Avec 7.000 exposants, plus de 1.800 produits proposés, le Sial reste un rendez-vous très attendu à chaque édition, car il offre une vitrine exceptionnelle des tendances et innovations alimentaires mondiales actuelles et à venir dans les rayons et dans nos assiettes. Ainsi, le salon s'impose comme LE précurseur des tendances alimentaires, en apportant aux visiteurs un contenu expert et d'actualité en matière d'innovation et d'évolution des marchés au niveau mondial. C'est entre un substitut de yaourt à base d'épeautre, du kimchi lyophilisé ou une imitation de barbe à papa sans sucre grâce à la fibre de chicorée, que l'équipe de L'Oise Agricole s'est aventurée dans ce dédale de l'agroalimentaire.

Sial, le décodeur de notre assiette

Dans ce décryptage, le salon fournit des données étonnantes. Notamment à cause de la crise sanitaire, 71 % des consommateurs ont changé leurs habitudes ces deux dernières années. Et cette année, les substituts deviennent incontournables (24 % des innovations présentées sont des substituts). Les alternatives à la viande à base de légumineuse sont une tendance déjà forte que le Sial a déjà mis en lumière il y a très longtemps puisque Triballat (devenue Olga) présentait déjà ses steaks de soja au Sial... 1998. On a vu apparaître cette année des alternatives aux produits de la mer et des produits plus élaborés que le simple substitut, comme des recettes ou des produits d'aide-culinaires destinés aux végétariens (statistiquement plus nombreux à cuisiner maison).

Côté substituts laitiers en ultra frais, le marché voit arriver des propositions à base d'ingrédients moins classiques comme l'épeautre ou le chanvre. Mais c'est surtout du côté substitut de fromage que l'innovation se structure. Outre le fait de quasi tout substituer, le Sial met en évidence que pour 72 % des consommateurs à travers le monde, le plaisir reste le moteur de leurs choix alimentaires. Nul doute que le contexte de la période Covid a boosté cette tendance de consommation avec la préparation de plat plus sophistiqué ou bien de comfort food. De plus, la recherche de plus de sensations et d'intensité tant dans la texture que dans les goûts est très demandée. Au chapitre des saveurs d'ailleurs, la Corée et l'Afrique semblent être les nouvelles sources d'inspiration, avec des propositions qui mettent en avant la naturalité, des saveurs prononcées ou encore des techniques qui montent sur la scène gastronomique comme la fermentation ou la farine circulaire (orange, okara, tomate...) obtenue grâce à un processus de séchage innovant conçu pour assurer une qualité et une durabilité maximale. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs aux ingrédients qui composent le produit : ils favorisent désormais des produits moins transformés avec une composition parfois minimaliste, l'absence de certains additifs controversés ou encore la réduction de sucre et de sel.

Autre point que la Mecque de l'agroalimentaire met en avant, la santé grâce au naturel ! Se soigner avec la nourriture n'est pas une revendication première du consommateur. Cependant, la régularité de la prise alimentaire multi-quotidienne peut permettre une meilleure santé. Les innovations qui jouent sur ce registre aujourd'hui n'ont rien à voir avec les alicaments d'antan (les alicaments sont des aliments ayant une efficacité sur certains troubles comme le diabète, l'hypertension, etc.). Leur fonctionnalité est justifiée par la présence d'ingrédients naturels (végétaux, super fruits, super légumes, graines, algues et microalgues...). L'effet Covid a provoqué un nombre significatif d'innovations avec une promesse d'immunité justifiée par la présence de composants comme diverses vitamines, zinc et autres super aliments.

Manger mieux, c'est souvent cuisiner soi-même. La période Covid (décidément, ce virus...) a accéléré cette tendance déjà ancienne. Avec des propositions qui permettent de bien faire plus rapidement ou plus facilement comme des aides-culinaires ou des kits de préparation visant à satisfaire cette population plus encline à cuisiner à la maison.

De plus, l'inflation mondiale va visiblement orienter de nouvelles offres. Le Sial met en évidence que certaines innovations qui, sans être des premiers prix, mettent en avant leur accessibilité prix pour le plus grand nombre. Le Sial Insight déclare qu'en 2022, 14 % des consommateurs du monde entier veulent des produits bons pour eux et pour la planète... sans dépenser plus.

