L'Oise Agricole 01 avril 2022 a 16h00 | Par Vincent Fermon

Un nouvel acteur sucrier veut s'installer en France

La société gestionnaire des ports normands de Rouen, Le Havre et de celui de Paris, Haropa Port, a annoncé, le 17 mars, avoir retenu le projet de création d'une sucrerie en Seine-Maritime porté par un investisseur de Dubaï (AKS) sur son site de Grand-Couronne-Moulineaux (76).

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Les responsables d'Haropa Port le 17 mars dernier lors de l'annonce de la venue d'un nouvel acteur sucrier sur le port de Rouen à l'horizon 2025.
Les responsables d'Haropa Port le 17 mars dernier lors de l'annonce de la venue d'un nouvel acteur sucrier sur le port de Rouen à l'horizon 2025. - © Haropa Port

Le département de Seine-Maritime et, plus largement, la Normandie verront-elles prochainement l'implantation d'un nouvel acteur de la transformation de betteraves sur leur sol ? C'est en tous cas l'annonce qu'ont fait le 17 mars dernier les responsables d'Haropa Port, la société gestionnaire des ports de Rouen, Le Havre et Paris. Dans le cadre d'un appel à projet lancé en juin 2021 pour le réaménagement d'une ancienne plateforme, Haropa Port a en effet choisi le projet présenté par le sucrier AKS. Ce projet, c'est une usine de transformation de betteraves pour en faire du sucre, d'une capacité comprise entre «650 et 800 000 t annuelles», selon son promoteur. Il s'agirait ainsi «de l'une des plus grandes unités de ce type en activité sur le continent européen», toujours selon les responsables d'Haropa Port. Le départ de Renault, en 2020, avait laissé un vide de 75 ha sur une zone à vocation industrielle proche du terminal «conteneurs de marchandises diverses». La production réalisée sur le site normand aurait pour vocation l'export et, plus particulièrement, les destinations Maghreb, Italie, Espagne et Royaume-Uni. Le sucre serait expédié par conteneurs, ce qui ravi Haropa Port. AKS, pour Al Khaleej Sugar (Le sucre du golfe), est une société familiale implantée à Dubaï, spécialisée dans la fabrication de sucre.

50 000 ha recherchés

S'il reste à finaliser, le projet est soutenu par l'État, la Métropole Rouen Normandie et la Région Normandie. Le président de cette dernière, Hervé Morin applaudit des deux mains : «Je me réjouis de l'implantation de AKS en Normandie», a-t-il déclaré, y voyant le signe que «notre Région se veut conquérante et différenciante en proposant un nouveau modèle de développement qui séduit les investisseurs et les nouveaux projets des grands acteurs internationaux». L'investissement prévu est évalué à «plusieurs centaines de millions d'euros», indique mi-mars Haropa Port. Et évoque le chiffre de «300 emplois directs et un millier d'emplois indirects» à la clé. La mise en service de la sucrerie serait effective en 2025. En outre, «la construction de l'unité de production offrira de nouveaux débouchés à la production agricole normande». Selon une information du journal Les Echos, «AKS table sur un approvisionnement en betteraves issues pour les deux tiers du département voisin du Calvados et, pour le tiers restant, d'autres régions de Normandie et des Hauts-de-France». Cette nouvelle sucrerie «avalerait» environ 4,5 millions de tonnes de betteraves par an, soit quelque 50 000 ha.

La CGB veut «dialoguer»

Compte tenu de l'ampleur du projet, autant que du symbole qu'il représente après la réorganisation du secteur de la transformation en France au cours des dernières années - le souvenir de la fermeture de la sucrerie de Cagny en 2020 reste douloureux -, la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) admet regarder avec «attention» le dossier. «Il faut être prudent», expliquait lundi 21 mars au soir le directeur de la CGB Normandie, Benoît Carton : «Il ne s'agit encore que d'un projet dont on ne connait pas tout, même s'il parait sérieux.» Motif de satisfaction pour le syndicat, «l'intérêt d'investisseurs dans la filière betterave-sucre-éthanol est toujours une bonne nouvelle car elle témoigne de son attractivité», et rappelle que «la Normandie est une région propice à la betterave». En ce qui concerne le volume potentiellement à travailler, la CGB constate que «50 000 ha, ce n'est pas rien...», puisque cela pèserait «12,5 % des surfaces françaises actuelles». Faut-il dans ce cas craindre une concurrence avec d'autres outils de transformation déjà présents ? Pour Benoît Carton, une chose est sûre : «Il faudra veiller à respecter les outils actuels. Un projet comme celui d'AKS ne doit pas venir les déstabiliser.» Pour le directeur de la CGB Normandie, le temps est à la mesure : «Il ne faut pas être dans le déni, mais on se garde aussi d'être trop enthousiastes.» Et la CGB d'appeler l'industriel dubaïote à «engager le dialogue et la consultation avec les agriculteurs».

Campagne 2022-2023 : les betteraviers européens inquiets

La Confédération internationale des betteraviers européens (CIBE) qui a exprimé le 17 mars «toute (sa) solidarité avec le peuple ukrainien, ses agriculteurs et son industrie sucrière, lourdement impactés par la guerre», s'est également inquiétée de la prochaine campagne. Elle devrait, selon elle, baisser de 2 % en Europe. Cette cinquième baisse consécutive est due, selon la CIBE, aux différentes hausses (fertilisants, énergies...) qui contraignent certains agriculteurs à abandonner cette culture. La confédération demande la révision du prix de référence du sucre (404,4 E/t sortie usine) qui est «stable depuis dix-sept ans». Il doit prendre «en compte la hausse significative des coûts agricoles et industriels, de manière à bâtir un filet de sécurité efficace pour le secteur». Il en «va de la durabilité et de la résilience du secteur», insiste-t-elle en prévenant qu'une «nouvelle baisse de la surface betteravière lors de la campagne 2023-2024 pourrait conduire à une situation de crise, en termes d'approvisionnement en betterave, dans plusieurs régions européennes».

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