L'Oise Agricole 26 avril 2021 a 10h00 | Par Gaetane Trichet

Découvrir et protéger les busards

Les busards sont aujourd’hui une espèce menacée. Il est facile et indispensable de les préserver. Alexandre Lécuyer explique pourquoi.

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«En plus du fait que ce soit un oiseau magnifique qui vole au-dessus des parcelles agricoles comme un voilier. C’est impressionnant !»
«En plus du fait que ce soit un oiseau magnifique qui vole au-dessus des parcelles agricoles comme un voilier. C’est impressionnant !» - © Alain Balthazard

«J’ai vu plusieurs fois un rapace dans un champ de luzerne et je me suis demandé quel pouvait être cet oiseau différent des autres» se souvient Alexandre Lécuyer, agriculteur à Monceau-le-Neuf (Aisne).

Il se renseigne auprès d’un de ses amis dans les Hautes-Alpes qui l’oriente vers un fauconnier dans la Nièvre. «Après ma description, il m’a annoncé que cela pouvait être un busard. Il m’a donné le numéro de téléphone d’Alain Balthazard, photographe animalier dans la Marne, qui a protégé 35 nids l’an passé. Pas de doute, c’était bien un busard. Un busard avec des traits sous les ailes, donc un cendré, encore plus rare que le Saint-Martin.»

Alexandre s’intéresse alors de plus près à ces oiseaux et deux ornithologues d’Amiens viennent lui apprendre à repérer les busards et lui expliquent comment les protéger. C’est urgent car selon Alain Balthazard, spécialiste des busards, il ne reste que 5.000 couples de busards cendrés.

Le danger des moissonneuses-batteuses

L’œil aguerri, Alexandre Lécuyer commence à voir un busard, puis deux, puis trois… «On en trouve sur le territoire de Monceau-le-Neuf mais aussi sur Le Hérie, Parpeville, Chevresis, Bois-les-Pargny, Sains-Richaumont et même entre Pouilly-sur-Serre et Couvron. Les busards sont des oiseaux migrateurs. Ils passent l’hiver en Afrique sub-saharienne et remontent chez nous fin avril».

Assez rapidement, ils commencent à nicher, à pondre, à couver, généralement dans les escourgeons et autres céréales à paille. «Le busard est un rapace qui niche au sol, comme les faisans, les perdrix… Quand ils arrivent ici, ils pondent un œuf tous les deux jours avec un maximum de 6 œufs, que la femelle couve dès le premier jour. Ce qui fait que les naissances sont décalées, espaçant de 8 jours le plus grand et le plus petit des oisillons. En général, les femelles retournent en Afrique en premier vers le 15 août et les jeunes partent 15 jours à 1 mois plus tard. La couvée dure un mois, les oisillons mettent encore un mois avant de pouvoir voler, entre le 1er juillet et début août.» Or, depuis quelques années, les moissons sont de plus en plus précoces et les oiseaux sont happés par les moissonneuses-batteuses. «Quasiment 85 % des jeunes sont montés dans les engins. Une hécatombe ! Et personne le ne sait». Les busards cendrés et les Saint-Martin, qui ont un faible taux de survie, de 1 à 2 pour 10, sont des espèces protégées et «il est de notre devoir de les préserver». C’est pourquoi Alexandre s’est déjà rapproché de ses voisins à qui il explique les enjeux de la protection des busards, comment les repérer et que faire pour éviter de les tuer.

Protéger les busards avec un grillage

La première chose, c’est de les repérer. Lorsqu’ils arrivent début fin avril, les premières parades nuptiales commencent. La femelle va vite chercher à s’installer. On peut aussi observer l’échange de nourriture en plein ciel. Lorsque la femelle couve, c’est le mâle qui la nourrit. En fait, la femelle jaillit du nid, il y a un échange de proies dans le ciel et la femelle retourne au nid et mange.

«Si vous êtes là au moment de l’échange de proie, vous arrivez à voir d’où sort la femelle et où elle rentre». La localisation par drone permet de repérer les nids, sans dégâts aux cultures, sans déranger les oiseaux ni laisser de traces olfactives qui pourraient attirer les prédateurs.