La Picardie en force

Parmi les exposants de l'Oise au Sial, Jay and Joy, jeune entreprise de 7 années, installée à Lacroix-Saint-Ouen, et qui s'est lancée sur le créneau des alternatives aux fromages à base de lait d'amande et de noix de cajou. Elle vise une clientèle qui ne peut ou ne veut pas consommer de produits laitiers et, en cela, correspond à la demande du moment. Ses produits ressemblent à des fromages à pâte molle ou même à des bleus et s'en approchent gustativement parlant, mais en restant éloignés de nos traditionnels fromages au lait cru. «Il y un intérêt croissant pour ce type de produits et notre présence au Sial doit nous permettre de nouer des contacts pour nous développer à l'export», assure Mary Carmen Iriarte Jähnke, co-fondatrice de l'entreprise. Pour l'heure, les produits Jay and Joy sont distribués dans les magasins Biocoop et la Vie Claire notamment. Faire fermenter des produits végétaux pour les rapprocher du fromage nécessite de bien connaître les produits de base et la jeune entreprise développe des liens forts avec ses fournisseurs pour avoir la qualité et les connaissances nécessaires à la bonne fermentation. Les amandes viennent de Sicile et les produits de base doivent être sourcés afin de pouvoir assurer la traçabilité nécessaire à l'obtention de labels.

L'Agglomération du Beauvaisis est présente au Sial où elle accompagne les jeunes entreprises de l'Oise. Dans son viseur, la création d'un village Agro food à Beauvais, véritable incubateur des entreprises agro-alimentaires en devenir. La présence d'UniLasalle et de ses étudiants, dont certains se lanceront dans l'aventure de l'entreprenariat, conjuguée à une agriculture locale forte, la proximité de la région parisienne, la bonne desserte routière, autoroutière et l'aéroport de Beauvais Tillé, sont autant de conditions favorables au projet Novaparc qui verra le jour à proximité de ce dernier. «Entre 2017 et 2020, nous avons reçu 150 demandes d'installations d'entreprises auxquelles nous n'avons pu répondre favorablement. Demain, nous pourrons les accueillir», assure Jean-Charles Baudet-Plazolles, directeur du Start Lab à l'Agglo du Beauvaisis.

Vision stratégique partagée par Tom François, dirigeant d'Hermes Boissons, venu présenter ses produits dans le stand Hauts-de-France, avec l'Agglo du Beauvaisis. Il est venu mettre en avant la marque Infuséo, infusions de produits frais avec des dates limites de consommation éloignées grâce à la pasteurisation sous pression. Après la crise Covid qui a ébranlé l'entreprise, l'activité connaît une croissance à deux chiffres rendue possible grâce à une réorganisation, des remises en question, un investissement dans la recherche et développement et le marketing. C'est le plan de relance qui a permis à Hermes Boissons de rebondir et de développer également une gamme de fruits frais découpés. «Grâce à notre procédé de conservation qui permet de garder les produits plus longtemps, il y a moins de pertes. Nous travaillons aussi sur l'emballage, 100 % en plastique recyclé et nous allons bientôt attacher le bouchon à la bouteille afin que l'ensemble aille dans la poubelle jaune», détaille Tom François.

D'autres innovations positionnent la Picardie en pôle position de l'agroalimentaire. Notamment, avec Innocress. Présentant d'étranges guimauves au cresson, délicieuses soit dit en passant, cette petite entreprise qui ne connaît pas la crise, met en avant une plante oubliée aux bienfaits inégalés, le cresson. Exit les 5 fruits et légumes par jour. Un sachet de 1,15 g de Supercress 5 est plus vitaminé qu'un jus d'orange, plus riche en fer qu'une portion d'épinards et contient plus de calcium qu'un verre de lait. Ainsi le produit phare d'Innocress est un produit en vogue avec l'évolution des habitudes alimentaires. De plus, la start up a bénéficié du soutien de la région Hauts-de-France ainsi que du Plan de relance national. Après l'obtention de l'award d'argent d'Innovafood (concours national dédié à l'innovation filières agro-alimentaires du secteur végétal), Innocress souhaite renforcer ses moyens humains, muscler son offre et la communication numérique. Qui plus est, l'installation d'une unité de séchage industrielle au plus proche des cressicultures est en phase de réflexion. L'entreprise a également lancé une campagne de financement sur la plateforme Sowefund.

