L'Oise Agricole 17 juin 2021 a 09h00 | Par Lucie de Gusseme

FRSEA et JA tendent le micro aux candidats

Vendredi dernier, les Jeunes agriculteurs et la FRSEA des Hauts-de-France ont invité les candidats aux élections régionales. Compte-rendu des débats qui ont eu lieu sous le hangar à pommes de terre d'Hubert Verbeke, à Aix-en-Pévèle (59).

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Qu'ils soient tête de liste ou candidats aux élections régionales, chacun
a pu présenter ses ambitions et projets pour l'agriculture régionale.
Qu'ils soient tête de liste ou candidats aux élections régionales, chacun a pu présenter ses ambitions et projets pour l'agriculture régionale. - © Agence de presse

Une cinquantaine de chaises disposées à plus d'un mètre de distance les unes des autres quadrillent la poussière du hangar à pommes de terre. Transformé en arène politique le temps d'un après-midi, le Gaec Verbeke d'Aix-en-Pévèle (59) accueillait, vendredi 11 juin, le débat sur la politique agricole régionale organisé par la FRSEA des Hauts-de-France. Après une visite de l'exploitation de polyculture élevage, la valse des candidats au pupitre commence, au rythme de dix minutes chacun, puis des questions-réponses. «Demain, vous serez élus, vous serez aux manettes de décisions importantes pour l'agriculture régionale, leur lance en préambule Laurent Degenne, président de la FRSEA et animateur du débat. C'est important d'avoir des élus qui arrivent à faire descendre les budgets nationaux et européens sur le territoire.»

Politique «ascendante»

Premier à se lancer : Michel Delepaul, maire de Bois-Grenier (59), pour la liste LREM. Premier axe défendu : accompagner tous les agriculteurs dans la transition. «Il faut arrêter de prendre les agriculteurs pour des inconscients, clame-t-il. Notre idée, c'est : pas d'interdiction sans solution. Essayer de favoriser les investissements dans le nouveau matériel de pulvérisation, mobiliser des moyens sur la ressource en eau et l'agriculture durable...» LREM veut aussi une agriculture solidaire, qui facilite notamment les reconversions ou les sorties en cours de carrière, instaurer de vraies relations entre lycées et entreprises agricoles, pour travailler sur l'image de l'enseignement agricole, et aussi financer la prise de risque de ceux qui souhaitent changer leur manière de travailler, via la transition numérique notamment. «En clair, une politique ascendante plutôt que descendante, et une agriculture de progrès pour que vous puissiez vivre dignement de votre métier.»

L'enjeu de la main-d'oeuvre

Place ensuite à Clément Bezine, professeur en lycée professionnel dans le Nord, pour Lutte ouvrière. Changement d'ambiance. «Vous ne m'entendrez pas parler du Conseil régional comme de quelque chose qui peut nous venir en aide, avance-t-il tout net. D'un côté, on a six millions de chômeurs. De l'autre, il y a des besoins partout. La crise l'a mis en lumière : alors qu'on manquait de tout dans les hôpitaux, le gouvernement s'est empressé de déverser des milliards dans les grandes entreprises. Sous prétexte d'aider les entreprises, ce sont toujours les gros qui touchent le pactole. L'agriculture n'échappe pas aux lois du capitalisme où les gros mangent les petits.»

«Vous nous parlez de millions de travailleurs disponibles, mais comment les trouver pour nos exploitations ?», interpelle alors Charlotte Vassant, agricultrice dans l'Aisne. «J'ai voulu insister sur les 42 milliardaires français qui possèdent ce qu'il faut pour résoudre le problème du chômage, répond Clément Bezine. Les grandes entreprises doivent être transparentes sur leurs marges, et il faudra leur imposer.» «Je n'ai pas de formule magique, réagit à son tour le représentant de LREM. Il faut travailler sur votre image de marque, notamment auprès des jeunes. On est aussi une région où on a de nombreux travailleurs migrants. Ce n'est qu'une piste de réflexion, mais pourquoi ne pas les faire travailler dans vos exploitations, de façon encadrée ?»

Localisme et sécurité

Carlos Descamps, «cinquième génération d'agriculteurs périurbains», prend ensuite le micro pour le Rassemblement national. «Il faut qu'on redore notre image, car elle a été salie, ternie.» Pistes phares du RN : le localisme et l'économie circulaire pour plus de patriotisme économique. («À côté de Lille oui, mais c'est difficile à faire dans des zones très reculées», lui objectera-t-on plus tard. «Arrêter l'exportation, c'est fermer deux sucreries sur trois !») L'Europe «égalitaire» car «à force de laver plus blanc que blanc, on devient transparent !», la simplification administrative, la sécurité aussi. «Une police oui, mais au service de l'agriculteur!»

«C'est le troisième discours que j'entends qui est plus national que régional !», réagit Benoît Vaillant, le JA qui filme les échanges. Ce n'est pourtant pas fini. C'est ensuite au tour de Pierre Lehembre, étudiant en Droit de 22 ans, pour la Liste d'Union citoyenne et européenne. «Petit-fils d'agriculteurs au Portugal», il reconnaît d'entrée de jeu ne pas maîtriser le sujet du jour. Après avoir fait le voeu d'une agriculture «paysanne, locale et durable», «rémunératrice», et qui doit «attirer les jeunes», il évoque de possibles partenariats avec les lycées. «Réinsérer les migrants dans l'agriculture serait une solution pour l'emploi», ajoute-t-il, avant de proposer sa mesure la plus claire : la gratuité des TER pour désenclaver les zones rurales.

