La filière céréalière bio régionale cherche des producteurs
L’UCBC (Union coops bio céréales), née en 2011 pour mutualiser la logistique et la mise en marché des produits biologiques des coopératives régionales, tenait son assemblée générale à Senlis le 7 février dernier. L’occasion de dresser le bilan et de tracer les perspectives enthousiasmantes de la filière bio régionale grâce aux témoignages d’intervenants.

Thierry Legris, le président de l’UCBC, entamait l’après-midi par le bilan de son activité : 3,9 millions d’euros de chiffre d’affaire pour 10.000 t commercialisées et surtout une vraie dynamique de conversion à l’agriculture biologique car les livraisons en C2 (2e année de conversion) sont en hausse. Les principaux clients de l’UCBC sont Novial (11.500 t cumulées depuis 2012), Centre bio (7.000 t), les Moulins de Chérisy et de Brasseuil (600 t) et l’Ufab (2.200 t). L’UBC ne commercialise pas directement la production de ses coopératives mais a confié cette mission à Centre bio, dont le directeur, Gilles Renart, dressait le portrait de la filière bio en France. Malgré un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros en 2017 et une tendance à la hausse de 18 %, la bio ne représente que 2 % de l’agroalimentaire en France.
Elle bénéficie de particularités : la vente directe par les producteurs représente 1 milliard d’euros, la filière viti-vinicole y est plus représentée (10 % du marché), un tiers des volumes est vendu dans des magasins spécialisés et la vente en GMS (grandes et moyennes surfaces) se développe rapidement pour atteindre 50 % des ventes. Selon Gilles Renart, c’est un signe de maturité : «la bio n’est plus un marché de niche». De plus, le panier moyen du consommateur en bio est sensiblement différent de celui en conventionnel : moins de viande (10 % au lieu de 25 %), beaucoup de fruits et légumes frais ou secs.
Côté surfaces converties au bio, la progression se fait par palier pour atteindre 1,8 millions d’hectares et concerner 40.000 agriculteurs. Les surfaces sont réparties différemment selon les productions : 20 % des plantes aromatiques ou médicinales sont en bio, 19 % de celles en arbres fruitiers, 10 % des vignes mais seulement 3 % des surfaces en grandes cultures.
De même, la répartition géographique sur le territoire est inégale : les surfaces bio se concentrent sur la façade atlantique et autour de la Méditerranée. Enfin, la collecte de céréales bio ne couvre pas les besoins et les importations permettent d’assurer les débouchés en meunerie ou aliments du bétail.
Collecter des céréales bio, un défi logistique
La collecte et la commercialisation des céréales bio posent des difficultés auxquelles les coopératives céréalières de l’UCBC ont dû faire face. D’abord, les nombres de céréales livrées, beaucoup plus important à cause des assolements plus diversifiés. Ensuite, l’accompagnement des producteurs est différent : il n’est pas rare qu’un conseiller en bio rayonne sur 4 départements et suive 100 agriculteurs contre un technico-commercial pour 3 ou 4 cantons en conventionnel. L’approche transport est également plus compliquée : les producteurs étant éparpillés, 100 km d’approche jusqu’au silo bio au lieu de 15 km en moyenne.
Les livraisons étant plus sales, le travail du grain sera plus poussé : 2 ou 3 passages au séparateur, cas des mélanges à traiter. Pour optimiser le transport, on raisonne par camion plein, contre des bateaux ou des trains pleins en conventionnel. Enfin, en bio, les analyses sont plus fréquentes. Au final, les coûts de collecte, approche, transport, investissement, stockage et travail du grain sont supérieurs en bio et la filière doit les assumer.
Autre différence avec le conventionnel, la commercialisation. Gilles Renart expliquait : «Le bio est un marché physique avec des contrats au prix moyen pour l’essentiel. Les clients des coopératives ont besoin d’assurer leurs approvisionnements et il est primordial de signer des contrats, de préférence pluriannuels, tout en diversifiant les productions.» Finalement, la corrélation entre agriculture biologique et agriculture conventionnelle est de 50 % ; le blé bio cote actuellement autour de 500 €/t.
