«La gestion des risques devient stratégique et primordiale»
Vague de froid inédite, gel, forte chaleur, les agriculteurs sont de plus en plus en détresse. Avec le changement climatique, ces aléas risquent de se répéter dans les années qui suivent. La gestion des risques va devenir indispensable au fil du temps.

Depuis quelques années, le changement climatique se fait de plus en plus ressentir, notamment sur le travail en agriculture. Entre l'année 2016 où l'excès d'eau était sans précédent et les épisodes de sécheresse successifs, le département de l'Oise a connu pour sa troisième année consécutive un printemps très sec et surtout 32 jours de gel depuis le 1er avril. Du jamais-vu !
D'après Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA et vice-président de la commission de la gestion des risques, le mois d'avril 2021 a connu la catastrophe, en termes de gel, la plus importante du siècle. «Il faut remonter en 1956 pour retrouver un épisode de gel similaire. On a un début d'année sans hiver, on a eu le mois de janvier en avril. Lorsque l'on avait besoin de chaleur et d'humidité, le froid et le sec sont apparus. Serge Zaka, docteur en agroclimatologie et administrateur de l'association Infoclimat, a réalisé des prévisions climatiques à horizon 2030, 2040 et 2050. Il cite énormement la ville de Beauvais, elle subit beaucoup d'aléas climatiques, que ce soit un excès de froid, ou un manque d'eau.»
Le changement climatique génère depuis quelques années des températures en moyenne plus élevées et notamment des hivers très doux. Avec l'arrivée des beaux jours, souvent dès la fin janvier, les bourgeons des arbres se développent beaucoup plus tôt que d'habitude alors que le risque de gel perdure néanmoins jusqu'à la fin avril au moins.
Avec cette situation exceptionnelle, les dégâts ne sont pas sans conséquence. «Les fruits rouges, l'arboriculture, les colzas, des dégâts hypothétique sur les orges, une pousse de l'herbe en retard et des betteraves ont été touchés par le gel, détaille Luc Smeassaert. Par exemple, si on prend les vignes, il manque près de 30 à 40 % de volumes en vin en France en 2021. Il y a beaucoup d'autres secteurs qui sont gelés entre 80 et 100 %. En arboriculture, on est dans les mêmes données. Il est clair qu'aujourd'hui, il nous faut des outils et la gestion des risques devient stratégique et indispensable sur nos exploitations», poursuit-il.
«Un système de protection efficace»
Comment protéger les agriculteurs face aux changements climatiques ? Pour Luc Smessaert, l'année 2021 sera une année de rupture. «On est en train d'écrire les outils que l'on aura dans les 20-30 ans à venir.» En effet, depuis le congrès de Biarritz en 2014, la FNSEA et les JA travaillent sur le sujet Climat pour créer une boîte à outils afin de venir en aide aux agriculteurs. «Cette boîte commence déjà par la prévention avec l'accès à la recherche et l'innovation en termes de semences. La génétique est le plus adaptée à ce changement climatique, avec plus de résistance à la sécheresse et au gel.»
Autre point, la question de l'eau. Aujourd'hui, la France stocke 1 % de l'eau de pluie alors que l'Espagne en stocke 18 à 20 %. «Il faut absolument travailler sur le stockage de l'eau, voire le drainage, pour éviter les excès d'eau dans les vallées par exemple. La gestion du cycle de l'eau est, pour un agriculteur, la meilleure et la première des assurances récoltes. La bonne nouvelle est qu'on aura toujours autant d'eau jusqu'en 2050, mais elle va tomber de façon totalement aléatoire. On a la même quantité d'eau sur l'Oise, mais mal répartie sur les 12 mois», affirme Luc Smessaert.
En termes de prévention, il s'agit également de mettre en place des filets pour la grêle, les tours antigel, l'aspersion... «La gestion des risques passe également par l'épargne de précaution. Il s'agit d'une gestion pluriannuelle du revenu. On a bien avancé avec la déduction d'épargne de précaution (DEP). On peut finalement mettre de côté sans être fiscalisé. Cet argent peut aider à compenser les aléas sur les cultures ou même les années difficiles.»
Cette gestion des risques est au coeur du rapport du député LREM, Frédéric Descrozaille. On tend vers un système à trois niveaux. «Le premier niveau concerne toutes les pertes, de 0 à 20 %. À ce stade, c'est du ressort de l'agriculteur. Ce sont des petits aléas, c'est donc de notre responsabilité individuelle. On peut gérer la situation, par exemple, avec l'épargne de précaution. Le deuxième niveau tourne à hauteur de 20 à 50 %, c'est le choix de l'agriculteur de passer sur un système assurantiel. À l'heure actuelle, 94 % des contrats pour les personnes assurées sont à 25 % de franchises. Dans le cadre de la prochaine Pac, on préconise aussi d'appliquer le règlement Omnibus, à savoir abaisser le seuil et le niveau de franchise à 20 % et augmenter la part subventionnée à 70 %. L'agriculteur aura donc à sa charge 30 %.
Le troisième niveau va de 50 à 100 %. Ici, toutes les cultures assurées ou non seront soumises à la solidarité nationale. Ce fond agricole de calamité majeur intervient au dela de 50 %. Quoi qu'il y arrive, il y a une indemnisation de 100 % de la perte. On estime qu'au-delà de 50 % de pertes, l'agriculteur ne peut pas faire face tout seul. L'avantage, c'est que les assureurs ne devront pas se couvrir pour les pertes de 50 % car le fonds agricole prendra le relais. On donne ainsi plus de résistance et de résilience à notre système» explique Luc Smessaert.
Plus de réponses seront données courant mi-mai lors d'une allocution de Julien Denormandie, le ministre de l'Agriculture.
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