L'Oise Agricole 22 août 2021 a 08h00 | Par Ademe

Gérer les déchets, l'enjeu d'une génération

La consommation à outrance, la culture de l'éphémère, de l'obsolescence programmée conduisent la société dans une impasse. L'équation à résoudre est la suivante : comment satisfaire les besoins croissants - et quasi sans limite - de la population à partir de matières premières qui, elles, ne sont pas infinies ? Une bataille qui ne se gagnera pas simplement en interdisant l'usage des sacs ou des pailles en plastique...

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À partir du déclin des 30 glorieuses, période de montée en puissance de la consommation, la gestion des déchets est devenue peu à peu une priorité à la fois pour les décideurs politiques, État et collectivités territoriales, et pour les citoyens.
Qu'en est-il de la production de déchets en France ? En 2017, elle était évaluée à 326 millions de tonnes (soit 4,9 tonnes/habitant), dont 224 millions rien que pour le secteur de la construction, 70 millions de tonnes pour les autres activités économiques et 32 millions pour les ménages. Près de 11 millions de tonnes sont considérées comme déchets dangereux. Les déchets agricoles, réutilisés sur les exploitations, ne sont pas comptabilisés ici.

Un arsenal législatif
La politique de gestion et de réduction des déchets est structurée par le programme national de prévention des déchets (2014-2020), qui fait suite à un premier plan du même nom (2004-2012). Depuis 2015 et la loi de transition énergétique, cette politique s'intègre dans le cadre plus large de la transition vers l'économie circulaire (1) et l'utilisation efficace des ressources. L'ambition de cette loi est large : elle concerne aussi bien les déchets des ménages que ceux des entreprises et des administrations. Outre la réduction des déchets ménagers, le programme vise à une stabilisation des déchets des activités économiques et a une réduction de la production des déchets issus du BTP.
En février 2020, une nouvelle loi relative au gaspillage et à l'économie circulaire a été votée. Elle vise plusieurs objectifs. Tout d'abord, une meilleure information des consommateurs par les fabricants de biens sur les caractéristiques environnementales de leurs produits (matières recyclées, compostabilité, réemploi, recyclabilité...), la mise à disposition de pièces détachées pour les meubles et le matériel médical et une information sur les perspectives de durée minimale de mises à jour correctives des systèmes d'exploitation pour les smartphones et tablettes.
Concernant la lutte contre le gaspillage, la loi prévoit plusieurs obligations : céder gratuitement les invendus non transformables à des associations voire à des grossistes ; réutiliser ou recycler les invendus non alimentaires ; fournir un contenant réutilisable ou accepter celui du consommateur s'il est propre et adapté et enfin, communiquer sur la mise au rebut afin d'inciter les citoyens au recyclage.
Pour les plastiques, la production des objets à usage unique (gobelets, couverts, etc.) sera interdite. Le législateur a fixé comme but d'atteindre un taux de collecte de recyclage des bouteilles plastiques de 77 % en 2025 et 90 % en 2029.
Dans un autre registre, les bars et restaurants sont contraints d'informer sur la mise à disposition d'eau potable gratuite.

Des premiers résultats
Ces efforts en matière de gestion des déchets entrepris depuis plusieurs années semblent porter leurs fruits. Si la tendance de la production de déchets était à la hausse jusqu'en 2010 (+ 10 % entre 2006 et 2010), un virage a été amorcé. Les déchets des ménages sont concernés par cette baisse, grâce notamment à l'amélioration du tri sélectif qui permet d'écarter cartons, papiers, etc.
Les déchets putrescibles ont également commencé à baisser grâce aux efforts de la promotion du compostage et de la lutte contre le gaspillage alimentaire (voir encadré). Par ailleurs, la méthanisation des déchets gagne du terrain. Au 31 décembre 2018, 635 installations en France produisaient de l'électricité à partir de biogaz et 76 du gaz naturel. Cette progression est due notamment au développement des unités de méthanisation dans le monde agricole.
Concernant les déchets économiques maintenant. 76 % des 294 millions de tonnes de cette catégorie proviennent des activités du BTP. Hors construction, la France est un bon élève. Elle produit moins de déchets que ses voisins européens, même la vertueuse Allemagne. Inversement, dans le secteur BTP, elle en produit deux fois plus ! Parallèlement, dans l'industrie, plusieurs secteurs d'activités ont mis en place des filières à responsabilité. Ainsi, les fabricants nationaux, les importateurs et les distributeurs doivent prendre en charge la collecte séparée pour le recyclage ou le traitement des déchets issus de leurs produits. C'est le cas par exemple des bouteilles de gaz, des cartouches d'impression bureautique et bientôt du BTP et des fabricants d'emballages commerciaux. Attention toutefois. On a constaté qu'en période de reprise économique, comme en 2017, la production de déchets avait tendance à repartir à la hausse. La partie est donc loin d'être gagnée...

Recycler les déchets, c'est bien, les éviter c'est mieux
S'il est indispensable de recycler les déchets, il est urgent d'en réduire la production, autant pour des raisons écologiques qu'économiques. En premier lieu, la réduction de la quantité de déchets vise à préserver les ressources en matières premières qui ne sont pas illimitées. Chaque Français en consomme par an 12,4 tonnes. Un chiffre qui interpelle. Réduire les déchets, c'est donc d'abord produire autrement. Ainsi la création de produits dits biosourcés pour les produits industriels non alimentaires est encouragée. Il s'agit de substituer les matières premières fossiles (pétrole...) par des matières premières renouvelables issues de la biomasse (par exemple des végétaux). De la sorte, on réduit notre dépendance aux énergies fossiles et on limite les impacts environnementaux de la fabrication de biens de consommation (détergence, cosmétique, bâtiment, emballage, etc.). Par ailleurs, la réduction de la production de déchets permet de limiter les rejets de gaz à effets de serre et donc l'empreinte sur la planète. Car la simple destruction de ses déchets (incinération ou enfouissement) est un vecteur de dégradation pour l'environnement. Au niveau économique cette fois, les déchets coûtent cher. La fin de vie d'un produit comprend la collecte, l'acheminement, le recyclage et l'élimination ou l'enfouissement des déchets.

Le traitement des déchets est donc un poste de dépenses très important pour les collectivités et, in fine, pour les administrés. Et puis, devant l'importance du volume, les centres de tri et de traitement de déchets n'ont tout simplement plus la capacité d'absorber, d'où la nécessité d'implanter de nouveaux centres ou d'agrandir ceux qui existent, au grand dam parfois des riverains. Le programme national des préventions des déchets appelle donc tout le monde à la responsabilisation : particuliers, entreprises et collectivités. Il faut à la fois limiter le volume de déchets produits quantitativement mais aussi qualitativement en évinçant l'usage de produits dangereux pour la santé humaine et l'environnement.
En résumé, dans cette stratégie de prévention, on distingue deux temps : la prévention amont, encourager les entreprises à produire moins de déchets en devenir et la prévention aval qui concerne les consommateurs qui sont appelés à être plus responsables dans leurs actes d'achat (acheter du vrac avec des emballages pérennes, etc.) ou d'avoir une gestion vertueuse de leurs déchets (compostage domestique, orientation des produits en fin d'usage vers la réparation ou les filières de réutilisation, etc.). À nous tous de jouer et de relever le défi !

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