L'Oise Agricole 30 juin 2021 a 17h00 | Par I.L.

Le ministère de l'Agriculture présente sa feuille de route

En réponse à la demande de Matignon, le ministère de l'Agriculture a publié, le 23 juin, sa feuille de route pour atteindre les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre fixés par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).

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Contrairement à certaines craintes, ce Plan climat ne contient pas de mesures visant à réduire les cheptels d'animaux ruminants.
Contrairement à certaines craintes, ce Plan climat ne contient pas de mesures visant à réduire les cheptels d'animaux ruminants. - © Pixabay

«Une route pour atteindre les objectifs climatiques», annonce le ministère de l'Agriculture dans le communiqué joint au plan climat, adressé à la presse le 23 juin. En six axes et 22 pages, de la loi Egalim à la loi climat en passant par le plan biodiversité et le plan de relance, le document détaille scrupuleusement l'ensemble des mesures climatiques mises en oeuvre ou prévues par la Rue de Varenne. «C'est à peine une addition des politiques en place, qui ne permettra pas d'atteindre l'objectif de division par deux des émissions à 2050», tranche Cyrielle Denhartigh, responsable agriculture au sein du Réseau action climat.

Cette feuille de route avait été demandée par le Premier ministre, Jean Castex, au ministère de l'Agriculture en novembre 2020, par un courrier que les Amis de la Terre avaient publié sur leur site internet. Le Premier ministre y demandait à Julien Denormandie «un plan d'action visant à répondre aux différentes orientations de la SNBC et du PNACC», en «définissant des jalons appropriés». Plus précisément, le chef du gouvernement exigeait même de mettre l'accent sur «la conversion aux pratiques agricoles à haute valeur environnementale et à l'agroécologie», ainsi que sur «le potentiel des secteurs agricoles et forestiers à séquestrer et stocker durablement du carbone».

Dans son architecture, le plan publié le 23 juin répond scrupuleusement à la demande. Le ministère y rappelle plusieurs mesures fortes déjà en place ou attendues dans les prochains mois, comme le décret d'application de la loi Climat fixant une trajectoire annuelle pour les émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac, ou encore les aides du plan de relance à la filière légumineuses. Principale nouveauté : le ministère évoque un plan d'action à paraître en 2021 «pour diminuer les émissions de méthane», dans le cadre de la stratégie sur la bioéconomie.

Flou sur l'élevage

«Pour nous, il y a un gros manque sur la baisse de consommation de produits carnés dans la population générale», regrette Cyrielle Denhartigh. Le plan évoque bien les mesures de la loi Egalim en faveur du menu végétarien dans les écoles, ainsi que des guides à destination des cantines pour favoriser l'utilisation des légumineuses, mais il aborde uniquement l'évolution des régimes alimentaires de l'ensemble des Français par le biais de l'affichage environnemental. «Santé publique France a déjà ses recommandations sur le sujet, nous aimerions une campagne promouvant la baisse de la consommation de viande», plaide Cyrielle Denhartigh.

Alors que la SNBC prévoit une baisse de 20 % des émissions de méthane entre 2015 et 2030, le plan détaille aussi les mesures de soutien au biométhane, sans répondre pour autant à la demande de Jean Castex de favoriser «une évolution de l'élevage vers des systèmes reconnus pour leur capacité à réduire les émissions».

Le PSN en ligne de mire

Selon le cabinet du ministère de l'Agriculture, ce Plan climat n'inclue pas «d'objectif» ou de «stratégie» de réduction des cheptels. Si l'on reconnaît que la réduction des cheptels fait partie des scénarios tendanciels et qu'elle participerait, de fait, à l'atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, l'objectif du ministre est plutôt celui d'un maintien des cheptels dans le cadre de son objectif de «souveraineté alimentaire», assure-t-on. «Objectivement, il sera impossible d'atteindre les objectifs de réduction sans toucher au mix produit, tout en limitant la déforestation importée, les engrais de synthèse, et les pesticides», analyse Pierre-Marie Aubert.

