Fertiluz, du jus de luzerne pour fertiliser les cultures
Et si la luzerne trouvait une nouvelle valorisation, en tant que fertilisant des cultures ? 2023 était la première année d’expérimentation du projet Fertiluz que pilote Bio en Hauts-de-France. Ce 1er août, les résultats d’un essai sur tomates à la Ferme des tilleuls, à Gentelles, était présenté.

Voilà quelques années déjà qu’Olivier et Claire Forobert ont compris l’intérêt de la luzerne dans leur système. Les maraîchers bio sont installés à la Ferme des tilleuls, à Gentelles, depuis 2018, sur 15 ha. Pour une activité maraîchère principale (6 ha), cette surface «confortable» leur permet d’effectuer des rotations agronomiquement intéressantes.
«Chaque année, nous avons 3 ha de luzerne. On en fait des petits ballots que l’on vend aux particuliers, elle est enfouie pour enrichir le sol, ou elle sert de paillage. Pour le sol, la luzerne a un effet restructurant très intéressant, et un fort pouvoir nettoyant. Après deux ou trois années en place, suivies d’un blé, nous avons un grand confort à remettre des légumes derrière», présente Olivier. Seul point négatif : «C’est une maternité à taupins. Il faut être très vigilant lors du retour des pommes de terre.» Et si cette luzerne leur offrait aussi davantage d’autonomie en fertilisation ? «Cette idée nous intéresse beaucoup», acquiescent les maraîchers.
C’est toute l’idée du projet Fertiluz* que pilote Bio en Hauts-de-France, présenté ce 1er août à la Ferme des tilleuls. «L’objectif est de mettre en place une solution élaborée par les agriculteurs, pour les agriculteurs. En plus de l’autonomie en intrants, c’est une valorisation supplémentaire de la luzerne», résume Fanny Vandewalle, en charge du projet chez Bio en Hauts-de-France. L’idée est née dans l’esprit innovant de Guy Vanlerberghe, agriculteur et arboriculteur à Rosières, au sud de l’Oise. «J’ai d’abord travaillé sur la protéine de luzerne pour l’alimentation du bétail, notamment des poules. Avec Bio en Hauts-de-France, on est parti de rien, et aujourd’hui, Novial en incorpore une partie dans ses aliments. Et puis je me suis rendu compte que cette luzerne, pressée en jus, avait un fort intérêt pour les plantes.» Avant 2015, lorsqu’il était en conventionnel, Guy apportait de l’azote à ses pommiers par petites doses, régulièrement. Une pratique qu’il ne peut plus tenir depuis sa conversion en bio.
Un produit «magique»…
L’année dernière, il a donc investi dans une presse à vis, achetée d’occasion à un vigneron bordelais, pour transformer la luzerne en jus. «J’ai fait des essais chez moi, sans grand protocole, avec des apports de 30, 60 et 100 l/ha, pulvérisés en foliaire, ainsi que des pommiers témoins, sans apport, et d’autres fertilisés avec le biostimulant homologué Odyssée.» Résultat : «Depuis dix ans, c’est la première fois que je vois mon verger aussi beau, dès 60 l/ha. Ce jus de luzerne semble magique !»
Cette année, un autre essai a été mis en place sur tomates à la Ferme des tilleuls. 3x10 m linéaires de tomates de variété plutôt précoce (marmande) ont été traités de manières différentes, à partir de la floraison, puis tous les quinze jours : avec Fertiluz, avec Odyssée et une bande témoin. Le résultat était visible avant la formation des fruits. «Avec Fertiluz et Odyssée, on constatait 20 % de feuilles enroulées, contre 40 % pour les pieds témoins», relève Olivier Ray, de Bio en Hauts-de-France, qui a réalisé l’essai.
Six récoltes ont ensuite été faites en deux semaines. «On a obtenu au total 27 kg de fruits avec Fertiluz, 24 kg avec Odyssée et 21 kg pour le témoin. Aujourd’hui, le rendement est similaire quel que soit le protocole.» Cet essai doit être réitéré. «Le Fertiluz n’était pas tant de qualité selon nous. Nous voulons aussi tester avec quatre apports.» Pour Olivier, il sera intéressant d’observer si le pied de tomates décroche en septembre ou non. «La rentrée, c’est un moment stratégique. Les gens veulent encore profiter des légumes d’été.»
… qu’il faut pouvoir maîtriser
Après presque un an de travail, quelques éléments techniques peuvent être avancés pour la création du jus de luzerne. «Celle-ci doit être récoltée jeune, avant la floraison, pour maximiser à la fois la biomasse et le taux d’azote», précise Fanny Vandewalle. Plus que l’azote, il semblerait que ce soit le triacontanol, une molécule contenue dans la luzerne, qui serve d'hormone de régulation de la physiologie et des métabolismes des plantes.
Mais un gros travail reste à mener pour maîtriser le produit. «Les gros enjeux sont de pouvoir disposer de fertilisant avant le 15 avril, puisque la récolte se fait rarement avant, et donc de pouvoir le conserver.» Mieux maîtriser le produit, pour savoir à quel stade l’utiliser et à quelle dose, reste aussi à définir.
* Ce projet est mené en partenariat avec des fermes, les chambres d’agricultures de la région, UniLaSalle, Agro-transfert ressources et territoires, et la Métropole européenne de Lille. Les financeurs sont les agences de l’eau Artois-Picardie et Seine-Normandie, ainsi que la Région Hauts-de-France.
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