrajudiciaire délivré par huissier de justice.
Une autre possibilité existe lorsque le propriétaire souhaite mettre fin au bail à l’expiration des six ans. Ce droit de reprise peut s’exercer à la fin de la sixième année suivant le renouvellement du bail (soit au bout de quinze ans), à condition que le contrat contienne une clause de reprise sexennale.
Le propriétaire doit alors notifier son intention au preneur au moins deux ans à l’avance, également par acte extrajudiciaire.


Résiliation pour faute du preneur
La loi prévoit des mécanismes de résiliation du bail dans certains cas spécifiques, notamment lorsque le preneur ne respecte pas ses obligations.
Ces situations, encadrées par l’article L. 411-31 du Code rural, permettent au bailleur de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour obtenir une résiliation judiciaire.
Les fautes pouvant entraîner cette résiliation sont notamment les suivantes :
- non-paiement du loyer après deux mises en demeure et un délai de trois mois (une seule mise en demeure suffit pour un bail cessible) ;
- non-exploitation ou absence d’entretien du fonds, compromettant sa valeur ;
- non-respect de clauses environnementales, lorsqu’elles sont prévues au bail ;
- cession illégale du bail, dite cession prohibée, lorsque le fermier n’a pas obtenu l’autorisation du bailleur ;
- sous-location ou échanges irréguliers de parcelles ;
- absence d’information du bailleur en cas de mise en société.
Lorsqu’un motif de résiliation est invoqué, le bailleur doit saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour demander la résiliation judiciaire et éventuellement des dommages et intérêts.
Dans ce cas, il est recommandé de faire appel à un avocat.


Résiliation pour changer l’affectation des parcelles
En application de l’article L. 411-32 du Code rural, un bail rural peut être résilié lorsqu’il est motivé par un changement de destination des parcelles louées.
Plusieurs conditions doivent cependant être réunies.
Le propriétaire bailleur peut résilier à tout moment – sans avoir à saisir le tribunal – le bail rural pour changement de destination, mais uniquement pour des parcelles classées en zone urbaine (U) dans un plan local d’urbanisme (PLU), devenues constructibles.
En l’absence de PLU ou pour des parcelles classées autrement, la reprise nécessite l’accord préalable du préfet, après avis de la commission consultative départementale des baux ruraux.
Le bailleur doit informer le fermier de sa décision par acte extrajudiciaire au moins douze mois avant la date effective de résiliation. Ce congé doit mentionner l’engagement du bailleur à changer la destination du bien dans un délai de trois ans suivant la fin du bail.
En cas de résiliation partielle, le preneur peut exiger la résiliation totale si l’équilibre économique de son exploitation s’en trouve compromis.
Il peut percevoir une indemnité pour perte d’exploitation, mais uniquement s’il doit quitter les lieux avant l’expiration du bail.
Si l’éviction coïncide avec la fin du bail, la Cour de cassation refuse toute indemnisation, même si le congé a été notifié moins de dix-huit mois avant cette date.
Le fermier évincé doit être indemnisé de l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain subi du fait de son éviction.
En pratique, il est souvent fait référence au protocole d’indemnisation établi par la Chambre d’agriculture.
Cette indemnité doit être versée avant le départ du preneur ; à défaut, celui-ci peut se maintenir dans les lieux jusqu’à la fin de l’année culturale au cours de laquelle il obtient le paiement.


Résiliation pour construire une habitation ou une dépendance foncière
Le Code rural permet au bailleur de résilier partiellement un bail rural pour récupérer une parcelle et y construire une habitation ou une dépendance foncière.
Cette opération est soumise à certaines conditions : la parcelle concernée doit respecter les limites fixées par l’arrêté préfectoral en vigueur.
Le bailleur peut exercer ce droit pour lui-même ou pour un membre de sa famille (ascendants, descendants, frères, soeurs, oncles, tantes, cousins germains).
Pour exercer ce droit, il doit délivrer un congé au preneur dix-huit mois avant la reprise, en justifiant d’un permis de construire si celui-ci est requis.

Réagissez à cet article

Attention, vous devez être connecté en tant que
membre du site pour saisir un commentaire.

Connectez-vous Créez un compte ou

Les opinions emises par les internautes n'engagent que leurs auteurs. L'Oise Agricole se reserve le droit de suspendre ou d'interrompre la diffusion de tout commentaire dont le contenu serait susceptible de porter atteinte aux tiers ou d'enfreindre les lois et reglements en vigueur, et decline toute responsabilite quant aux opinions emises,