L'Oise Agricole 21 juillet 2019 a 14h00 | Par C.B.

Quand l’animal donne l’impression d’être vivant…

«La taxidermie, c’est l’art de redonner l’apparence de la vie aux dépouilles animales». Voilà comment Jacques Gilbert, taxidermiste en Isère, définit son métier qu’il exerce avec passion depuis trente-cinq ans.

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Jacques Gilbert peut pratiquer la taxidermie sur toutes espèces : du mammifère au batracien, de l’insecte au poisson.
Jacques Gilbert peut pratiquer la taxidermie sur toutes espèces : du mammifère au batracien, de l’insecte au poisson. - © C.B.

Taxidermiste autodidacte, Jacques Gilbert s’est intéressé à la taxidermie dès l’âge de 12 ans. «À cette époque, j’avais fait un petit musée d’histoire naturelle dans le grenier de mes parents», se souvient-il. Il exerce cette activité en tant que professionnel depuis le début des années 1980, après environ dix ans de pratique comme amateur. Parallèlement à l’apprentissage du métier sur le tas, il a rencontré différents taxidermistes et suivi des stages de perfectionnement au SNTF (Syndicat national des taxidermistes de France) ainsi qu’à l’étranger, notamment en Allemagne et en Norvège. «Je me suis installé à mon compte en 1982 : à l’âge de 23 ans, j’ai repris l’atelier d’un collègue qui était décédé dans la Loire. En 1988, je suis parti six mois aux Etats-Unis, puis trois mois au Canada pour découvrir des techniques plus pointues surtout sur les mammifères», explique Jacques Gilbert. «En 1991, j’ai obtenu le titre de Meilleur ouvrier de France (Mof) en présentant plusieurs espèces (mouton, taureau, poisson et faisans)». Depuis 1993, il est installé à Salaise-sur-Sanne (Isère) où il a construit son atelier attenant à la maison d’habitation.

Des connaissances très variées

Redonner l’apparence de la vie aux dépouilles animales, cela demande beaucoup de temps de travail et un sens de l’observation très développé. Des connaissances particulièrement variées sont nécessaires pour exercer le métier : l’anatomie des animaux et leur mode de vie, la sculpture, le dessin, la peinture et le tannage, sans oublier un certain savoir-faire en bricolage. «Une taxidermie est réussie quand, dès le premier regard, l’animal donne l’impression d’être vivant, qu’il va bouger, comme si c’était un arrêt sur image, mais en trois dimensions», estime cet artisan. «Pour cela, l’anatomie doit être exacte et l’attitude doit paraître la plus naturelle possible». En taxidermie, la première étape consiste à prendre les dimensions de l’animal. «Puis, on le dépouille, on lave la peau et on la tanne c’est-à-dire que le cuir devient imputrescible».

Après cette préparation de la peau, le taxidermiste fabrique un mannequin de l’animal en utilisant essentiellement de la mousse polyuréthane. «C’est une matière à la fois très solide et légère comme du polystyrène. Facile à travailler, elle résiste bien dans le temps». Il faut ensuite coller, coudre, clouer la peau pour l’ajuster au mieux sur le mannequin. Il reste enfin les travaux de finition, en particulier les yeux, pour que ce soit le plus réaliste possible.

Chaque pièce est unique et les techniques ont bien évolué au fil du temps. Jacques Gilbert peut pratiquer la taxidermie sur toutes espèces : du mammifère au batracien, de l’insecte au poisson. Il se distingue par une spécialité : le bas-relief, un type de sculpture qu’il a lui-même inventé. «À ma connaissance, je suis le seul en France à fabriquer ce genre de bas-relief», précise-t-il. «Le bas-relief permet de représenter l’animal sur une faible profondeur en le plaquant contre le mur. Je garde la tête entière, le reste du corps sera à plat tout en respectant les proportions et les anatomies. Cette technique permet de mieux profiter des nuances de la robe de l’animal et de le voir dans sa globalité. Cela donne un côté plus décoratif et moins envahissant dans une pièce», le sujet représenté se détachant du fond sur moins de la moitié du volume réel.

