L'Oise Agricole 28 octobre 2022 a 10h00 | Par Vincent Fermon

Comment la limousine mise sur la qualité plutôt que sur la quantité

L'assemblée générale de la section Nord-Picardie du Herd-Book Limousin s'est tenue fin de semaine dernière à Boiry-Saint-Martin (62). L'occasion d'un «état des lieux» de la race mais aussi de présenter ses nouvelles exigences en matière de sélection.

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Au sein de la section Nord-Picardie, les chiffres sont plutôt bons puisque cette dernière compte 29 adhérents sur la campagne écoulée, soit deux de plus. En nombre de vaches cotisantes, la section est toutefois en recul (757), comme on le constate au sein des sections qui concentrent le plus grand effectif.
Au sein de la section Nord-Picardie, les chiffres sont plutôt bons puisque cette dernière compte 29 adhérents sur la campagne écoulée, soit deux de plus. En nombre de vaches cotisantes, la section est toutefois en recul (757), comme on le constate au sein des sections qui concentrent le plus grand effectif. - © V.F.

Des vaches limousine «au rabais» ? Très peu pour eux. Pour les responsables du Herd-Book Limousin - son rôle est de certifier la qualité des reproducteurs Limousins de race pure et de leur attribuer des qualifications -, la tournée des assemblées générales de section qui est passée la semaine dernière dans les Hauts-de-France est l'occasion de présenter les évolutions des effectifs de la race en France comme de nouvelles orientations en matière de sélection. En matière de nouveauté, les adhérents de la section Nord-Picardie ont ainsi appris la mise en place «prochainement» d'une nouvelle qualification pour les femelles. Celle-ci, rappelait David Delgoulet, chef de service du Herd-book, «a été décidée par les administrateurs du Herd-Book».

Ce que ça change

Parmi les raisons qui ont amené ce changement, David Delgoulet rappelle en premier lieu que la grille de qualification qui s'applique jusqu'à présent date de... 1998. Bien qu'elle repose sur quatre critères (index, reproduction, production et morphologie) et qu'elle soit globalement considérée comme «efficace», «les éleveurs adhérents du Herb-Book ont considéré que cette grille était perfectible», rapporte le représentant de l'organisation. Un exemple ? Un trop faible nombre de veaux par vache soumise à la qualification : «Dans 70 % des cas, les vaches qualifiées n'ont eu qu'un veau, ce n'est pas assez. Elles sont bonnes, mais il faut pouvoir le confirmer.» L'objectif de la nouvelle qualification «femelles» est donc de reculer l'âge de la qualification sans pour autant ralentir la diffusion et la création du progrès génétique. Pour cela, deux qualifications vont être mises en place : une qualification «jeune» mettant l'accent sur le critère morphologique et le niveau génétique ; et une qualification «adulte» issue d'un mix entre production, morphologie et facilité d'élevage. Au final, faudra-t-il s'attendre à moins d'animaux qualifiés ? «70 % des animaux qualifiés jusqu'à présent le seront toujours, estime M. Delgoulet. Mais cela permettra à des vaches qui ne l'étaient pas de le devenir. Les premières années de la mise en place de la nouvelle qualification, il y en aura moins mais, au final, on devrait retrouver les niveaux de qualification antérieurs avec 10 % de vaches RR et entre 2 et 3 % de vaches RRE.» Pour l'ancien président du Herd-Book, aujourd'hui membre du bureau et président de France Limousin Sélection, Jean-Marc Alibert, «l'idée, c'est vraiment de mettre en avant les meilleures vaches de la race et de faire des accouplements raisonnés».

Dynamisme et développement

Pour l'heure, pas de quoi effrayer les adhérents du Herd-Book. À l'échelle nationale, l'organisation constate une «stabilité» de son nombre d'adhérents «dans un contexte baissier». À la fin de la campagne, on recensait en effet 1 394 numéros de cheptels, «soit 6 de moins que sur la campagne précédente». Dans le profil des démissionnaires, on trouve près de la moitié d'éleveurs qui quittent conjointement le contrôle de performances et le Herd-Book. Cessations d'activités et arrêt de l'atelier bovins allaitants font le reste. Au sein de la section Nord-Picardie, les chiffres sont plutôt bons puisque cette dernière compte 29 adhérents sur la campagne écoulée, soit deux de plus. En nombre de vaches cotisantes, la section est toutefois en recul (757), comme on le constate au sein des sections qui concentrent le plus grand effectif.

