L'Oise Agricole 31 août 2017 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

Sylvie Nève et sa boutique en herbe

C’est dans le petit village de Saint-Germer-de-Fly que l’on découvre un petit havre de paix, Le Jardin d’Even.

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Sylvie Nève vous ouvre les portes du Jardin d’Even pour votre bien-être.
Sylvie Nève vous ouvre les portes du Jardin d’Even pour votre bien-être. - © Dorian Alinaghi

Non, Eve n’est pas la propriétaire, mais une personne tout aussi pure en est la gardienne, il s’agit de Sylvie Nève. Munie de son foulard coloré et de son sourire communicatif, cette agricultrice herboriste a tout perdu en 2008. Une époque obscure à laquelle elle a survécu grâce à ses plantes. «En 2001, j’étais productrice de lait avec une trentaine de vaches. En 2008, avec mon mari on a eu un conflit familial et on s’est séparé. J’ai perdu mon exploitation laitière, j’ai donc fait une liquidation judiciaire. J’ai perdu mon troupeau, ma maison, ma ferme, enfin tout… Il me restait uniquement une parcelle à bail, 35 hectares d’herbage, sans eau, sans électricité, mais je me suis battue pour garder cette parcelle. J’ai trois enfants à charge et j’ai eu beaucoup de dettes à régler avec la perte de la ferme. C’était un vrai parcours de combattant. Je suis repartie de zéro, mais il me reste mon statut d’agricultrice et 35 hectares d’herbage. Il fallait que je trouve une activité sans eau, sans électricité, sans bâtiment, sans argent, sans aide, et faisant vivre mon foyer... J’ai alors choisi de me consacrer à ce qui me passionne depuis mon enfance, les plantes médicinales.», explique-t-elle.

Mais être herboriste n’est pas aisé. En France, ce métier existe très peu voire presque inexistant depuis 1940 sous le régime de Pétain. Avant de démarrer sa plantation, Syvie Nève avait déjà une connaissance empirique sur les plantes médicinales. Avec beaucoup de respect, elle soignait et nourrissait ses vaches avec des plantes. Pour accentuer ses acquis, elle a suivi une formation de trois ans au sein de l’Association pour le renouveau de l’herboristerie (ARH). Malgré les problèmes qu’elle subissait, elle travaillait le soir afin d’obtenir son diplôme.

Chose faite, elle s’est directement mise à cultiver : «Je ne voulais pas quitter le milieu de l’agriculture. C’est un univers où l’on découvre constamment. C’est une sensation merveilleuse. Je devais continuer à travailler avec la terre. J’ai donc récupéré des graines dans la nature. Je les ai semées dans des petites caissettes que je récupérées. À force, j’ai commencé à cataloguer les espèces présentes sur le territoire. En deux ans, j’ai multiplié mes parcelles. En 2011, je suis arrivé à 1 hectare de plantes. De la récolte de la graine à l’emballage de la plante séchée, je m’occupe de la plante médicinale comme d’un être vivant exceptionnel. J’y suis arrivé car cela me tenait à cœur.» Aujourd’hui, elle cultive plus de 120 espèces de plantes.

La Wonder Woman des plantes

Cette culture, de plus en plus pointue, contient un large panel de plantes entre des aubépines, des charmilles, des frênes, des hêtres, des sorbiers, des prunelliers, des bourraches, de la lavande, des prêles, du houblon, de l’origan. Sylvie Nève ne s’est pas plantée dans son choix de vie et désormais, elle engrange un véritable succès. Toutes ces plantes sont transformées en divers produits : «Je réalise des infusions dites «plaisir». Cela permet de trouver des mélanges, des saveurs et senteurs différents. Puis, à côté de celles-ci, des infusions médicinales. Ici, il s’agit de soulager les troubles digestifs, la toux, le système nerveux, et bien d’autres soucis physiques. Par ailleurs, je fais également des composés cosmétiques comme des baumes, des huiles. Pour finir, je produis quelques aromatiques pour la cuisine, notamment pour accompagner les plats».

Même si elle ne peut pas titrer ses produits par des allégations médicales - interdites par la législation - elle arrive tout de même à nous entraîner dans son monde poétique par des noms comme «Sucre fou, Bon cœur, Adolescence ou bien Plaisir coquine...»

Les fleurs du bien

Elle vend ses produits sur internet partout dans l’Hexagone. «Les particuliers, souvent redirigés par leur phytothérapeute, peuvent même les récupérer à mon domicile.» Certains restaurants luxueux et même des pharmacies s’arrachent ses produits. Elle cultive 90 espèces et fournit 40 espèces en cueillettes sauvages. Surtout, elle met un point d’honneur sur le traitement de ces plantes. Elle n’utilise aucune machine et aucun produit sur l’exploitation. Malgré cela, elle a du mal à rejoindre les deux bouts.

En effet, elle réalise l’ensemble du travail seule, administratif ou bien sur le terrain : «je compte encore élargir mes parcelles. Et si je dois encore évoluer, je vais vite trouver mes limites. Je n’ai que deux bras et deux jambes. C’est ma vie, ce travail et je ne m’en lasserai pour rien au monde, mais cela commence à être difficile, surtout dans ces conditions. Je loue mon domicile et je n’ai pas vraiment de bâtiment adéquat pour exploiter tout le potentiel de cette activité. Je n’ai pas d’aide financière. Si j’embauche, il faudra que je forme la personne et, à mon avis, elle sera vite désabusée vu les conditions. Mon chiffre d’affaires est de 60.000 euros et si on m’offre une chance de pouvoir développer ce marché d’herboriste, je multiplie le chiffre d’affaires par 4 voire 5. Mais on n’aide pas les petits exploitants, surtout lorsque l’on est une femme. Cependant, mais personne ne m’enlèvera ma détermination !» souligne-t-elle. Son esprit fertile et son courage exemplaire vont amener le Jardin d’Even au paradis de l’infusion. Sylvie Nève voit en chaque plante une élégance et une capacité médicale propre. Selon le philosophe américain Ralp Waldo Emerson, «une mauvaise herbe est une plante dont on n’a pas encore trouvé les vertus.» On comprend désormais d’où proviennent la chaleur, la douceur et les bonnes vertus que procure une tisane avant de se coucher.

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