Arrive ensuite Nicolas Richard, de l'Union de la gauche, petit-fils de bûcheron. Après les présentations, place aux idées : diminuer, voire arrêter l'artificialisation des sols en soutenant notamment les Safer ou Terre de lien, augmenter les surfaces bio - «car qui prendra le marché s'il n'y en a pas en Hauts-de-France, les Espagnols, les Polonais ?» -, les circuits courts et la vente directe «en partie», la biodiversité et l'environnement... «On en parle toujours sous forme de contrainte, mais c'est une demande sociétale. L'agriculture bio est aussi consommatrice d'emplois, même si c'est sûr qu'il faut avoir les moyens d'embaucher...»

«Task force» agricole

Tout à coup, comme un invité qu'on n'attendait plus, il arrive, saluant notamment Marie-Sophie Lesne et Christine Delefortrie, ses deux déléguées à l'agriculture. Xavier Bertrand s'avance derrière le pupitre. «Ils sont nombreux dans ma liste à connaître et aimer le monde agricole, annonce-t-il. Au moment de voter, demandez-vous qui n'a jamais pratiqué l'agribashing. Qui vous a systématiquement défendus dans les médias, depuis des années. Qui s'est fait en permanence l'avocat de l'agriculture régionale.» Bilan chiffré à l'appui, il amorce une rafale de chiffres. «Sur le mandat, nous aurons dépensé 311 ME en cumulant les fonds régionaux et Feader. Un agriculteur sur deux a été aidé par la région. Il y a 12 000 agriculteurs qui ont été soutenus. 1 650 JA ont été aidés pour 30 ME. Plus de 30 ME ont été investis dans les 16 lycées publics agricoles, et 6 ME dans les maisons familiales et rurales.»

Place ensuite à une litanie d'annonces précises, tous azimuts. En matière de bio, pas de sectarisme. «Je marche sur deux jambes, il y a ceux qui veulent passer en bio, et ceux qui ne le veulent pas. Nous continuerons à aider les deux.» Filière protéines, méthanisation, boîtiers éthanol... Il évoque les grands sujets de la bioéconomie et de l'énergie, non sans une référence ici ou là à sa possible candidature à l'élection présidentielle de 2022. «Il y a, bien sûr, le contexte national, lance-t-il l'air de rien. Je pourrais m'exprimer là-dessus, mais vous ne m'avez pas invité pour cela.»

Pour aider la profession en ces temps de réchauffement climatique, Xavier Bertrand envisage la création d'un fonds régional d'urgence climatique, sanitaire et économique «pour aider les agriculteurs touchés, sans avoir besoin de délibérer», mais aussi : un plan de modernisation des bâtiments d'élevage, aide au photovoltaïque et à la microméthanisation, financement de la mécanisation pour la culture de l'herbe, construction de retenues d'eau pour anticiper les sécheresses, création d'une «task force» entre la région et la profession agricole pour décider des nouvelles orientations... Ainsi que des aides aux cédants qui choisiraient d'installer des JA plutôt que de céder pour agrandissement. La liste est encore longue. «Je préfère continuer à donner à manger à mes enfants ce qui vient de chez nous !», conclut-il, avec le ton de celui qui vient de river le dernier clou à un bel ouvrage.

Point de vue de Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France
et Édouard Brunet, président de JA Hauts-de-France

La Région : ne pas sous-estimer son rôle en agriculture

Les réformes des politiques publiques successives ont considérablement renforcé le rôle des Régions qui sont dotées de compétences impactantes pour nos métiers. La Région dispose entre autres de la compétence économique qui permet d'accompagner le développement des entreprises, dont les exploitations agricoles. L'aménagement du territoire relève également de ses fonctions, via des schémas régionaux tels que le Sraddet. La Région est aussi autorité de gestion des fonds européens (Feader, Feder, FSE), ce qui impacte directement les exploitations agricoles : en particulier sur l'aide à l'investissement (via le PCAE) et l'installation qui sera désormais gérée entièrement par la Région.

C'est pourquoi nous avons été attentifs, dans les propos des candidats rencontrés vendredi dernier, à repérer l'ambition portée pour l'agriculture des Hauts-de-France. Et il est clair qu'il y a des écarts importants entre les différentes listes. Lutte Ouvrière prône un modèle anticapitaliste, contradictoire avec le fonctionnement de l'agriculture et la puissance agroalimentaire qu'elle représente. Le Rassemblement National mise sur moins d'Europe et moins d'export, ce qui pose question quant à leur capacité d'assumer le rôle d'autorité de gestion des fonds européens. L'union de la gauche semble cantonner l'agriculture à un rôle environnemental. Nous pouvons craindre que les projets de développement soient relégués à un second plan. Pour nous, il est primordial que la future collectivité régionale prenne en compte l'agriculture dans toute sa diversité, sa vocation exportatrice ainsi que ses filières de transformation. Les fonds européens doivent être valorisés à travers des projets de développement et d'accompagnement des transitions. La Région doit oeuvrer en faveur de la formation aux métiers de l'agriculture, de l'installation des porteurs de projet et de la transmission des exploitations agricoles. La mandature actuelle a initié une dynamique allant dans ce sens qu'il serait dommage d'enrayer. Ne sous-estimez pas l'importance de la Région pour l'agriculture, n'oubliez pas d'aller voter les 20 et 27 juin.

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