En ce qui concerne la certification, la section Nord-Picardie a fait certifier 57 mâles et 143 femelles, ce qui représente 1% de l'activité nationale du Herd-Book. Enfin, concernant la qualification - c'est le thème qui avait été retenu lors de l'assemblée générale -, 14 femelles ont été qualifiées RR et 4 qualifiées RRE au sein de la section Nord-Picardie tandis que le nombre de vaches qualifiées RR et RRE au niveau national est en hausse, sans qu'aucune section ne se démarque. La «cuvée» des mâles qualifiés reste, quant à elle, «faible» selon le Herd-Book avec 173 RR VS et 22 RRE VS. Les meilleurs éléments se trouvent dans les régions de Midi-Pyrénées, Haute-Vienne, Auvergne, Corrèze et Poitou-Charentes. Malgré de «petits» chiffres qui lui vaut d'être «la plus petite section de l'hexagone», la section Nord-Picardie et son président Alain Bulion ont reçu les félicitations des responsables nationaux du Herd-Book, saluant une section «en pleine expansion et en pleine évolution». Pour Alain Bulion, «les élevages de la région qui changent de race ou qui arrêtent la production laitière pour choisir l'allaitant» sont autant d'opportunités de développer la section. Ultime témoin de cet intérêt, le concours d'Arras (62) qui s'est tenu pendant Terres en Fête a été un succès, avec un public nombreux. À noter enfin qu'un concours interrégional sera organisé l'an prochain à La Capelle (02) avec la participation des sections Grand-Est et Normandie.

À l'EARL des bauges, une envie de transmettre un troupeau «qui tient la route»

À Boiry-Sainte-Rictrude, entre Arras et Bapaume, l'EARL des bauges se distingue d'autres élevages de race limousine en se qualifiant lui-même de «hors-sol, par défaut». La modeste surface en herbe dont dispose Jérome Derancourt - 1 ha derrière son bâtiment d'élevage sur les 81,5 ha de son exploitation - n'est pour autant pas un handicap. «Je fais avec ce que j'ai», philosophe-t-il. Pour gérer seul son troupeau, il limite volontairement son troupeau à 27 vaches. «J'en ai eu jusqu'au 45, mais c'était trop...» Pour suivre ses performances, l'éleveur adhère depuis 2016 à Bovins Croissance. Depuis 2018, il est également adhérent du Herd-Book Limousin. Au sein de cet élevage, où les vaches adultes sont inséminées par un taureau par monte naturelle et où les génisses sont inséminées artificiellement (IA), les vêlages ont lieu «toute l'année», confie l'éleveur qui se déclare de fait «toujours occupé, sans jamais être débordé». L'âge moyen auquel a lieu le premier vêlage est de 38 mois. Le taureau dont Jérôme Derancourt est propriétaire a été sélectionné «par ce qu'il fait de la viande, et pas trop de hauteur», mais aussi parce qu'il dispose d'un gène «sans cornes». Une manière selon lui de «préparer l'avenir» - il anticipe ainsi une interdiction de l'écornage - et de «limiter les interventions». En dernier lieu, disposer d'un taureau au milieu du troupeau permet de détecter plus facilement les chaleurs des vaches, même si M. Derancourt estime «qu'il ne faut pas se louper».

«Il faut du temps»

En ce qui concerne l'alimentation des animaux, en hiver, les animaux recoivent une ration composée de pulpes de betteraves surpressées et d'un mélange de paille et mélasse. En été, ils sont nourris avec du foin et de la luzerne. Les veaux sont, quant à eux, nourris avec une ration composée d'un tiers de luzerne, un tiers de maïs broyé et un tiers de pulpes sèches. Économiquement, l'éleveur constate que «ce n'est pas terrible», même s'il apprécie actuellement le niveau élevé des cours de la viande : «Quand on voit le prix des coproduits, c'est compliqué, assure-t-il. Le plus simple, ce serait de faire de l'engraissement et de vendre à un marchand, mais j'ai un bon niveau génétique et je veux poursuivre dans cette voie.» L'éleveur veut en effet avoir un troupeau «de bon niveau» à transmettre à ses enfants si d'aventure ces dernier souhaitent s'installer après lui : «Pour avoir un bon troupeau, il faut du temps. Ce serait dommage d'abandonner et au moins, je pourrais transmettre quelque chose qui tient la route...»

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