Ces difficultés de logistique étaient illustrées par les témoignages de Xavier Foulon, chef de silo Valfrance à Vaux-le-Pénil, et de Jean-Pierre Pichot, directeur de la coopérative Terre Bocage Gatinais, qui a rejoint l’UCBC en février 2018. Xavier Foulon rappelle qu’avec une capacité de 100.000 t, Vaux-le-Pénil est le plus gros silo de Seine-et-Marne, en bordure de Seine.
Dans un des quatre silos, deux circuits sont organisés, un en conventionnel et l’autre en bio. Les tuyaux sont d’ailleurs de deux couleurs différentes, pour éviter toute confusion. Seule la chambre des poussières est commune, ce qui interdit la valorisation de celles issues des céréales bio. 5.320 t sont dédiées au stockage bio. Les investissements de 900.000 euros nécessaires à la chaîne bio ont été subventionnés à hauteur de 40 %. «En bio, on ne fait qu’une rotation par an contre deux en conventionnel. Rien ne part à la moisson en bio et les céréales demandent plus de travail. Par exemple, contre les insectes, comme aucun produit n’est autorisé, tout est nettoyé à l’arrivée des grains, pendant le stockage et avant le départ. Les normes sont les mêmes qu’en conventionnel, c’est gérable, mais cela a un coût» détaille le chef de silo. Propos confirmés par Jean-Pierre Pichot dont la coopérative avait commencé avec Vaux-le-Pénil dès que ses premiers adhérents s’étaient convertis au bio.
«On s’est professionnalisé en intégrant l’UCBC. On y a un triple intérêt : pour la logistique, la commercialisation et le travail en commun. Avant moisson, nous nous réunissons pour faire l’inventaire des cultures à moissonner, la répartition des stocks et des lots vendables. Cela permet d’optimiser les coûts, déjà bien élevés en bio, au bénéfice des producteurs» se félicite-t-il.
Du bio, oui, mais du local
La parole était donnée à Olivier Deseine, des Moulins de Brasseuil, de Mantes-la-Jolie, qui proposent 4 gammes : du bio, des farines écrasées à la meule, de la farine Label Rouge et du local «produit en Île-de-France». Il rappelait que la consommation de pain en France est la plus basse jamais connue, à moins de 100 g/jour. Les consommateurs ont évolué, sont plus sensibles à l’environnement, informés, connectés, méfiants, en quête d’expériences et considèrent que l’acte d’achat est militant. Ils sont prêts à consommer moins mais mieux. «C’est la fin de la consommation de masse et, à terme, le bio pourrait représenter de 25 à 30 % des achats.»
Mais les meuniers rencontrent des difficultés pour s’approvisionner en céréales bio et sont obligés d’importer. «Nous devons segmenter le marché en fonction des lots et nous devons créer à terme une filière blé bio français. Car le local est le critère de choix des consommateurs» affirme le meunier. «À terme, avec le développement du bio, nous devrions être capables de faire des croissants bio» se réjouit-il. C’est le rôle de la filière, depuis le producteur de blé jusqu’au boulanger, de proposer un produit parfait au consommateur. Et d’annoncer, lors du prochain Salon de l’agriculture, le lancement de la marque «produit en Île-de-France» qui devrait fédérer sous la même bannière toutes les productions locales de la région. Le bio seul ne suffit plus, il faut qu’il soit local et cela, le consommateur doit le repérer immédiatement.

Des capacités de développement
L’UCBC a aussi pour mission d’aider les coopératives adhérentes dans l’accompagnement des agriculteurs convertis au bio ou en cours de conversion ainsi que de répondre aux attentes sociétales et locales.
12 coopératives des Hauts-France, d’Ile-de-France, de Normandie et du Centre-Val de Loire composent actuellement l’UCBC : Agora, Bonneval Beauce et Perche, Cerena, Coopérative agricole de Milly-sur-Thérain, Noriap, Sana Terra, Scael, Sevepi, Terre Bocage Gatinais, Ucac, Uneal et Valfrance.
- 350 agriculteurs livreurs
- 18.000 t de capacité de stockage
- 10.000 t collectées pour la récolte 2017
- 25.000 t d’ici la récolte 2021
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