A quelques pas de ce stand, on peut apercevoir un certain Nubi, le fournisseur de plaisir. C'est en mars 2009 que la société BBM France commence son histoire. Au fil des années, Nubi a développé sa légitimité sur le marché du dessert à destination des professionnels et des particuliers. Tiramisu cookie & cream ou cheesecake au beurre de cacahuète, cette entreprise s'est faire saliver. Le nouveau site, basé à Chambly, est doté d'une technologie de surgélation plus performante permettant de conserver encore mieux les apports gustatifs et nutritifs des desserts gourmands. «90 % des fournisseurs sont basés en France et pour le reste dans l'U.E. De plus, la matière plastique de nos verrines et de nos couvercles évolue également. Nos verrines sont désormais en polypropylène, une matière plastique qui a l'avantage d'être inodore, très résistante, chimiquement inerte et surtout recyclable. Cela nous permet de répondre aux défis écologiques imposés par l'UE. Nous collaborons également avec les laboratoires Mérieux NutriSciences, leader international dans les solutions en matière de sécurité alimentaire, de qualité et de durabilité. L'objectif étant de travailler avec des aliments plus sûrs pour une nutrition plus saine.» explique le jeune entrepreneur. Les desserts sont essentiellement distribués en grande distribution et en restauration partout en France.

Focus sur certains lauréats

Des Français, Zalg et Mache & Co, ont reçu le Sial d'Or 2022 pour Io'Dé, des dés d'algues surgelés à poêler à la texture croustillante. Inexistants sur le marché, ces dés d'algues surgelés sont riches en iode, fibres et minéraux. Le Sial d'argent a été attribué au fabricant thaïlandais Make Me More pour ses lentilles d'eau. Facile à cultiver, les lentilles d'eau sont une excellente source de protéines végétales et donc une alternative. Le Sial de bronze a été décerné au kit d'initiation au yerba maté de l'argentin Taragüi (voir j'ai testé pour vous).

Le prix «Own the change» a été décerné à Olga pour son engagement de longue date dans la préservation de l'environnement. L'entreprise familiale, basée en Bretagne, a en effet été pionnière dans les années 70 en étant la première à développer des produits laitiers Bio puis des substituts végétaux (à base de soja d'abord) avec un sourcing local. Elle s'est aussi très tôt investie dans le développement et l'utilisation des énergies renouvelables sur son site de production, en installant des éoliennes et des panneaux photovoltaïques. Cette année, elle avait été encore distinguée pour sa nouvelle gamme végétale Soon, substitut de yaourt à base de lait végétal français à base d'épeautre ou de chanvre.

Pour la première fois, un prix du public a été décerné cette année. Ce sont les professionnels de la filière alimentaire qui ont voté en ligne pour leur nouveauté préférée. Le grand gagnant est la Truitelle. Les conserves gastronomiques La Truitelle sont les premières boîtes de petits poissons labellisées AB. Elles sont élaborées à partir d'ingrédients d'une qualité exceptionnelle, à commencer par les poissons, qui sont élevés dans le plus grand respect de la charte de l'aquaculture biologique, avant d'être mis en boîte à la main.

Agriculture et alimentation 2030

Le Sial proposait une vision du tryptique agriculture/commerce/alimentation à l'aube de 2030, dans une mise en scène interactive un peu flippante. Y était rappelées trois composantes de l'agriculture: le biocontrôle, l'innovation génétique et l'agro-écologie (vue par l'Inrae) qui tendent à l'adaptation au changement climatique, à la moindre utilisation des produits phytosanitaires, à la création de systèmes agricoles multi-fonctionnels où le data et le numérique permettront une meilleure utilisation des ressources tout en préservant la biodiversité et en limitant les impacts sur l'environnement.

Pour ce qui est de l'alimentation, le constat portait sur le gaspillage des denrées alimentaires au niveau mondial. 33 % des aliments sont jetés par les consommateurs et 32 % sont perdus au stade de la production. Chaque personne jette ainsi 170 kg de nourriture par an. Il était rappelé la montée de la part de la population en surpoids ou même obèse, notamment chez les enfants. En 2030, pour s'alimenter de façon saine pour sa santé, il faudrait consommer moins de tout, moins de viande, de sucre, de boissons alcoolisées. Quant à l'acte de production, il devra émettre 30 % de gaz à effet de serre en moins. La transition que doit opérer le secteur de l'industrie agro-alimentaire est un véritable challenge pour créer l'alimentation de demain. 63 % des consommateurs considèrent que l'alimentation est un acte citoyen qui équivaut à choisir le monde dans lequel nous voulons vivre. Les quatre points cardinaux des tendances alimentaires sont : plus de nature, plus d'environnement et d'éthique, plus de plaisir et une transformation numérique au service du consommateur avec de nouveaux modes d'accès aux produits.