L'Oise Agricole 06 février 2020 a 09h00 | Par Dorian Alinaghi

Avec l’Agroforum, la coopérative Agora accompagne les agriculteurs vers différents types d’agriculture

Le mercredi 29 janvier à Clermont, la coopérative Agora a convié l’ensemble de ses adhérents au 10 ans de l’Agroforum. Cet événement dédié à l’agronomie et à l’innovation mobilise chaque année plus de 500 agriculteurs. À travers différentes interventions, Agora montre à nouveau sa mobilisation pour accompagner ses adhérents dans le changement de modèle et vers une agriculture de projet.

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À la table ronde : Thomas Coevoet, Florian Strube, Thomas Bourgeois, et Gilles Salitot. Tous sont agriculteurs biologiques ou conseiller en bio.
À la table ronde : Thomas Coevoet, Florian Strube, Thomas Bourgeois, et Gilles Salitot. Tous sont agriculteurs biologiques ou conseiller en bio. - © D.

Pour cette 10e édition, l’Agroforum a débuté en faisant un focus sur l’état du bio en Hauts-de-France. En 2018, on compte 1.003 fermes bio, soit 3,8 % des fermes régionales, 1 emploi direct pour 8,2 ha, 5.600 emplois directs, soit 6,2 % de l’emploi direct agricole régional, 38.469 hectares bio ou en conversion, soit 1,8 % de la SAU régionale, et 16 % des installations agricoles étaient en bio (en 2017).

Une croissance de la production bio qui ne faiblit pas dans chaque département de la région. On recense 137 fermes bio dans l’Oise pour 2,64 % de SAU, 167 fermes pour 1,18 % de SAU dans la Somme, 201 fermes pour 1,11 % de SAU dans le Pas-de-Calais, 344 fermes pour 3,43 % de SAU dans le Nord et 134 fermes bio pour 1,23 % de SAU dans l’Aisne. Autant dire qu’il fait bio vivre dans les Hauts-de-France.

Les principales orientations de ces fermes sont souvent les grandes cultures, le maraîchage et les bovins lait. Il s’agit d’une vraie dynamique car, selon l’observatoire des installations aidées/PAIT, 155 agriculteurs étaient en conversion et installations en 2018 (soit une augmentation de + 15 % de nouvelles fermes par rapport à l’année précédente). 5.120 ha ont été convertis à l’agriculture biologique en 2018 (soit une augmentation de 14 % par rapport à 2017).

Selon Gilles Salitot, conseiller en agriculture biologique à la Chambre d’agriculture de l’Oise, un agriculteur biologique, c’est «un agronome qui raisonne d’abord à l’échelle de son système avant de penser à la conduite quotidienne de ses cultures ; un observateur au quotidien ; quelqu’un qui anticipe beaucoup ; et très souvent en auto-apprentissage».

Différents enjeux gravitent autour de la conversion ! Il s’agit avant tout d’une évolution des pratiques agronomiques, d’adopter un nouvel assolement, de découvrir de nouvelles cultures, de maîtriser l’enherbement et l’azote. «Un régime azoté limitant entraîne une concurrence moins élevée des graminées et une pression limitée des maladies et des ravageurs comme les pucerons. Maîtriser la compétition entre la culture et les adventices se fait par des dates de semis retardées à l’automne et au printemps, un labour plus fréquent en évitant le repiquage le jour du semis. La recherche d’un équilibre à l’échelle de la parcelle passe par la diversité des solutions mises en œuvre comme des rotations longues, une diversité des cultures…» explique Gilles Salito.

Carbonfarming, agriculture hybride...

La gestion des terres est l’un des principaux contributeurs au changement climatique. L’agriculture est le seul secteur qui a la capacité de passer d’un émetteur net de CO2 à un séquestrant net de CO2. Les pratiques agricoles courantes, notamment la conduite d’un tracteur, le labour du sol, le surpâturage, l’utilisation d’engrais, de pesticides et d’herbicides à base de combustibles fossiles, entraînent une importante libération de dioxyde de carbone.

