L'Oise Agricole 24 février 2022 a 09h00 | Par Vincent Fermon

Une filière porcine prise à la gorge

Depuis plusieurs mois, la filière porcine régionale est plongée dans une crise dont les différents acteurs et partenaires ne voient pas le bout.

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«Quand nous pouvons aider, nous le faisons comme ce fut le cas pour accompagner les éleveurs à mettre en place des mesures de biosécurité dans les élevages, a assuré Marie-Sophie Lesne lors d’une visite d’élevage à Moreuil, mais les marges de manoeuvre de la Région sont limitées».
«Quand nous pouvons aider, nous le faisons comme ce fut le cas pour accompagner les éleveurs à mettre en place des mesures de biosécurité dans les élevages, a assuré Marie-Sophie Lesne lors d’une visite d’élevage à Moreuil, mais les marges de manoeuvre de la Région sont limitées». - © Agence de presse

L’embellie des cours du porc que la filière a connu l’an dernier n’aura été finalement que de courte durée. Depuis plusieurs mois, les éleveurs comme les transformateurs traversent une passe difficile dont personne ne sait dire aujourd’hui quelle sera l’issue. Et ce n’est pourtant pas faute d’essayer. Fin de semaine dernière, c’est la Région Hauts-de-France qui a apporté son soutien moral à la filière régionale en venant à la rencontre d’un éleveur de Moreuil (80), puis en rencontrant une délégation de l’interprofession régionale (Interporc), de l’Union régionale des groupements des producteurs de porcs (URGPP) et le responsable d’une entreprise de transformation.

Dans la valise de la vice-présidente chargée de l’Alimentation et de l’Agriculture, Marie-Sophie Lesne, pas d’annonce d’une aide exceptionnelle, mais une écoute : «Le gouvernement a développé une enveloppe 2,7 millions et il est dans son rôle, a-t-elle déclaré. À la Région, nous n’avons pas les mêmes moyens… Si je viens dans un élevage comme celui-là, c’est pour ensuite témoigner des difficultés qu’il rencontre et de la nécessité à le défendre.» Présent lors de cette visite, le président de l’URGPP, Fabien Thirel n’était guère serein : «Il y a peu de chance pour que le prix de l’aliment baisse dans les prochains mois. Ce qui pourrait nous sauver, c’est une amélioration des cours…» Et une partie de cette attente pourrait trouver réponse grâce à une meilleure prise en compte du coût de production dans la formation du prix.

Menace sur la pérennité de l’élevage porcin régional

Mardi dernier, en marge d’une mobilisation régionale des agriculteurs, le président d’Interporc Hauts-de-France, Fabien Leroux, a rencontré la préfète de la Somme, Muriel Nguyen, avec les représentants d’autres filières pour établir un point de situation et évoquer ses inquiétudes : «En Bretagne, c’est le feu depuis un petit moment déjà. Chez nous, nous avons la chance d’avoir quelques stocks de céréales qui nous permettent de maîtriser le coût alimentaire, mais si la situation n’évolue pas, on va perdre 20 % de la production régionale d’ici un an. Aujourd’hui, des éleveurs renoncent à inséminer. L’État nous a présenté un plan d’aide d’urgence, mais les critères sont stricts pour en bénéficier», a-t-il résumé. Pour le responsable professionnel, l’urgence du moment est bien d’obtenir l’application de la Loi Egalim 2 par les acheteurs de viande porcine. Et un changement d’état d’esprit chez le citoyen-consommateur. La veille, lors d’une rencontre virtuelle sur la mise en oeuvre de la loi Egalim 2, c’est le préfet de la Région Hauts-de-France qui s’était montré attentif à la situation des éleveurs, avant d’envisager lui aussi un temps d’échange avec la filière porcine régionale.

Production porcine : un indicateur en forte hausse

Selon la Fédération nationale porcine (FNP), les indicateurs interprofessionnels sont en «forte hausse sur le seul second semestre 2021 avec + 7,1 % sur le prix de l’aliment» et «+ 4,4 % pour le coût de production en viande porcine». Elle demande que cette hausse soit répercutée en aval de la chaîne mais aussi sur le prix payé aux producteurs : «Il s’agit de 10 à 20 centimes au kg de carcasse soit quelques centimes de plus en magasin pour le consommateur !», justifie la FNP qui rappelle que les éleveurs subissent une crise inédite depuis sept mois. Les négociations commerciales, qui doivent tenir compte de la loi Egalim 2 s’achèvent fin février.

Plus de 1 700 dossiers d’aides déposés, selon Denormandie

«Plus de 1 700 dossiers» d’aides d’urgence ont été déposés par des éleveurs de porcs, et «les premiers versements (...) ont déjà été effectués», a indiqué le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie au Sénat le 16 février. «De mémoire de sénateur, peu de plans d’urgence ont été déployés avec une telle célérité», a ajouté le locataire de la Rue de Varenne, qui répondait à une question de Laurent Somon (LR, Somme). Le 31 janvier, le gouvernement a débloqué 270 millions d’euros (ME) d’aides d’urgence (aides à la trésorerie et exonérations de charges MSA). «Comme nous nous y étions engagés, les 75 premiers millions d’euros ont été ouverts», a précisé M. Denormandie. Les quelque 10 000 éleveurs de porcs français subissent une crise «inédite», d’après le ministre, entre des prix de vente moroses et la flambée de l’alimentation animale. Les pertes totales sont estimées à 440 ME, selon l’interprofession Inaporc.

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