Ce plan d'action ministériel répond au rapport 2020 du Haut conseil pour le climat, dans lequel les experts recommandaient, en plus de la mise en place d'un plan sur les protéines végétales, «de mettre en place un processus d'évaluation en regard du climat de la Pac». Or, la Cour des comptes de l'Union européenne, dans un rapport publié le 21 juin, a recommandé à son tour à la Commission de fixer des objectifs chiffrés de réduction des émissions dans les futurs plans stratégiques nationaux (PSN), et de suivre annuellement avec des indicateurs l'effet des mesures d'atténuation financées. Alors que le plan climat ne détaille pas les réductions d'émissions attendues sur chacun des axes, le PSN pourrait être une opportunité pour la Rue de Varenne de s'exercer à la comptabilité climatique.

L'ambition de décarbonation du secteur agricole reste «faible» (HCC)

Dans son rapport annuel remis à Jean Castex et Barbara Pompili, le 28 juin, le Haut conseil pour le climat (HCC) estime que «l'ambition de décarbonation portée par le secteur [agricole] reste faible». Par manque d'alignement des politiques du secteur avec les objectifs climatiques, les experts de cette instance indépendante regrettent «de faibles réductions d'émissions» de l'ordre de 1 Mt de CO2e par an, «principalement portées par les réductions des émissions de méthane». Et de préciser que «la baisse du CH4 constatée est principalement liée à la baisse du cheptel bovin». Pour l'heure, reconnaît le HCC, les objectifs d'émissions de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) sont respectés, mais «le rythme de décarbonation devra néanmoins augmenter à l'avenir», pour baisser les émissions de 45 % à l'horizon 2050. «Dans le secteur agricole, le Varenne de l'eau et le débat post crise du gel nous permettront d'apporter des réponses proches du terrain», a réagi Matignon le 28 juin. Des éléments qui pourraient satisfaire le HCC, qui demande dans ce même rapport de poursuivre l'adaptation à l'échelle régionale, en améliorant «la concertation entre les différents échelons territoriaux», et en synchronisant les documents d'aménagement ou de planification énergétique avec la SNBC. Le HCC prévient enfin que la diminution de l'absorption de CO2 des forêts et des prairies en raison du réchauffement, ainsi que la poursuite de l'artificialisation des sols, mettent «en difficulté» les puits de carbone français. Pour le HCC, la SNBC surestimerait actuellement les puits de 20 % par rapport aux inventaires récents.

Loi Climat : les sénateurs adoptent le texte en séance

Par 193 voix pour et 100 voix contre, les sénateurs ont adopté le 29 juin la loi Climat en première lecture. La veille, le Palais du Luxembourg avait examiné le titre dédié à l'urbanisme, en entérinant un dispositif de lutte contre l'artificialisation reposant sur les Scot. Une position à l'inverse de celle du gouvernement, qui espérait fixer des objectifs régionaux stricts par les Sraddet. En séance, les sénateurs ont également introduit dans le texte un «droit au développement rural», estimant que la lutte contre l'artificialisation ne doit pas priver les territoires ruraux d'«accéder au même niveau de développement que les territoires urbains». Par un amendement du sénateur centriste Jean-Pierre Moga (Lot-et-Garonne), la haute chambre a cependant souhaité renforcer les contraintes pesant sur les aménageurs en matière de «compensation agricole collective». Dans cette rédaction, les porteurs de projet artificialisant des terres agricoles ne pourront plus obtenir les autorisations «si l'étude agricole et la compensation agricole collective n'ont pas été mises en oeuvre». Dans l'hémicycle, la ministre de la Transition écologique a souligné «des désaccords importants» avec le Sénat sur l'artificialisation, mais également sur l'écocide, retiré du texte par les sénateurs. Des points sur lesquels «je souhaite que l'on puisse revenir en CMP» le 12 juillet, a demandé Barbara Pompili.

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