Des commandes d’artistes

Jacques Gilbert a toujours eu une clientèle de particuliers, collectionneurs ou chasseurs, notamment ceux qui vont en Afrique ou sur d’autres continents. Aujourd’hui, sa clientèle est très diversifiée. Récemment, un éleveur lui a commandé un bas-relief représentant une vache et son veau. Ce taxidermiste a réalisé une collection de gibiers exposés dans les cuisines d’un château. Il a répondu à une commande faite par une marque de luxe pour la décoration de vitrines de magasins à Paris : il s’agissait de présenter une soixantaine de pigeons transformés en corbeaux.

Du côté des musées, on peut citer la fabrication d’un cheval avec une armure en exposition au château de Castelnaudary (Aude). Depuis une dizaine d’années, Jacques Gilbert répond de plus en plus à des commandes d’artistes contemporains pour des œuvres d’arts plastiques, les contacts se faisant le plus souvent par son site Internet (www.taxidermiste.net). Il a conçu, par exemple, la partie taxidermie d’une sculpture pour l’artiste Pierre Sgamma : l’œuvre montre un cerf pris dans un cube couvert de miroirs.

Il collabore également avec sa sœur, Élisabeth Gilbert-Dragic, artiste à Lyon. À partir de peaux de sanglier, de cochon ou de chevreuil, elle crée des fleurs de grande taille ressemblant à des formes animales. Autre collaboration dans le milieu artistique : la fabrication d’une vache creuse à l’intérieur, en réponse à une commande d’une compagnie de théâtre en Suisse.

Ponctuellement, Jacques Gilbert participe à des démonstrations pour faire connaître le métier de taxidermiste, notamment à la foire de Lyon et lors de quelques salons de chasse en Isère. Lorsqu’il était impliqué dans le syndicat national des taxidermistes de France, il a été formateur pendant plusieurs années dans le cadre de stages de perfectionnement sur des thèmes spécifiques.

Passionné par son métier, il ne peut que déplorer de le voir «en déperdition, notamment en raison de la baisse du nombre de chasseurs. La clientèle de particuliers ne se renouvelle pas». Les espèces protégées (c’est-à-dire non chassables) sont soumises à une réglementation par rapport à la taxidermie (voir en encadré). Actuellement en France, on recense environ 250 taxidermistes, contre un millier au début des années 1980. De plus, la majorité des taxidermistes partagent leur temps de travail avec une autre activité professionnelle.

Réglementation

Aujourd’hui en France, environ 90 % des espèces animales sont protégées par la loi de 1976 appliquée à partir de 1982. Cela signifie que seulement 10 % des espèces sont libres à la naturalisation. Les espèces autorisées sont les animaux domestiques, les animaux chassables et les animaux élevés en captivité (parcs, cirque, etc.) Toutes les autres espèces doivent faire l’objet d’une demande auprès du ministère de l’Environnement. Les principaux textes régissant la protection de la faune en France sont d’origines nationale et internationale.

Syndicat professionnel

Le SNTF (syndicat national des taxidermistes de France), fondé en 1966, réunit des professionnels de la taxidermie dont l’objectif est de défendre le métier et de promouvoir l’activité sur le territoire français et plus largement en Europe. Il assure un rôle de représentation des naturalistes professionnels auprès des Pouvoirs publics et des administrations. Son objectif est aussi de permettre à ses adhérents de mieux se connaître et de s’entraider pour la défense de leurs intérêts communs. Le SNTF propose des stages de perfectionnement en formation continue. Pour en savoir plus : www.taxidermistes.fr

Formation

Pour apprendre le métier, il existe un CAP taxidermiste, mais pas de CFA qui le propose. L’apprenti peut s’inscrire dans un CFA de son département afin de suivre les cours d’enseignement général et il reçoit l’enseignement pratique auprès d’un taxidermiste maître d’apprentissage. À l’issue de l’apprentissage, le diplôme est validé au Muséum d’histoire naturelle - Jardin des sciences à Dijon, en collaboration avec le SNTF et l’Éducation nationale. Autres possibilités pour se former : un brevet de maîtrise, le concours des Meilleurs ouvriers de France ou bien des concours européens (non reconnus par l’Éducation nationale).

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