L'Oise Agricole 08 décembre 2016 a 08h00 | Par Matias Desvernois

La filière porcine française est face à des enjeux colossaux

Une journée dédiée à la compétitivité du secteur porcin s’est déroulée le mardi 5 décembre.

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Paul Auffray, président de la FNP.
Paul Auffray, président de la FNP. - © Matias Desvernois

«Aujourd’hui, la filière porcine française est en saturation. On est à un point de rupture qui se traduit par un plafonnement de la production. [...] Le modèle d’élevage à la française a atteint ses limites», analyse Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine à l’occasion de la troisième journée d’échanges sur le thème de la compétitivité, organisée par l’Institut du porc (Ifip), le mardi 5 dé cembre.

Si la filière française présente des avantages certains à ne surtout pas omettre, elle pâtit d’un déficit de compétitivité établi et reconnu de tous vis-à-vis de ses principaux pays concurrents, en premier lieu desquels figurent l’Allemagne et l’Espagne.

«Les performances zootechniques sont bonnes et la production hexagonale bénéficie d’une excellente image», tempère néanmoins Christine Roguet, économiste à l’Ifip. Mais la concurrence étrangère présente elle aussi des atouts qui, aujourd’hui, lui permettent de prendre l’avantage sur la production française. Parmi les nombreuses raisons, la taille des exploitations concourt fortement à cette situation.

En France, la moyenne de porcs par exploitation est d’environ deux cents truies, chez les pays voisins, celle-ci s’évalue à trois fois plus. «Notre taille d’élevage devient un point faible», prévient ainsi Philippe Levannier, responsable Installation et restructuration chez Triskalia. Un décalage dans la production qui se retrouve à toutes les étapes de la chaîne. Les abattoirs français exécutent près d’1,9 million de têtes par an contre plus de 3 millions (voire bien audelà) aux Pays-Bas, en Allemagne ou au Danemark. L’Espagne, de son côté, à l’instar des Etats-Unis, s’apprête à encore augmenter ses capacités de l’ordre de + 6 millions de porcs à abattre par an.

 

Un modèle familial en difficulté

Par ailleurs, la modernisation des élevages français reste un défi lorsque l’on sait que l’âge moyen des porcheries est de vingt ans. L’Institut du porc chiffre entre 2 et 3 milliards d’euros les besoins financiers pour rénover le parc de l’élevage français.

«Pour un élevage neuf de 350 TNE (truienaisseur-engraisseur) de capacité, on tourne autour de 2 à 3 millions d’euros », précise Christine Roguet. «Le modèle familial a du plomb dans l’aile», déclare, l’air désabusé, Paul Auffray. Selon lui, la concentration des élevages et des capitaux est une réalité qu’il faut prendre en compte, dans un contexte où le renouvellement des générations pose grandement question.

 

Un éleveur sur deux va partir

Quid du renouvellement des générations? «La pyramide des âges des éleveurs français devient inquiétante», constate Paul Auffray. La perspective affiche une situation des plus inouïes : un éleveur sur deux va céder son exploitation dans les dix ans à venir. «Aujourd’hui, on n’a pas les gens pour les remplacer», insiste le représentant des producteurs porcins.

Dans les lycées agricoles, la plupart des jeunes ne s’orienteraient pas vers les filières de production et encore moins dans le secteur porcin. Un élevage compris entre 150 et 400 truies s’évalue dans la fourchette 500.000 à 1 million d’euros, sans considérer le foncier.

Dans le cas particulier de la région des Côtes d’Armor, «à 300 à 500 euros le coût pour une truie en période de crise, une exploitation de 300 truies, c’est 150.000 à 200.000 euros d’apports minimum», explique Jérôme Guiard, directeur Marchés et Offres au Crédit agricole des Côtes d’Armor. Le constat est donc là.

A titre indicatif, en Bretagne, région qui compose pour les trois quarts de la production, les derniers chiffres publiés par la MSA affichent un nombre de 32 installations en 2015 (28 en 2014 et 38 en 2013). Une véritable politique de formation des jeunes devrait, selon Paul Auffray, être mise en place. En parallèle, de nouvelles formes de financements, via la BPI (Banque publique d’investissement) ou des fonds de garantie, devraient être proposées. Le risque serait de voir apparaître des modes «d’intégrations par les firmes», avertit le représentant de la FNP, comme aux Pays-Bas ou en Espagne, des organisations où le producteur est réduit à un simple rôle d’exécutant.

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