L'Oise Agricole 04 avril 2024 a 09h00 | Par Christophe Soulard

«Nourrir sans dévaster»

L'Association française des journalistes de l'agriculture et de l'alimentation (Afja) a convié le 26 février sur le Salon de l'agriculture l'ancien ministre Julien Denormandie et l'académicien Erik Orsenna pour la présentation de leur ouvrage commun, Nourrir sans dévaster.

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L'ancien ministre Julien Denormandie et l'académicien Erik Orsenna ont présenté leur ouvrage commun, Nourrir sans dévaster.
L'ancien ministre Julien Denormandie et l'académicien Erik Orsenna ont présenté leur ouvrage commun, Nourrir sans dévaster. - © afja

S'il fallait résumer en une phrase la philosophie et le fil rouge du dernier ouvrage d'Erik Orsenna et Julien Denormandie, ce serait celle-ci : «Sachons dire merci à ceux qui nous nourrissent». Au-delà de l'amitié, de la complicité mais aussi des dissensions que peuvent cultiver les deux hommes, l'ouvrage est une réflexion sur les maux que traverse aujourd'hui l'agriculture, «une matière complexe» qui a été, selon l'ancien ministre de l'Agriculture, victime du «simplisme» ambiant. Erik Orsenna craint d'ailleurs que la vision réductrice que nos contemporains ont de l'agriculture ne la rende encore plus invisible. Il a un exemple aussi surprenant qu'hallucinant à donner  : celui des cuisines américaines. «Pour gagner de la place aux Etats-Unis, on supprime la cuisine car on peut compter sur les services de livraison pour se nourrir», explique-t-il. Ce qui éloigne encore plus l'humain des modes de production et de transformation et augmente la méconnaissance de l'acte de production. Comme les mauvaises habitudes américaines finissent toujours par traverser l'Atlantique, il craint que l'Europe et la France, pays de la gastronomie, ne finissent par être touchées tôt ou tard. Et sachant que la plus grande partie de la viande produite se termine en steak haché, «restera-t-il bientôt des dents à l'espèce humaine ?», a-t-il remarqué à la fois mi-sérieux mi-taquin.

C'est à un «voyage au coeur de nos contradictions» que les deux auteurs nous invitent. «Ça aurait pu être le titre du livre», a concédé l'académicien. Il est bien vrai que le Français est bien «citoyen le matin et consommateur dans le quart d'heure !», aime répéter l'ancien ministre. Les deux auteurs ont en effet le mérite de nous faire regarder bien en face nos ambitions de citoyens (plus d'écologie) et nos besoins de consommateurs (plus d'économies) !

«L'arme alimentaire est imparable»

Julien Denormandie ne s'est pas gêné pour dénoncer la loi Modernisation de l'économie (LME) de 2008 à travers laquelle on a «fait croire qu'on récupérerait du pouvoir d'achat en écrasant le revenu des agriculteurs». Ce qui a entraîné la disparition de plus 100.000 exploitations entre 2010 et 2020  !

Si les deux écrivains s'opposent sur quelques sujets importants (la Pac, les produits phytosanitaires, la gestion de l'eau notamment), ils tentent ensemble et en bonne intelligence (on parlerait de bon sens dans le milieu agricole) de donner une vision à ce secteur d'activité. Comment faire pour «nourrir sans dévaster nos agricultures, nos agriculteurs, nos solidarités, notre environnement et finalement une partie de nous-mêmes ?», a interrogé Julien Denormandie. La démondialisation est, selon lui, «une fausse bonne idée» pour au moins deux bonnes raisons. Tout d'abord parce que la vocation exportatrice de la France dans le domaine agricole et agroalimentaire est une réalité et qu'il est difficile de se priver de tels échanges. «Il faut assumer cette vocation exportatrice», a-t-il martelé.

Ensuite, dans le contexte de guerre entre la Russie et l'Ukraine, il ne faut pas laisser la Russie «gagner la guerre de la faim». Par ses exportations massives en bradant le prix de ses céréales, celle-ci est en train de déstabiliser les marchés. Sur ce plan, «l'arme alimentaire est imparable», a jugé Julien Denormandie. «On doit avoir une vision, celle d'assumer de produire plus tout en protégeant nos agriculteurs, leurs revenus, notre environnement, notre alimentation et notre société», a-t-il ajouté.

Un point de vue partagé par Erik Orsenna, mais par des moyens parfois différents. Comme le dit le vieux dicton paysan : «On est plus intelligent en revenant de la foire». C'est aussi ce que démontre cet ouvrage que les «responsables politiques seraient bien inspirés de lire», a commenté Erik Orsenna.

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