Alternativement, le carbone peut être stocké à long terme (des décennies à des siècles ou plus) avantageusement dans les sols dans un processus appelé séquestration du carbone dans le sol. La culture du carbone implique la mise en œuvre de pratiques connues pour améliorer la vitesse à laquelle le CO2 est éliminé de l’atmosphère et converti en matériel végétal et/ou en matière organique du sol. La culture du carbone est réussie lorsque les gains de carbone résultant d’une gestion améliorée des terres et / ou des pratiques de conservation dépassent les pertes de carbone.

«Quand on me parle du futur, je réponds que nous y sommes déjà ! Actuellement, il y a beaucoup de débats au sujet du CO2. Intéressons-nous par exemple à la question de l’utilisation de l’humus, que les associations écologistes mettent souvent en avant. La question que je me pose est la suivante : pourquoi chercher à stocker de manière permanente de l’humus durable dans le sol plutôt que de produire de l’humus nutritif pour les plantes ? Celui-ci est en effet le produit d’une décomposition rapide. Par ailleurs, nous avons besoin d’une certification relative aux émissions de CO2, reconnue par un organisme certificateur. Pour les organismes certificateurs, les émissions de CO2 sont un potentiel important, notamment pour les constructeurs automobiles ou la grande distribution. Cette dernière ne vise pas seulement la neutralité des émissions de CO2, mais envisage même d’avoir un bilan carbone positif. Pour cela, elle pourrait, par exemple, faire la promotion de produits alimentaires provenant de producteurs dont il a été prouvé que leurs techniques culturales permettent d’accumuler du CO2 dans le sol. Imaginez simplement quel effet cela pourrait avoir sur le consommateur de plus en plus préoccupé par les enjeux climatiques», explique Michael Horsch, fondateur de la société éponyme.

La culture du carbone est un large ensemble de pratiques agricoles à travers une variété de types d’exploitations qui entraînent un stockage accru du carbone atmosphérique dans le sol. Beaucoup de ces pratiques sont courantes dans l’agriculture biologique, l’agriculture régénérative, la permaculture et d’autres approches de la production alimentaire. Lorsque les plantes photosynthétisent, elles éliminent le dioxyde de carbone de l’atmosphère et le stockent. À leur mort, ce carbone est, soit rejeté dans l’atmosphère, soit stocké pendant de longues périodes dans le sol. De nombreuses pratiques d’agriculture conventionnelle entraînent la libération du carbone, tandis que les pratiques classées dans l’agriculture carbone visent à faire le contraire.

Voici quelques exemples de pratiques que les agriculteurs (ou même les jardiniers) peuvent utiliser pour aider à séquestrer le carbone et à améliorer la santé des sols. La biomasse restante est restituée au sol sous forme de paillis après la récolte au lieu d’être retirée ou brûlée. Les pratiques conventionnelles de travail du sol sont remplacées par le travail de conservation du sol, la culture sans labour et/ou le paillage. Les cultures de couverture sont cultivées hors saison au lieu de laisser les terres cultivées nues. Les monocultures continues sont remplacées par des rotations de cultures de grande diversité et des pratiques agricoles intégrées. L’utilisation intensive d’engrais chimiques est remplacée par une gestion intégrée des nutriments et une agriculture de précision. Les cultures intensives sont remplacées par des terres cultivées intégrées aux arbres et au bétail.

Beaucoup de ces pratiques peuvent être utilisées en combinaison les unes avec les autres ou appliquées une à la fois. En plus de compenser les émissions, les pratiques de culture du carbone ont l’avantage supplémentaire de restaurer les sols dégradés, d’améliorer la production agricole et de réduire la pollution en minimisant l’érosion et le ruissellement des nutriments, en purifiant les eaux de surface et souterraines et en augmentant l’activité microbienne et la biodiversité des sols. Les avantages supplémentaires de la culture du carbone signifient que plus de nourriture peut être produite avec moins de pollution, tout en construisant le sol et en séquestrant le dioxyde de carbone. Si elles sont réalisées à une échelle suffisamment grande, les pratiques de culture du carbone ont le potentiel de commencer à inverser les effets catastrophiques du changement climatique.

