L'Oise Agricole 27 août 2020 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

Sécheresse dans l’Oise... c’est clair comme de l’eau de roche

Ce mardi 25 août, à Labosse, Corinne Orzechowski, nouvelle préfète de l’Oise, Marie-Sophie Lesne, vice-présidente du Conseil régional, Nadège Lefebvre, présidente du Conseil départemental de l’Oise et d’autres élus ont rencontré des agriculteurs de la FDSEA 60, inquiets par le déficit hydrique de plus en plus alarmant dans le département.

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Un agriculteur annonce aux élus que sur certains secteurs «dans l’Oise, il est tombé entre 600 et 800 millimètres d’eau entre le 15 octobre et le 15 mars et puis on se retrouve avec 15 millimètres entre le 15 mars et le 15 juillet».
Un agriculteur annonce aux élus que sur certains secteurs «dans l’Oise, il est tombé entre 600 et 800 millimètres d’eau entre le 15 octobre et le 15 mars et puis on se retrouve avec 15 millimètres entre le 15 mars et le 15 juillet». - © D.

Dans l’Oise, on compte 3.200 exploitations (24.000 exploitations en Hauts-de-France), ce qui représente 116 hectares par exploitation en surface moyenne. La surface agricole utile du département atteint 60 % avec 7 % en herbe et 2,6 % en bio. L’Oise est un département céréalier et il accueille 1.000 élevages bovins. «On est par ailleurs le quatrième producteur de betterave au niveau national», ajoute Gwenaëlle Desrumaux, secrétaire générale des Jeunes Agriculteurs de l’Oise. En 40 ans, l’Oise a perdu la moitié de ses exploitations.

«Le milieu agricole est l’une des professions qui mutent constamment pour le bien-être environnemental et sociétal. Il faut donc arrêter d’infliger autant de contraintes aux agriculteurs. Il faut travailler dans le bons sens et avec bonne conscience», affirme Marie-Sophies Lesne.

Pour montrer l’impact de la sécheresse sur la moisson 2020, Christophe Grison, président de la coopérative Valfrance qui représente 1.400 agriculteurs répartis dans l’Oise et en Seine-et-Marne, affirme : «Normalement, nous collectons 800.000 tonnes tous les ans, 400.000 tonnes sont récoltées durant la moisson et l’autre partie est stockée chez les agriculteurs pour la livraison d’hiver. Cette année, on a récolté durant la moisson 330.000 t. Les rendements vont de 50 à 110 quintaux. Une disparité colossale… surtout que ce sont des agriculteurs déjà pénalisés en 2016 qui le sont à nouveau cette année.»

C’est au sein de l’exploitation de Mathieu Sneyaert, agriculteur à Labosse, que la préfète a pu constater les dégâts liés à la sécheresse. D’emblée, Régis Desrumaux, président de la FDSEA 60, a mentionné le problème des Cipan. «Ces dernières, cultures intermédiaires entre les cultures principales, suivent deux règlementations : le verdissement de la Pac qui impose aujourd’hui d’implanter des Cipan avant le 31 août. La terre est tellement sèche que l’on ne peut pas rentrer les outils dans le sol dans certains secteurs de l’Oise. On ne peut pas travailler et surtout, rien ne va pousser. La deuxième règlementation est la directive nitrate : on a jusqu’au 15 septembre pour semer les Cipan qui vont couvrir le sol pour éviter l’érosion. Mais on est dans la même problématique sécheresse. Il faut une réglementation qui bouge, qui doit s’adapter aux conditions climatiques.» Entre le Clermontois et le Valois, la terre est impraticable. «On demande de la cohérence et du bon sens. Là, on ne peut pas semer. Il nous faut une dérogation individuelle pour circonstance exceptionnelle», revendique Régis Desrumaux. Il rappelle que les adhérents de la FDSEA seront accompagnés en cas de contrôle. «Nous ne laisserons pas nos adhérents si le semis n’a pas pu être réalisé !» ajoute-t-il.

