L'Oise Agricole 26 septembre 2024 a 07h00 | Par Pierre Poulain

«Les producteurs ne sont pas des malfaisants»

Une dizaine de producteurs de chanvre dans l'Oise se voient refuser l'admissibilité de leur culture dans la Pac car ils n'ont pas conservé les étiquettes Soc de leurs semences. L'administration ne reconnaît pas l'attestation des semenciers certifiant qu'il ne s'agit pas de cannabis. Parmi eux, Olivier Motte, agriculteur à Ormoy-Villers, qui demande qu'on lui accorde un droit à l'erreur.

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Pour Olivier Motte, "On est loin de la simplification demandée cet hiver !"
Pour Olivier Motte, "On est loin de la simplification demandée cet hiver !" - © O.M

Vous êtes planteur de chanvre depuis 3 ans et en cultivez aujourd'hui 18,5 ha sur votre exploitation. Mais cette année, vous risquez de voir vos aides à la production ainsi que vos DPB et éco-régimes suspendus. Que vous reproche-t-on ?

Olivier Motte : On me reproche de ne pas avoir fourni les étiquettes Soc, présentes sur chaque sac de semences, avec un numéro de code lot et un numéro unique d'identification. J'étais malheureusement immobilisé à la suite d'un accident du travail survenu en avril. J'ai donc confié début mai à un prestataire, avec qui je travaille depuis trois ans pour la transition en agriculture de conservation des sols, le soin de réaliser le chantier de semis. Malgré mes prérogatives, les sacs de semences de chanvre ont été jetés, entraînant la perte des étiquettes 2024 originales. Je me suis dit que l'impossibilité de fournir ces étiquettes entraînerait uniquement la perte des aides couplées à la production. Hélas, c'est en réalité entre 4.000 et 5.000 EUR d'aides compensatoires Pac qui me seront retirés !

La position actuelle de la DDT est qu'aucun DPB ni aide à la production ne sont accordés si on est dans l'incapacité de fournir les étiquettes. Et je ne suis pas le seul dans cette situation ! D'autres planteurs se retrouvent également à ne pas pouvoir fournir ces fameuses étiquettes et, à cause du retard d'instruction des dossiers Pac généré, se voir refuser le versement de l'acompte du mois d'octobre.

Qu'attendez-vous des autorités ?

Je ne conteste pas la faute, mais le décalage qui existe avec la sanction. J'ai averti l'administration de l'absence d'étiquettes, j'ai fourni, à leur demande, une attestation sur l'honneur ainsi qu'un certificat de Planète Chanvre reprenant les qualités de semences achetées et un maximum de références. Ça ne suffit pas. J'ai pourtant été contrôlé deux années consécutives par la Fédération nationale des producteurs de chanvre, à la demande de l'ASP, sur le taux de THC : mes parcelles ne leur sont donc pas inconnues ! Il y a un niveau de traçabilité très exigeant dès le début de la chaîne mais c'est nous, planteurs, qui au bout, sommes lourdement pénalisés à cause de bouts de papier qui vont finir en confettis. Il s'agit bien de complexité administrative. On est loin de la simplification demandée cet hiver ! Ce serait tout aussi bénéfique pour les agents de la DDT de ne plus avoir à gérer ces étiquettes. La FNSEA a remonté le sujet auprès du ministère de l'Agriculture. On attend maintenant la réponse. Mais, en attendant, je reste dans l'expectative la plus totale et je ne sais pas si je vais récolter mon chanvre la semaine prochaine. Je n'en dors plus. Je prétends pourtant, comme tous mes autres collègues, au droit à l'erreur, le vrai, en tant qu'humain, pas celui des feux verts et rouges par satellites. Qu'on cesse de prendre les producteurs pour des malfaisants !

D'autant qu'avec la culture du chanvre vous vous êtes engagé dans une logique de protection de la ressource en eau et à vous adapter au changement climatique, une démarche encouragée par les administrations françaises et européennes...

C'est ce qui rend l'affaire d'autant plus surprenante. Le comble est que je fais partie du programme Ecophyto «Produire ensemble autrement» (voir encadré). Une filière chanvre est véritablement en train de naître. Dans l'Oise, nous n'étions que 4 ou 5 agriculteurs concernés en 2022. On est passé à 40 planteurs cette année !

Le chanvre présente de nombreux avantages face au changement climatique. C'est une plante extrêmement résiliente, peu consommatrice en eau et en intrants. Ma marge économique reste encore faible et, sans les aides, la récolte se fera à perte cette année. Quel message fort envoyé par le ministère de l'Agriculture à la filière chanvre en plein développement dans l'Oise ! Cette culture devrait donner de l'espoir à nos jeunes qui s'installent aujourd'hui pour cultiver des plantes résistantes au réchauffement et créer des écosystèmes à l'échelle du territoire.

Produire ensemble autrement

Websérie qui diffuse des techniques alternatives et/ou agroécologiques mises en place par des collectifs en Hauts-de-France. Olivier Motte y a présenté sa ferme, la SCEA des 5 chênes, qu'il a fait évoluer pour préserver les ressources en eau en cultivant notamment du chanvre (culture à bas niveau d'intrants). Il aborde son engagement dans un groupe dynamique, le GIEE Is'EAU (Valois, Oise) qui lui a permis d'atteindre ses objectifs. Pour voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=oXtPI0dDdjo

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