L'Oise Agricole 17 février 2022 a 09h00 | Par I. L.

Vents contraires sur les indicateurs Ecophyto

Lors de rencontres informelles, le syndicat majoritaire aurait demandé au ministère de l’Agriculture d’étudier de nouveaux indicateurs en matière de pesticides, espérant relancer le débat autour du Nodu à la faveur des débats sur l’application de la stratégie Farm to fork. Une ligne rouge pour les deux ministères de tutelle, qui renouvellent leur soutien à l’indicateur officiel d’Ecophyto.

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Le NODU (nombre de doses unités), l’indicateur national de suivi du recours aux produits phyto, est critiqué par la profession.
Le NODU (nombre de doses unités), l’indicateur national de suivi du recours aux produits phyto, est critiqué par la profession. - © FPetorin

C’est un débat de longue date, dans lequel la FNSEA n’a pas dit son dernier mot. «Nous avons demandé au ministère de l’Agriculture comment mettre en phase les indicateurs de suivi du plan Ecophyto avec les indicateurs européens», confie Christian Durlin, vice-président de la FNSEA en charge de la protection des cultures. Car depuis 2019, rappelle-t-il, une directive européenne a créé deux nouveaux indicateurs de suivi des épandages de pesticides. L’un est calculé comme l’addition des quantités utilisées pondérées par un facteur de risque allant de 1 à 64, et l’autre suit le nombre de dérogations d’urgences.

Le Nodu retenu pour le suivi du plan français Ecophyto, «ne peut donc plus être le seul indicateur, sans avoir une vision sur l’existence ou non d’alternatives», insiste Christian Durlin. Or, c’est un point sensible pour certaines ONG. «La fin du Nodu serait la fin d’Ecophyto», tranche de son côté François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.

Le Nodu, pour Nombre de doses unités, «correspond à un nombre de traitements moyens appliqués annuellement sur l’ensemble des cultures, à l’échelle nationale», rappelle le ministère de l’Agriculture sur son site. Il dépasse la question des quantités de produits, et donc des substitutions éventuelles, puisqu’il n’enregistre que les doses propres à chaque molécule. Un indicateur choisi pour évaluer les progrès d’Ecophyto depuis 2008, mais qui n’a jamais eu les faveurs de la FNSEA, rappelle François Veillerette. Le syndicat, rappelle-t-il, était d’ailleurs «déjà revenu à la charge sous Stéphane Le Foll».

De Paris à Bruxelles

Le débat revient sur le devant de la scène en raison de l’actualité européenne. La stratégie «Farm to fork» prévoit de diviser par deux les utilisations et risques de pesticides, et cet objectif devrait se traduire dans la révision de la directive Sud. Mais le 3 février, une première réunion de trilogue a également permis de débattre du projet législatif SAIO (Statistics on Agricultural Inputs and Outputs). Deux discussions parallèles sur la manière de fixer à chaque État membre des objectifs chiffrés sur les pesticides, et sur les données à retenir pour évaluer les progrès, alors que Paris occupe la présidence du Conseil.

Lors de sa conférence de presse annuelle le 9 février, Phyteis (ex-UIPP) a, elle aussi, invité le gouvernement français, dans le cadre de sa présidence européenne, à soutenir l’élaboration d’indicateurs européens de risques «complémentaires», afin de prendre en compte «les situations agronomiques spécifiques des États membres». Au niveau national, les fabricants ont d’ailleurs choisi de présenter uniquement les quantités de substances actives vendues (QSA) pour montrer les progrès du secteur. Pour eux, le Nodu resterait toujours trop «complexe», à calculer comme à analyser. Signe de cette complexité, les chiffres d’Ecophyto étaient jusque récemment publiés avec deux ans de retard. Suite à des engagements pris début 2021, le gouvernement a cependant publié en novembre de la même année des premiers chiffres provisoires de QSA pour 2020 : 44 036 t de substances actives vendues contre 31 730 en 2019 et 62 855 en 2018. Le Nodu 2020, précise toutefois une note de synthèse, ne sera publié que fin 2022, «après la collecte exhaustive des déclarations et la réalisation de contrôles».

La Transition écologique défend le Nodu

À la création du comité scientifique et technique de Ecophyto (CST), le ministère lui-même avait ouvert la porte au développement d’indicateurs complémentaires au Nodu. Dans l’appel à candidature de ce CST, installé le 15 juin 2021, on peut ainsi lire que le comité pourra «formuler des propositions en matière de suivi et, le cas échéant, d’indicateurs». Mais six mois plus tard, alors que l’actualité européenne questionne la mesure des progrès sur les pesticides, le CST ne serait toujours pas saisi des indicateurs européens de 2019, déplore la FNSEA.

Du côté du ministère de l’Agriculture, on confirme cependant que «le Nodu reste l’indicateur central d’Ecophyto». Le ministère de la Transition écologique indique d’ailleurs que des travaux seraient en cours «pour en simplifier le calcul et le sortir plus rapidement». «Il est le meilleur reflet de la dangerosité des substances et évite les biais d’autres indicateurs», appuie l’entourage de Barbara Pompili.

Plusieurs articles sur le site du ministère de l’Agriculture présentent donc les résultats selon les deux systèmes : QSA et Nodu français en parallèle des deux indicateurs de risque européens. Impossible toutefois de savoir aujourd’hui jusqu’où les grilles de notation convergeront à terme. La France pourrait conserver quelques années encore sa double comptabilité, au risque de complexifier les comparaisons.

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