Pour épargner des familles de busards, il suffit de placer un grillage d’1,5 m x 1,5 m autour du nid en laissant libre l’accès par le haut, de planter des sardines au pied pour protéger le nid des renards, et pourquoi pas, de placer un fanion pour repérer l’emplacement du nid sans problème. «Les busards sont des rapaces qui aiment de poser sur les piquets» précise Alexandre.

Dans la Marne, un autre type de cage a été inventé où le grillage est posé sur le fond, ce qui permet de retirer carrément le nid lors du passage de la moissonneuse et de le replacer juste après. Ainsi, durant la moisson, le nid est repéré, la moiss-batt passe à côté et les oiseaux sont sauvés. «Une action de protection se réalise à un certain moment de la journée, pas trop tôt pour que les œufs ne souffrent pas du froid, pas trop tard pour éviter la chaleur, et il faut faire attention à ce qu’ils ne restent pas trop longtemps tout seuls. Il faut ensuite surveiller le retour de la mère. Au départ, elle hésite puis, rapidement, l’instinct prend le dessus, elle retourne couver. Et là, c’est gagné !».

Au-delà d’être un oiseau magnifique, le busard est un allié pour les agriculteurs en jouant un rôle important de prédation de souris, de campagnols et autres rongeurs, jusqu’à 80 % de son alimentation. «Un busard mange jusqu’à 5 souris par jour. Par exemple, un couple avec 4 petits va avoir besoin de 30 souris par jour. C’est donc un super auxiliaire de l’agriculture». Sur ses lieux d’hivernage africain, son régime est composé uniquement de sauterelles.

Une image positive de l’agriculture

«En tant qu’agriculteur j’estime être responsable. Les busards sont une espèce menacée en partie de notre faute. On n’est pas coupable car on ne le savait pas, mais responsable. Quand je suis allé voir mes voisins en disant qu’il y a un nid de busards dans leur champ, ils étaient tous d’accord pour préserver l’espèce, ils se sont sentis investis. Les agriculteurs ont fait des efforts pour effaroucher le gibier, pour éviter de détruire des nids de faisans… alors il faut aussi gérer les busards».

Les agriculteurs sont proches du terrain et défendent la biodiversité. Ce genre d’actions est en une preuve. «Les deux ornithologues venus d’Amiens, très écolos, avaient des a-priori évidemment sur mon métier, ils se méfiaient de moi. Très vite, en travaillant ensemble, ils se sont aperçus que nous étions proches de la nature, prêts à sauver les oiseaux. Nos discussions ont été plus loin, nous avons discuté des pulvés, etc et ils sont repartis d’ici avec une autre vision de l’agriculture» assure Alexandre Lécuyer qui se dit prêt à expliquer aux agriculteurs intéressés,comment faire pour repérer et préserver les busards.

Quelques conseils d’observation

L’observation et la patience sont deux qualités nécessaires pour apercevoir des busards. Parfois, au moment de la ponte, le mâle reste posé au bord d’un chemin. Pour les reconnaître, la femelle est marron et ressemble à une buse, le mâle est gris, presque blanc. Ces rapaces ne s’installent que dans les céréales à paille.

Généralement, leur terrain de chasse reste près du nid, ils ne s’éloignent pas plus de 2 km. C’est surtout au moment de l’échange de nourriture, dans le ciel, que les busards sont visibles. Un spectacle impressionnant. Tout comme son vol par ailleurs. Trois coups d’ailes et le busard se laisse planer longuement, tel un voilier.

«La France est le plus gros spot européen, surtout le Nord et particulièrement la Marne où le nombre de busards est assez important. L’Aisne est visiblement bien placée, mais je pense qu’il y a beaucoup d’observations à faire pour voir les busards Saint-Martin et cendrés, ces derniers étant rares». Son envergure peut atteindre entre 97 et 115 cm pour un poids de 300 à 450 grammes. Ce qui caractérise une femelle, elle a du maquillage blanc autour des yeux que la buse n’a pas. Donc au sol, aux jumelles, si y a du maquillage blanc autour des yeux, c’est une femelle busard.

Pour inciter les gens dans son secteur à protéger les busards, Alain Balthazard a créé une page Facebook «protection des busards marnais» avec explications (comment et où les trouver, comment les protéger, comment fabriquer une cage…) et des photos pour différencier les mâles des femelles, les Saint-Martin des cendrés. Pour tous renseignements : Alexandre Lécuyer 06 84 33 23 96 ou Alain Balthazard 06 88 78 72 20.

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