«Avec le changement climatique, les agriculteurs ont une nouvelle chance de se rapprocher des enjeux de société. À deux reprises au cours des 100 dernières années, la recherche agricole a cherché à produire de l’humus. La première fois, c’était en 1920, après la Première guerre mondiale en raison de la famine, puis à nouveau en 1950, après la Seconde guerre mondiale. À cette époque, le défi de l’agriculture était de produire suffisamment de denrées alimentaires pour nourrir correctement la population. La production d’humus était alors au premier plan. Au début des années 1960, les tracteurs, les engrais, les produits phytosanitaires et la sélection génétique sont arrivés en force et les rendements ont commencé à augmenter régulièrement. L’humus a alors joué un rôle moins important. Beaucoup de critiques de l’agriculture conventionnelle affirment même que l’humus aurait été dégradé. En raison de la forte augmentation des rendements dans les années 70, 80 et 90, la quantité de nutriments dans l’humus aurait même augmenté. Le glyphosate est considéré, du point de vue politique, comme interdit en Europe occidentale, du moins pour le moment. Pour lutter contre l’érosion et préserver la composition en humus, le glyphosate en petites quantités, en remplacement partiel du travail du sol, serait certainement une contribution respectueuse de l’environnement.

La nouveauté est plutôt dans le fait que la biotechnologie moderne est à-même d’expliquer plus précisément ce qui se passe et comment en tirer profit. Cependant, nous voyons ici un champ d’action très intéressant pour mieux comprendre et utiliser, par exemple, les relations dans le sol et la plante et leurs effets positifs. La réduction des fongicides et des insecticides, jusqu’à ce qu’ils puissent être complètement remplacés, est une autre piste intéressante. Nous observons actuellement cela avec les grands producteurs de soja au Brésil. De plus, nous sommes curieux de voir comment l’agriculture hybride va évoluer. Les points de vue de l’agriculture bio et ceux de l’agriculture conventionnelle se rejoignent ici. Peut-être qu’une forme complètement nouvelle de production alimentaire pourra être anticipée en combinaison avec la biotechnologie moderne. Suivre ces évolutions sera plutôt excitant,» souligne Michael Horsch.

La fermentation de précision (FP) et le flexitarisme (moins d’aliments d’origine animale pour davantage d’aliments végétaux) sont à la hausse. Il existe des groupes de réflexion qui prévoient que la FP remplacera 50 % de la viande de bœuf dans dix ans, rien qu’aux États-Unis. «Les gens mangent des animaux qui mangent des plantes. Si nous éliminons simplement cette étape intermédiaire et mangeons directement les plantes, nous diminuerons notre empreinte carbone, diminuerons l’utilisation des terres agricoles, éliminerons les risques pour la santé associés à la viande rouge et atténuerons les préoccupations éthiques concernant le bien-être animal. Pour beaucoup d’entre nous, le principal obstacle à l’exécution de ce plan est que la viande a bon goût. Très bien. En revanche, un hamburger végétarien a le même goût qu’un hamburger traditionnel. Il ne satisfait pas l’envie car il n’a pas l’apparence, l’odeur ou le goût du bœuf. Il ne saigne pas comme le bœuf», explique Micheal Horsch.

Impossible Foods, une société basée en Californie, cherche à changer cela en ajoutant un produit végétal à son hamburger végétarien avec des propriétés que les gens associent normalement aux animaux et lui donnent les qualités souhaitées de bœuf.

L’impossible Burger est vendu dans les restaurants locaux depuis 2016 et étend maintenant son marché à l’échelle nationale en s’associant à Burger King pour créer l’Impossible Whopper. Ce dernier est actuellement en cours de test commercialisé à Saint-Louis, avec des plans d’expansion.

La clé du succès de la biologie de précision est ce qu’on appelle la «fermentation de précision». Il s’agit de la combinaison de la biologie de précision avec le processus séculaire de fermentation. La fermentation de précision est le processus qui nous permet de programmer des micro-organismes pour produire presque n’importe quelle molécule organique complexe. Il s’agit notamment de la production de protéines (y compris les enzymes et les hormones), de graisses (y compris les huiles) et de vitamines selon des spécifications précises, en abondance et, finalement, à des coûts marginaux approchant le coût du sucre. Ces molécules sont des ingrédients vitaux dans un large éventail d’industries car elles apportent structure, fonction et nutrition aux produits de consommation.

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