L'Oise Agricole 19 février 2022 a 11h00 | Par Christophe Soulard

Quand l’alimentation redevient stratégique

Le Club Déméter a présenté, le 10 février la 28e édition de son ouvrage annuel. Sous l’intitulé «Alimentation : les nouvelles frontières», ce laboratoire d’idées agricoles associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) entend faire passer le message que l’alimentation (re)devient une arme stratégique.

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La mise en place de régimes alimentaires pourrait impacter les productions locales et les importations agroalimentaires.
La mise en place de régimes alimentaires pourrait impacter les productions locales et les importations agroalimentaires. - © Pixabay

Sans doute la crise du Covid-19 a-t-elle remis en perspective les risques d’approvisionnement, de sécurisation et in fine de souveraineté alimentaire. Cette question agrège, à elle seule, de nombreuses facettes, de l’amont de l’agriculture au consommateur final en passant par la chaîne logistique, la question de normes, celle des cultures alimentaires et de l’environnement, ou encore les influenceurs des réseaux sociaux. Une chose est certaine : «On constate un réarment des politiques alimentaires à travers le monde», a soutenu Matthieu Brun, responsable des études et des partenariats académiques au Club Déméter. Car l’alimentation est devenue «un marqueur de la puissance d’un pays», a-t-il ajouté. Il en est ainsi de la Chine sur le marché du porc ou de la Russie sur le marché du blé. D’autres pays, à l’image de la cité-Etat de Singapour (719 km2, 6 millions d’habitants) qui ne possède quasiment aucune terre agricole, s’interroge sur la manière dont il pourrait assurer sa souveraineté alimentaire. Par l’innovation ? Si oui à quel prix ? D’autres frontières, nettement moins visibles, se révèlent tout aussi primordiales pour l’agriculture et l’alimentation. L’éducation est l’une d’entre elle, notamment dans les pays d’Amérique (Nord, Latine et Sud) qui sont confrontés à une explosion du taux d’obésité. La mise en place de régimes alimentaires pourrait impacter les productions locales ainsi que les importations agroalimentaires. «Un vrai défi sociopolitique», concède Matthieu Brun. Il rejoint en cela Samuel Rébulard, professeur agrégé à l’Université de Paris-Saclay pour qui «ces régimes ont un impact sur la production, la santé et l’environnement». Il pré-vient cependant que la réduction de consommation de viande ne doit pas être l’alpha et l’oméga des futurs régimes alimentaires «notamment dans les pays où les carences en fer sont chroniques».

Guerre des étoiles ?

Tout aussi primordiales sont les chaînes logistiques qui participent à la sécurité des approvisionnements. Après avoir été longtemps boudé par les autorités publiques, et là encore à la faveur de la crise Covid, le rail redevient un élément clé de l’alimentation. Delphine Acloque, enseignante-chercheuse en géographie rappelle ainsi la réouverture de la ligne Perpignan-Rungis (Train de primeurs) et le recours au rail, en pleine pandémie, pour satisfaire les Japonais qui importent, bon an mal an, près de sept millions de bouteilles de Beaujolais nouveau. Ce retour en grâce du rail poursuite deux objectifs : la conquête de nouveaux marchés et la diminution de l’empreinte carbone. L’avenir du fret ferroviaire «va d’ailleurs plus reposer sur son adaptation aux chaînes logistiques complexes que sur une concurrence avec d’autres modes de transports», a-t-elle expliqué. Comme dans l’édition 2021 où elle avait interrogé le spationaute Thomas Pesquet, la cuvée 2022 Déméter prend de la hauteur en se penchant sur l’alimentation, champ d’action possible d’une «nouvelle guerre des étoiles». En effet, pour Quentin Mathieu, responsable économie à La Coopération agricole, «la problématique alimentaire reste essentielle dans la réussite de la conquête spatiale. Manger et produire de quoi manger dans des conditions d’impesanteur sont donc nécessairement deux axes majeurs de recherche et de développement pour les agences spatiales à la fois pour prolonger les missions en orbite mais aussi pour envisager des projets de colonisation sur des corps célestes».

Une montée en puissance des PAT

Créés en 2014, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, les PAT ont pour mission de créer une dynamique entre agriculture locale et alimentation, d’encourager des pratiques agroécologiques tout en consolidant des filières agricoles et de rapprocher différents acteurs économiques ou associatifs. L’objectif initial de 500 PAT a été revu à la baisse et remplacé par un PAT par département. Lors d’une rencontre du réseau national des PAT, début février, consacrée aux effets du plan de relance, François Beaupère, vice-président de Chambres d’Agriculture France (APCA), a souligné l’importance de ces PAT pour maintenir «une ruralité vivante, renforcer le lien entre agriculture et alimentation, développer le dialogue avec la société civile afin de créer des partenariats et rendre des services à la collectivité». Les stratégies sont différentes selon les régions mais 60 % des projets concernent la constitution de filières pour atteindre le consommateur local ou servir la restauration collective. Si les porteurs de projets sont majoritairement des communautés de communes ou des métropoles, les chambres d’agriculture sont toujours impliquées, ne serait-ce que pour fournir un diagnostic agricole. Cette manne de 80 millions d’euros a donné un nouveau souffle à ces PAT qui se veulent avant tout une démarche, un nouvel état d’esprit. Nicolas Orgelet, élu vert de la Communauté d’agglomération de Blois et référent du PAT «Pays des Châteaux» expliquait ainsi que ces projets «mobilisent d’autres politiques publiques, celles relevant de l’économie sociale et solidaire, du ministère du travail ou de la santé, des fonds européens Leader …etc. L’élu doit faciliter les liens entre ces différents partenaires.» Pour une vue d’ensemble des PAT : rnpat.frLa

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