Autre abérration administrative... l’autorisation de récolte des jachères. «On nous donne une autorisation en août alors que cela fait des semaines que cela a été demandé ! On aimerait aussi de la réactivité administrative.»

Les agriculteurs, eux, savent faire preuve de réactivité, notamment avec le dossier incendies de moisson. Nadège Lefebvre, présidente du Conseil départemental, a rappelé l’importance de l’accompagnement départemental sur ce dossier pour les agriculteurs. «Au sein d’un département, il y a des secteurs qui souffrent par rapport à d’autres et pas au même moment. Il faut donc des conventions souples pour trouver des solutions à l’instant T. On peut aider les communes à acheter des bâches, des camions à forte capacité d’eau ont été acquis par le Conseil départemental. On peut monter jusqu’à 80 % d’aides afin que la commune n’ait que 20 % à sa charge.»

Même si les problématiques du renouvellement de génération, de la distorsion de concurrence et de l’agribashing, que ce soit en ligne ou physique, la préfète de l’Oise souhaite travailler avec tous les organismes du département. «Nous devons nous rassembler, discuter, trouver des solutions ! C’est la meilleure chose à faire, il ne faut pas qu’un secteur soit plus favorisé qu’un autre. Nous devons trouver un juste milieu, un intérêt commun pour le bien-être de votre profession, mais aussi de la société et des institutions. C’est autour d’une table que nous y arriverons. Il faut que la rationalité soit au cœur du débat.» conclut Corinne Orzechowski.

Laurent Letellier, agriculteur à Rothois.
Laurent Letellier, agriculteur à Rothois. - © DLC

«Impossible de faire des dérobées avec les dates actuelles»

«Pour mon troupeau allaitant, j’implante en culture dérobée un mélange trèfle-moha, que je sème début août pour le récolter mi-octobre. C’était plutôt satisfaisant jusqu’à maintenant. Mais, cette année, les dates d’implantation et de récolte ont été modifiées réglementairement. Les huit semaines de maintien sont respectées, mais il est interdit de récolter avant le 1er novembre dès lors qu’une culture de printemps sera implantée ensuite sur la parcelle, ce qui est exactement mon cas. Résultat : au 1er novembre, il sera bien trop tard pour avoir une récolte de dérobée qui soit apte à nourrir les bêtes. Ce changement dernière minute de dates revient à nous priver de la possibilité d’utiliser les dérobées dans l’alimentation. Déjà que nous avons été pénalisés cette année par la sécheresse qui a entamé lourdement la productivité de nos pâtures, c’est vraiment une double peine. Je suis d’accord pour semer des couverts, les garder le temps nécessaire, mais à condition que cela me permette de nourrir mon troupeau», explique Laurent Letellier, agriculteur à Rothois.

Willy Decoene, agriculteur à Escames.
Willy Decoene, agriculteur à Escames. - © DLC

«Comment nourrir nos troupeaux avec nos pâtures ?»

Si certains secteurs de l’Oise ont subi des déconvenues en termes de rendements céréales cette année, voilà deux ans que nous avons du mal à nourrir nos troupeaux l’été. À cause de la sécheresse, l’herbe ne pousse pas et nous devons acheter sans cesse plus de paille, de foins, de pulpes et d’aliments. Tout en gardant nos herbages improductifs à cause de la réglementation Pac. Nous pourrions demander à retourner certains herbages et les remplacer par de la luzerne, plus résiliente et que je vois pousser cet été malgré la sécheresse. Mais les dossiers sont examinés en décembre, alors qu’il faudrait semer en septembre. Bref, nous sommes bel et bien prisonniers d’un système qui devient de plus en plus impossible à maintenir à cause du réchauffement climatique. Et si nous voulons assurer le bien-être de nos animaux, cela passe d’abord par la fourniture d’une alimentation abondante et de qualité en été.

Nous demandons à pouvoir nous adapter comme les autres. Et cela passe par la possibilité de remplacer les herbages par de la luzerne par exemple. En quoi cette dernière est-elle pénalisante vis-à-vis de l’environnement ?

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